C’est l’heure du premier bilan pour le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye qui achève ses 100 premiers jours au pouvoir. L’ancien opposant qui a prêté serment le 2 avril, a commencé son mandat avec énormément d’attentes de la part des Sénégalais, qui ont plébiscité le projet du parti Pastef, dès le premier tour de l’élection présidentielle. De son côté, il promettait avec son Premier ministre Ousmane Sonko de construire un Sénégal nouveau après 12 ans de pouvoir de Macky Sall.

L’une des mesures phare de Bassirou Diomaye Faye et de son gouvernement, c’est la baisse des prix de certains produits de première nécessité comme le pain, l’huile ou le sucre. Selon notre correspondante à Dakar, Juliette Dubois, beaucoup de Sénégalais réclamaient des actions rapides sur le coût de la vie et ont donc salué la mesure mise en place au mois de juin.

Autre chantier d’ampleur : la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. Le nouveau président du Sénégal a lancé de nombreux audits depuis avril, par exemple dans le secteur du pétrole, du gaz et des mines. D’autres audits ont également été lancés dans les comptes publics des ministères ou encore sur les constructions littorales. Les chantiers concernés sur le domaine public maritime sont à l’arrêt depuis mai pour vérifier qu’ils sont en règle. Mais les conclusions de ces audits ne sont pas encore connues.

Dans le domaine de la justice, que Bassirou Diomaye Faye avait promis de réformer en profondeur, le gouvernement a aussi agi rapidement en organisant des assises dont sont sortie une dizaine de recommandations.

Certains chantiers ont pris du retard

En revanche, plusieurs dossiers trainent. Un projet de loi sur la protection des lanceurs d’alerte devait être finalisé avant le 15 mai. Il n’a pas encore été présenté à l’Assemblée nationale. Autre projet en souffrance, la création d’une commission pour indemniser les victimes des manifestations entre 2021 et 2024.

Enfin, des nominations sans appels à candidature, loin des promesses du président, ont fait grincer des dents. Plusieurs dizaines de postes de direction dans l’administration sont concernés.

Diplomatie

Sur le plan diplomatique, le président sénégalais a clairement mis l’accent sur l’intégration régionale. Symbole fort : le ministère des Affaires étrangères est devenu ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères. Bassirou Diomaye Faye a rapidement réaffirmé son attachement à la Cédéao sans aucune velléité de quitter l’organisation, contrairement au Mali, Burkina et Niger qui forment désormais la CES, la Confédération des États du Sahel.

Ainsi, le président sénégalais pourra faire le lien entre les deux blocs. Dimanche, la Cédéao a désigné le chef de l’État comme facilitateur dans les discussions avec l’alliance du Sahel. Il a expliqué qu’il allait travailler à rapprocher les positions, les réconcilier et organiser le dialogue.

En 100 jours, Bassirou Diomaye Faye s’est déjà rendu au Mali et au Burkina Faso mais également dans de nombreux autres pays de la sous région comme la Gambie ou la Mauritanie, le Nigéria ou encore la Côte d’Ivoire pour rencontrer les chefs d’État et reprendre les dossiers bilatéraux en main.

En dehors du continent, le jeune président qui se positionne comme souverainiste avait promis pendant sa campagne de redéfinir les rapports du Sénégal avec la France. Ce n’est donc pas un hasard si son premier déplacement en Europe s’est fait dans l’hexagone, en marge d’un forum mondial sur la vaccination. Il a rencontré Emmanuel Macron et les deux hommes ont affirmé « partager une volonté de donner une nouvelle impulsion aux relations franco-sénégalaises ».

Comment la population juge-t-elle ces 100 premiers jours ?

Sur certains murs du quartier de Ouakam à Dakar, on voit encore les affiches de campagne jaunies « Diomaye Président » avec le visage du chef de l’État, rapporte notre correspondant, Gwendal Lavina. À deux pas, Wilfried, très satisfait des 100 premiers jours écoulés. Il y a les mesures prises par les autorités, mais c’est autre chose qui le convainc au quotidien d’avoir fait le bon choix : « Je vois l’engouement de la jeunesse par rapport au gouvernement passé. Donc ça, tu ressens que les gens sont prêts à le soutenir pour aller avec lui pour le changement de ce pays. Même si ce n’est pas de façon rapide, mais on sent qu’il y a du courage et de la motivation. »

Adoulaye n’a pas remarqué de véritables changements pour le moment. Mais il est prêt à laisser plus de temps aux autorités : « Pour moi, redresser un pays, ça ne se fait pas en 100 jours. C’est du long terme, un travail de longue haleine. Les Sénégalais attendent, on prie pour qu’ils ne nous déçoivent pas. »

Dans son magasin de produits esthétiques, cette commerçante estime avoir assez attendu, en vain. Donc Bassirou Diomaye Faye ou un autre, ça ne change rien. « Il ne faut pas toujours compter sur le gouvernement. Il faut aussi essayer de se débrouiller, de subvenir à ses propres besoins. Il ne faut pas attendre tout du gouvernement pour gérer ta situation. »

Dans son discours d’investiture, le Chef de l’État évoquait un profond désir de changement systémique exprimé dans les urnes. La population est prête à lui laisser le temps de le concrétiser. « Pour moi, redresser un pays, ça ne se fait pas en 100 jours, c’est du long terme »

Par RFI