En Guinée, la presse est malmenée de façon inédite depuis l’arrivée au pouvoir de la junte du CNRD. Médias fermés, radios brouillées, site d’informations et réseaux sociaux inaccessibles… autant de défis auxquels a dû faire face Sékou Jamal Pendessa, le sécrétaire général du Syndicat des professionnels de presse de Guinée (SPPG). Le journaliste syndicaliste, qui se dit toujours menacé, a plusieurs fois mené l’offensive contre les atteintes à la liberté d’informer, ce qu’il lui a valu un séjour en prison. Portrait.
Avec ses joues creuses, sa veste sur le dos et le regard ombragé par son inséparable chapeau de paille, Sékou Jamal Pendessa ne pourrait passer inaperçu… même s’il le souhaitait !
Le journaliste de 36 ans s’engage dans la défense de ses camarades dès le lycée. À l’université, il préside le comité d’organisation des toutes premières éditions du Forum national des étudiants, avant de devenir stagiaire puis rédacteur en chef au sein du groupe média « Gangan».
Informer sous la menace
C’est son premier bras de fer avec le pouvoir : en 2017, une grève des enseignants frappe durement les écoles. Le président Alpha Condé menace publiquement de fermer les médias qui tendront leur micro au meneur syndicaliste Aboubacar Soumah. Seul Pendessa brave l’interdit : « Il disait qu’il ne pouvait pas rencontrer beaucoup de personnes, qu’il n’avait pas confiance, mais moi, je pouvais y aller seul. J’ai pris la caméra en tant que journaliste reporter d’image (JRI) et je suis allé l’interviewer. Je l’ai fait passer le même jour, mais voilà, mon média a été fermé pendant vingt-quatre heures, mais il fallait le faire pour que les autres osent ».
En mai 2021, Pendessa devient secrétaire général du Syndicat des professionnels de presse de Guinée (SPPG). Trois mois plus tard survient le putsch du colonel Mamadi Doumbouya. L’espoir laisse place à une nouvelle déception avec le brouillage des radios et la restriction d’internet et des réseaux sociaux.
Tentative d’enlèvement
Avec les associations de presse, le SPPG organise en mai 2023 une « Journée sans presse » que même le média d’état RTG va suivre : « Beaucoup ont pensé à la suspension des programmes en se disant :« On balance tout court la musique », mais j’ai dit non, qu’il fallait éteindre complètement. C’est là que la SPPG, avec son secrétaire général, a joué un grand rôle ».
Mais la répression s’accentue. En janvier dernier, celui que l’on surnomme désormais « Général » appelle à manifester : « À la veille de notre manifestation, j’ai échappé à un kidnapping. Le jour de la manifestation, nous avons été séquestrés toute la journée à la maison de la presse. À notre sortie, à 20 heures, je ne suis pas allé à la maison, j’ai envoyé une délégation à la gendarmerie pour négocier la libération de neuf journalistes. Moi, je m’en allais avec quelques membres du syndicat pour retourner à mon bureau. C’est en cours de route que j’ai été arrêté.»
Agents secrets armés
Le syndicaliste passera un mois et demi en prison. Une grève générale lancée par les principales centrales du pays conduira à sa libération, malgré une condamnation pour « attroupement non autorisé et trouble à l’ordre public ».
Mais Pendessa se sait surveillé en permanence, parfois même jusque dans la Maison de la presse : « Ils sont rentrés, malheureusement, jusque dans la salle de conférence, en faisant semblant, comme s’ils étaient des journalistes… mais on se connaît entre nous. Ils ont finalement dit qu’ils étaient des agents secrets. Certains avaient des armes sur eux ! »
Sékou Jamal Pendessa affirme que sa rue « est l’une des plus surveillées de Conakry », ce qui ne l’empêchera pas de poursuivre sa lutte en faveur de la presse.
Par Sidy Yansané (Rfi)