Le Président du Conseil National de la Transition a profité des matinées dansantes que lui offre la pléthore de plénières pour poser un tampon d’alcool sur deux des principales plaies de la nation guinée-haine : le dialogue et l’inclusivité.

 Pour le dialogue, Dr. Dansa Kourouma a dû troquer sa tenue néo nationale « Firsi » contre la blouse blanche du médecin que la politique a longtemps essayé d’avachir : « Le dialogue politique, dit-il, est un médicament efficace. Il ne doit pas se tenir de manière sporadique. Il doit être continu entre les différentes composantes de la vie nationale pour, ensemble, anticiper les crises, trouver des solutions avec moins de risques et moins de dégâts collatéraux. » Le ton est sec; le langage, clair, direct, ferme, prescriptif, sans les tournures alambiquées propres à l’homme politique. Juste ce qu’il faut, comme dans une ordonnance médicale.

Le Président du CNT sait mieux que quiconque, apprécier « les dégâts collatéraux » du déficit de dialogue politique. Houphouët Boigny a toujours pris le dialogue pour ce qu’il est : « l’arme des forts, non des faibles. » Le tollé s’est fait assourdissant quand le champion du néo-colonialisme d’Abidjan a bravé l’Afrique révolutionnaire pour annoncer son intention de dialoguer avec l’Afrique du Sud, berceau incontesté et incontestable de l’Apartheid. A son ministre de l’Information, Laurent Dona Fologo, noir comme jais, balafré à souhait, de conduire la mission.  Malheureusement pour le régime de Pretoria, Mme Fologo est de race blanche, blonde, à souhait également. Loger l’honorable couple ministériel ivoirien revenait à fouler au pied les valeurs cardinales de la séparation des races, chère à l’apartheid.

Dansa Kourouma n’a pas besoin de souvenirs aussi saugrenus pour mesurer les conséquences dévastatrices du dialogue politique en trompe-l’œil qui a toujours accompagné la démocratie guinéenne. L’espace politique domestique est assez fourni pour lui éviter les escapades d’ordre historique. De la COEDM des Bah Mamadou aux multiples alliances et coalitions qui, aujourd’hui, se bouffent le nez pour chasser le CNRD, Dansa Kourouma se révélera forcément fin observateur. Cela s’est vu en filigrane dès qu’il a fini de vider l’autre moitié de son flacon d’alcool sur la plaie béante de l’improbable inclusivité. « C’est encore une opportunité pour moi de lancer un appel au nom de mes collègues conseillers, à toutes les composantes du peuple de Guinée à demeurer unies, pour conduire ensemble la codification de l’avant-projet de nouvelle constitution. »

M. Kourouma n’a absolument rien à perdre, sauf peut-être un peu de salive, pour prêcher l’unité et la concorde au nom du CNT devant les membres du gouvernement. Il est peu probable de voir ceux-ci aborder le sujet au sein de leurs propres cabinets, encore moins en conseil, devant le Général Doum-bouillant. A ce que l’on sache, ils n’ont pas prêté serment sur le Coran et la Bible pour créer des problèmes au patron de la Transition, surtout au moment où celle-ci fait des yeux très doux à la durée, que dis-je, à l’éternité, au nom de l’Éternel qui donne le pouvoir. En attendant que la démocratie guinéenne produise assez de démocrates capables de la faire fonctionner. Pas avant.

Diallo Souleymane