Le 9 juillet dernier, Oumar Sylla alias Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, ont été enlevés au domicile du premier à Commandanyah, par des agents assimilés aux Forces spéciales. Conduits à une destination encore inconnue, le Coordinateur et le responsable des antennes et de la mobilisation du Front national pour la défense de la Constitution, FNDC, n’ont pas donné de leur nouvelle jusque-là. Faut-il s’en inquiéter ?

Dans la nuit du mardi 9 au mercredi 10 juillet, Oumar Sylla, Mamadou Billo Bah et Mohamed Cissé, responsable du FNDC à Matoto ont été kidnappés par des agents des Forces spéciales et des gendarmes. Libéré on ne sait trop comment, Mohamed Cissé a confié dans une vidéo enregistrée dans un endroit tenu secret, que ses compagnons d’infortune seraient détenus dans le pénitencier colonial de Fotoba, récemment « réhabilité », dans la sous-préfecture de Kassa, au large de Conakry. Les autorités se sont murées dans le silence. Jusqu’au mercredi 17 juillet, quand le Procureur général près la Cour d’Appel de Conakry s’est fendu d’un communiqué. Se fiant aux « informations persistantes faisant état des cas d’enlèvements et de séquestration » de Foniké Menguè et Billo Bah qui « circulent dans la cité », Fallou Doumbouya a plutôt accentué l’inquiétude. Il a annoncé qu’aucun « établissement pénitentiaire du pays ne détient ces personnes… » Pour atténuer l’angoisse, le procureur dit avoir instruit ses subalternes à « ouvrir des enquêtes minutieuses et complètes » sur les cas de disparition. Depuis, la police judiciaire n’a fourni aucune information sur ses investigations. Du moins, publiquement.

Au regard du mutisme des autorités sur la disparition de leurs époux, les épouses de Foniké Menguè et de Billo Bah ont porté plainte à Paris contre Mamadi Doumbouya, le chef de la junte guinéenne, et ses proches. Pour les deux femmes, le Général Doumbouya et son entourage sont derrière l’interpellation musclée et la détention secrète de leurs maris. Il n’en fallait pas plus pour que le gouvernement sorte de son silence. Mais, une fois encore, pour ne pas apaiser les cœurs. En conférence de presse le 25 juillet, le porte-parole du gouvernement, devant le ministre Secrétaire général de la Présidence, a déclaré : « Le procureur général a été explicite, il a été clair, il a dit non seulement que ces personnes ne sont pas arrêtées, mais demande à tous ceux qui ont des informations de les aider, parce que la justice travaille à les retrouver… Il y a un fait que nous devons aussi comprendre, les adultes ont le droit de disparaître aussi volontairement, c’est un droit. Vous n’êtes pas à la maison, on n’a pas le droit de vous chercher, sauf s’il y a une requête judiciaire. Même si on les retrouve, s’ils ne veulent pas qu’on dise où ils sont, c’est leur droit, on ne le dira pas. »

Le mutisme, encore le mutisme

Les jours passent, les autorités gardent le silence. Après 30 jours, le Guinéen lambda ignore encore si Foniké Menguè et Billo Bah sont en vie et où et dans quelles conditions sont-ils détenus. Le gouvernement, lui, a d’autres soucis. Le président du CNT, Dansa Kourouma, lui-même issu de la Société civile, a présenté l’avant-projet de la future Constitution, le 29 juillet. Dans son discours, il n’a dénoncé ni l’enlèvement ni la détention secrète des deux activistes, ni la violation des libertés des citoyens. Le CNT qui doit demander des comptes à l’Etat, au nom de son rôle de contre-pouvoir, entre dans l’indifférence, à l’image de l’Exécutif, qui ne se fait aucune préoccupation sur la disparition forcée de Foniké Menguè et de Billo Bah. Il se vante plutôt d’avoir réussi à organiser le procès des crimes commis le 28 septembre 2009. Comment pourrait-il convaincre l’opinion qu’il ignore de tout du kidnapping des deux responsables du FNDC ? La Sénégalaise Fatou Diome écrit : « Ceux qui nous oublient nous assassinent ». Après le verdict dans le procès du 28 septembre, il faut rendre justice aux familles des disparus, en leur rendant les leurs. Les Guinéens ont le devoir d’y veiller, pour ne pas passer pour des « assassins », aux yeux de Fatou Diome. Nul ne saurait oublier Foniké Menguè et Billo Bah, tant leur audience a franchi les frontières guinéennes. Leur disparition ne devrait pas être rangée dans les oubliettes de l’histoire, aussi longtemps que les Guinéens demeureront sans nouvelles d’eux. Le faire équivaudrait à l’approuver et à encourager sa réédition.

Mamadou Siré Diallo