Il y a trois ans, ce 5 septembre, que le Comité national du rassemblement pour le développement s’emparait du pouvoir au nom, disait-il, de sa soif de gouverner la Guinée autrement. Après avoir houspillé le troisième mandat d’Alpha Grimpeur et applaudi le putsch de Mamadi Doum-bouillant, les Guinéens renouent avec les démons du passé.  

Alors qu’Alpha Grimpeur avait fini de maîtriser ses opposants en militarisant l’Axe Hamdallaye-Kagbélen pour empêcher toute manif, les Conakrykas ont été surpris d’entendre, au petit matin du 5 septembre 2021, des coups de feu retentir à Kaloum. La presqu’île, qui concentre la plupart des services de l’administration, est réputée pour son calme. Au bout de quelques doutes et interrogations, la prise du pouvoir est annoncée sur Facebook. Puis, sur les antennes de la Télé-bidon nationale (RTG). Après que le locataire du palais présidentiel Sékhoutouréyah y a été délogé et promené à Bambéto comme un trophée de guerre, pour ne pas dire un vulgaire quidam.

Mi-mandat

Tout le monde, sauf ses partisans, est en transe. C’est la fête chez les opposants au troisième mandat controversé et aux bidasses des Farces spéciales qui ne ratent pas l’occasion de s’offrir des bains de foule. Les Guinéens craignaient d’avoir à supporter Alpha Grimpeur durant six longues années supplémentaires, après une décennie jalonnée de manifs et de répressions. Aujourd’hui, la Refondation a déjà consommé la moitié du sextennat de trop de celui qu’on a évincé. Les bains de foules des premières heures du putsch ont laissé place aux bains de sang, alors que plus « aucune goutte » ne devait plus gicler, avait-on promis. L’homme du peuple s’est retranché dans son palais bunkérisé. Hier pressés, aujourd’hui, les Guinéens ignorent quand prendra faim la transition.

Elle était censée durer deux ans, à compter de janvier 2022. Selon le propre décompte du CNRD et ce en dépit du fait qu’elle a commencé depuis septembre 2021. Les Guinéens ont malgré tout accusé le coup. Les Yankees, l’air méfiants, ont déclenché un compte à rebours sur le portail internet de leur ambassade à Cona-cris. Les ministres des Affres étranges, Mori-sans-dents Kouyaté, y a vu une inadmissible ingérence dans les affaires intérieures de la Guinée. Ce qui provoqua un grincement de gencives de plus d’un édenté. Le Guinéen pesta, l’ambassade recula. Depuis, la junte décompte à sa façon, sans en rendre compte à personne. En toute souveraineté. Sans qu’aucun diplomage ne lève le petit doigt. Même la CEDEAO a fini par tout con()céder. Après le départ fracassant du Mali, du Niger et du Burkina de l’organisation régionale, un membre de moins serait un membre de trop. Il faut donc ménager la Guinée, quitte à nager dans des eaux troubles.

Cadence ultra lente

Librement, le gêné-râle Mamadi Doum-bouillant promettait, le 31 décembre passé, courant cette année « une nouvelle constitution qui nous ressemble et nous rassemble, approuvée par le peuple, qui n’est pas du copier-coller, mais qui s’inspire du passé pour bâtir ensemble notre avenir. »  A quatre mois de la faim de l’année, on est au stade d’Avant-projet de constitution. Le fait-chier ou fessier électoral qui doit sortir du RAVEC (Recensement administratif à vocation état-civil) se fait encore déchirer, eh plutôt désirer. Les compétiteurs, les plus en vue, sont exilés. Les autres se cherchent, pour éviter qu’on les recherche. Et la transition avance « à la cadence ultra lente des Forces spéciales (28 pas par minute) », comme l’écrivait Jeune Afrique au lendemain du putsch.

Et pourtant, nos bidasses de dirigeants savent courir à toute pompe. Sur le plan économique, ils ont pressé leurs partenaires de Simandou, travaillant jour et nuit, afin que la mine de fer qui s’étend de Kérouané à Beyla entre en production à la faim de l’année prochaine. La transition a faim, il lui faut des sous et un bilan pour faire avaler la pilule aux Guinéens. Quand tout le monde mange, personne ne se préoccuperait de compter le nombre d’années passées au pourboire ou de la tête du candidat à la pestilentielle. Du moins, croit-on. L’appétit vient en mangeant, ou en présidant. Tout le monde le sait. 

Ces CN-erreurs-D du passé

La junte avait juré de ne « pas répéter les erreurs du passé »; promis l’amour à la Guinée. Mamadi Doum-bouillant s’était rendu au cimetière de Bambéto pour pleurer les victimes des balles assassines de l’air Alpha Grimpeur, prier pour le repos de leurs âmes. Il a engagé des consultations sociales nationales, qui ont accouché d’une Charte de la transition. Quoique décriée par la classe politique, cette dernière a eu le mérite de reconnaître et protéger les droits fondamentaux des Guinéens. La transition du CNRD s’articule autour de 5 piliers ou cinq Erres : Refondation, Rectification, Rassemblement, Redressement et Repositionnement. Il a même été annoncé que la justice serait la boussole qui va guider la transition. Mais, on connaît la fuite !

Au fur et à mesure qu’il s’enracine, le Doum-bouillant prend des décisions controversées: rebaptiser l’aéro-hangar de Cona-cris Gbessia du nom d’Ahmed Sékou Tyran; gestion solitaire de la transition; non publication de la liste des membres du CNRD; expulsion de la Petite Cellule Dalein Diallo et démolition de son gîte à Dixinn-port; réquisition du nid du Sid Touré de l’Ufr à la Minière. Le tout, dans l’illégalité. Le doute s’installe dans l’opinion.

Mamadi Doum-bouillant organise quand-même le procès du massacre du 28-Septembre 2009, 13 ans après les crimes commis dans le Stade critique de Dixinn. Un mérite ! Surtout si cela servait de leçon aux dirigeants actuels.

Mais, le libérateur des détenus politiques et de la société civile suite au 3è mandat d’Alpha Grimpeur devient l’oppresseur. Les manifs pour la démocratie et les services sociaux de base sont réprimées dans le sang. On déplore près d’une cinquantaine de morts par balle, en 3 ans. Pour un seul cas jugé et condamné. Comme quoi, la Guinée peine toujours à rompre avec la culture d’impunité.

Bonjour, les CNR-Dérives !

Mamadi Doum-bouillant renoue avec les méthodes de la Révolution zigouilleuse de Sékou Tyran, son idole. Il pousse à l’exil les leaders de l’UFDG, de l’UFR, d’activistes de la Société civile…Il censure internet, au nom de la « sécurité nationale », trois mois durant. Les contestataires de la mesure, dont le Secrétaire gênant du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée, SPPG, sont embastillés. Une chape de plomb s’abat sur la presse privée, écartée des couvertures médiatiques de la plupart des activités présidentielles. Les cris de cœur de Reporters Sans Frontières, RSF, n’y ont rien pu. La journée sans presse, itou. Les médias audiovisuels privés très écoutés, non tendres envers les putschistes et leur goubernance, sont tout simplement bouclés. Et bonjour l’autocensure chez bien d’autres.

Les CNR-Dérive ne s’arrêtent pas pour autant. Les arrestations illégales se multiplient; les disparitions forcées, itou. On avait pourtant juré, la main sur le palpitant, qu’il n’y aura pas de chasse aux sorcières, encore moins aux défenseurs des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le numéro 2 du CNRD, le Général Sadiba Koulibaly, arrêté, jugé et condamné de façon expéditive, détenu hors cadre légal, meurt le 22 juin dans des conditions troubles.

La disparition depuis le 9 juillet dernier d’Oumar Sylla alias Foniké Menguè et de Mamadou Billo Bah renforce les craintes d’un retour des démons du passé. Si ceux-ci ne sont pas déjà parmi nous.

Diawo Labboyah et

Mamadou Siré Diallo