A trois jours du 3ème anniversaire de l’avènement du CNRD au pouvoir, la transition a plus que jamais pignon sur rue. Le retour à l’ordre constitutionnel, convenu avec l’organisation ouest-africaine, n’aura lieu que le 31 février. Aucun acteur ni observateur ne se fait la moindre illusion. Le contrat dont la durée a déchainé les passions, sera finalement à durée indéterminée. La classe politique et la société si vile ont avalé les couleuvres. Désormais marteler que la transition prend fin le 31 décembre et pas un jour de plus est un baroud d’honneur.
La junte, sachant que la meilleure défense est l’attaque, est en train non pas d’amputer mais de décapiter toutes les voix dissonantes. La priorité n’est plus le respect d’un accord -devenu caduc- signé avec une organisation frileuse par un quatrième divorce. Mais la libération de deux hommes dont la disparition a plongé tout le pays dans l’émoi. A l’exception bien notable de proches du CNRD pour lesquels c’est la fin qui justifie les moyens pour garder les avantages et les privilèges.
Contrairement à ce qu’il s’est passé il y a 2 ans, ce troisième anniversaire se déroulera sans les principales radios et télévisions privées, qui avaient participé au 1er anniversaire avec tambours et trompettes. Brouillées avant d’être purement et simplement fermées, ces radios et télévisions apprennent à leurs dépens qu’un carnaval entre les lions et les gazelles est toujours suicidaire pour les secondes. Ces médias, enfantés par les manifestations et leur corollaire de répression, ont pactisé avec le putschiste. Organisant une synergie pour célébrer avec faste le renversement d’un élu. On nous dira qu’il était mal élu. On se rend compte qu’une urne, comme moyen d’accès au palais, même bourrée, est mieux que la kalach.
Celui qui s’est empressé de renommer l’aéro-hangar de Cona-cris Sékou Tyran, tente peu à peu de restaurer la pensée unique si chère à son idole. Dans ce contexte marqué par l’absence de toutes voix dissonantes, on s’attend à l’émergence des mouvements de soutien de tout acabit. Comme au Mali, le tombeur du Grimpeur se dira que c’est le peuple qui l’oblige à se présenter. Le président de l’association Nourdinne islam prêche désormais pas pour la paix mais pour le pain, s’apprête à jeter le chapelet et à rejoindre les féticheurs et soutenir son bienfaiteur.
L’avocat Éric Dupond-Moretti nous apprend que « défendre ceux que l’on aime c’est aussi, c’est surtout, leur construire un monde où la justice l’emporte sur la violence, le courage sur la lâcheté et la politique sur la démagogie ». Le Franco-algérien Tahar-Hassine Ferhat enfonce le clou en disant que « dans un monde où les valeurs se perdent, l’honneur, autrefois boussole morale, peine à guider l’homme égaré ».
Dans une société où les plus médiocres ont pris le dessus sur les plus méritants, il suffit que quelques initiateurs des mouvements de soutien soient nommés à quelques postes de responsabilité ou que le budget de souveraineté, que dis-je la caisse noire, soit partagée avec eux et que la nouvelle se propage comme une trainée de poudre pour que ces mouvements poussent comme des champignons. Comme entre les tours de la présidence de 2010, à chaque coin de rue on érigera une baraque en guise de siège d’un mouvement de soutien à la candidature du général. Et la Guinée continue sa marche de l’écré-vice, de l’écrevisse.
Après le tour de vis, la phrase électorale. L’occasion rêvée pour les experts en maquignonnage électoral. Comme il est de tradition depuis 1993, l’officier sera proclamé vainqueur. Suivra le déploiement de la grande muette dans les rues de Cona-cris. Le tour sera joué. Ce scénario, tant redouté par la classe politique-du moins celle qui est susceptible d’obtenir les voix des électeurs- semble être très probable.
Pour revenir aux mouvements de soutien, ce que leurs promoteurs ignorent c’est qu’ils ne causent pas de tort à la Petite Cellule de Dalein, au Sid ou à un autre homme politique. Les deux premiers sont devenus des SDF dans leur propre pays, ils ont vu leurs maisons respectives détruite et réquisitionnée, ils sont sans abri et à l’abri du besoin. Si la Guinée est remise sur les rails de la démocratie et du développement, les premiers bénéficiaires seront les lèche-bottes qui nourrissent leurs enfants avec l’argent du contribuable guinéen au mépris de toutes les valeurs morales. Le journaliste de téléréalité, Philippe Bartherotte, alerte : « Lorsqu’une société a perdu ses valeurs morales, la justice est le dernier rempart contre le retour du règne animal et les juges, des citadelles ».
Qu’est-ce dire ? La justice guinée-haine, auto-proclamée la boussole devait orienter toutes les décisions de la transition en cours, doit se réveiller pour éviter à ce pays un autre drame qui conduira à un procès comme celui qui vient de connaitre son épilogue. Pour rappeler au CNRD que son seul salut réside dans la primauté de la loi, la protection de la liberté individuelle et collective. Et le plus beau cadeau d’anniversaire à la Guinée pour le patron des farces spéciales qui a promis l’amour à la place du viol, sera de libérer Oumar Sylla Foniké Mengué et Billo Bah.
Puisse ce troisième anniversaire inspirer les dirigeants actuels afin qu’ils concrétisent les engagements pris il y a 3 ans devant Dieu et le peuple martyr de Guinée.
Habib Yembering Diallo.