Voici déjà trois ans que la junte de Mamadi Doumbouya a pris le pouvoir, et elle ne semble pas prête à le lâcher. Si l’attention médiatique s’est concentrée sur les juntes du Sahel, la transition en Guinée se passe tout aussi mal. La répression va crescendo, et Doumbouya pourrait se porter candidat aux élections et déclencher une grave crise politique.

L’Afrique de l’Ouest a connu une série de coups d’État réussis ces dernières années. Au Mali, au Niger, au Burkina Faso, ils ont eu lieu dans des pays fragilisés par des mouvements djihadistes : des militaires frustrés par les piètres performances des régimes civils et de l’assistance internationale ont pris le pouvoir. Ils ont rapidement rompu avec la France et, plus largement, avec les pays occidentaux, pour faire un virage stratégique vers la Russie. La Guinée offre un contexte bien différent : le djihadisme n’y est encore qu’une menace potentielle, et la junte est plutôt proche de la France.

Sur la scène intérieure, cependant, trois ans après sa prise de pouvoir, le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), la junte dirigée par le général Mamadi Doumbouya, n’en prend pas moins un tournant de plus en plus autoritaire. L’approche de la fin prévue de la transition (fin 2024) fait monter les tensions. Le processus de retour à l’ordre constitutionnel n’avance pas, la situation socio-économique est mauvaise, les tensions dans l’armée persistent, la contestation monte et la répression est de plus en plus brutale.

Le dernier épisode le plus marquant est la disparition, début juillet, de Oumar Sylla alias « Foniké Menguè », et de Mamadou Billo Bah, deux figures importantes de la société civile. Ils ont été arrêtés en pleine nuit, hors de toute procédure judiciaire. Le gouvernement prétend qu’ils ont été enlevés par des inconnus, et on ne sait pas s’ils sont encore en vie. Pourtant, la prise du pouvoir par la junte avait été presque unanimement applaudie par les Guinéens. Comment en est-on arrivé là ?

Après le coup d’État de 2021

Si le coup d’État du 5 septembre 2021 mené par le Groupement des forces spéciales (GFS), une unité d’élite de l’armée, résultait d’abord de rivalités au sein de l’armée et du régime du président Alpha Condé (2010-2021), il avait été salué par nombre de Guinéens, et notamment par Cellou Dalein Diallo, le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), principal parti politique d’opposition à Condé, et par le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), un mouvement citoyen qui avait mené la lutte contre les manœuvres politiques de Condé. Les Guinéens étaient d’ailleurs sortis en masse dans la rue pour célébrer le colonel Doumbouya, leur « libérateur ».

En effet, en 2020, Alpha Condé s’était autorisé un troisième mandat en modifiant la Constitution au travers de ce que ses détracteurs avaient qualifié de « coup d’État constitutionnel ». Il avait remporté l’élection qui avait suivi, organisée dans des conditions très contestables. Les énormes manifestations organisées par le FNDC et l’UFDG n’avaient pas suffi à le faire reculer, et la répression avait fait au fil des années une centaine de morts.

Avec la junte, tout avait semblé bien commencer : le nouveau régime avait libéré les leaders politiques et du FNDC emprisonnés sous Condé, avait permis le retour des exilés et faisait de beaux discours dénonçant l’autoritarisme, la corruption et l’instrumentalisation de la justice sous le régime précédent. Une entente semblait possible. Cellou Dalein Diallo et les leaders du FNDC avaient plaidé auprès des chefs d’État de la Communauté économiques des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour que la Guinée ne fasse pas l’objet de sanctions. Ils arguaient alors que le coup d’État militaire « rectifiait » le « coup d’État constitutionnel » mené par Condé et ils voulaient croire en la bonne foi de la junte. La Cedeao avait accédé à leur demande, se contentant de suspendre la Guinée de ses instances et d’adopter quelques sanctions individuelles contre certaines figures du CNRD (la Guinée a finalement réintégré toutes les instances de la Cedeao au début de l’année 2024).

Pour autant, la junte n’a jamais associé l’opposition politique et civile à Condé à la gestion de la transition. Le FNDC, qui revendiquait la présidence du Conseil national de transition (CNT) – l’assemblée législative de transition –, pour pouvoir peser sur le cours des événements, s’est vu proposer le seul ministère de la Jeunesse, qu’il a décliné. Le CNRD a finalement nommé Dansa Kourouma, une figure de la société civile accusée par beaucoup d’opportunisme, et a attribué très peu de sièges aux partis politiques, pour les marginaliser. Par ailleurs, le CNRD s’est efforcé de coopter certains responsables de l’UFDG et du FNDC, pour affaiblir ces structures. Il a réussi à récupérer quelques individus, souvent peu importants ou dissidents au sein de ces groupes.

Quant au gouvernement civil, il sert au bon plaisir de la junte – le pays en est déjà au troisième Premier ministre en trois ans. Les ministres sont pour la plupart des technocrates issus de la « société civile » de Guinée ou de la diaspora ou des politiciens de second plan (le gouvernement compte trois généraux, mis à la retraite pour occuper les portefeuilles de la Défense, la Sécurité et l’Administration du territoire). Le gouvernement bénéficie d’une marge de manœuvre limitée et est sous étroit contrôle du CNRD, qui pilote directement les dossiers les plus sensibles, comme l’immense projet d’exploitation du minerai de fer du mont Simandou.

L’administration territoriale est également passée sous la coupe de l’armée. Le CNRD a nommé des militaires aux postes de gouverneurs, de préfets et de sous-préfets. Dans les municipalités, les conseils communaux ont été dissous et remplacés par des délégations spéciales nommées par le gouvernement, une manière de retirer le peu de pouvoir que détenaient encore les partis politiques. Ces détails comptent car l’administration et les municipalités jouent un rôle important dans l’organisation des élections.

Contestation et répression

Les responsables du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), le parti du président déchu, ont immédiatement fait l’objet d’une forte pression. Les plus importants ont été inculpés pour « corruption » et placés en détention préventive. L’un d’eux, Louncény Camara, est mort de maladie en prison, d’autres ont été remis en liberté, mais les vrais poids lourds – Mohamed Diané, Amadou Damaro Camara et Kassory Fofana – sont encore détenus. La junte semble craindre qu’ils possèdent encore des leviers d’influence au travers des militants du RPG et des militaires qui leur sont encore fidèles, et du fait de leurs moyens financiers. Alpha Condé, lui, a prétexté de problèmes de santé pour s’exiler en Turquie – la Guinée et la Turquie s’étaient beaucoup rapprochées sous sa présidence.

Le CNRD est particulièrement soucieux d’écraser le RPG car dans un pays où les affiliation politiques sont largement fondées sur l’appartenance communautaire, ils sont en compétition pour établir leur prééminence sur une même base sociale, les Malinké, l’une des deux plus grandes communautés du pays. Le CNRD est en effet composé d’anciens hommes de confiance du régime Condé, donc souvent malinké eux-mêmes (au sein du gouvernement en revanche, de manière assez classique en Guinée, le CNRD a veillé à représenter toutes les communautés).

Cellou Dalein Diallo et son parti, puissant et organisé, dominant au sein de la communauté peule, est un des principaux obstacles au maintien de la junte au pouvoir. C’est pourquoi ils ont eux aussi rapidement été pris pour cible. Dès les premiers mois de l’année 2022, le CNRD a saisi une des maisons de Diallo, l’accusant de l’avoir acquise par une malversation, et la justice a ouvert contre lui une enquête pour corruption dans l’affaire Air Guinée, vieille de vingt ans, à l’époque où il était ministre des Transports. Diallo est depuis lors en exil au Sénégal. La junte a pris pour porte-parole du gouvernement Ousmane Gaoual Diallo, une figure de l’UFDG, connu pour ses différends avec Cellou Dalein Diallo. Gaoual a d’ailleurs déclaré que ce dernier était illégitime pour diriger le parti et il en revendique la présidence. L’objectif du CNRD semble de prendre le contrôle du parti ou, au moins, de le faire imploser.

En juillet 2022, constatant que le processus de retour à l’ordre constitutionnel n’avançait pas, le FNDC a repris ses activités et a organisé une première manifestation. La junte avait pourtant interdit toute manifestation jusqu’à la période des élections de fin de la transition. Cinq jeunes ont été tués à cette occasion par les forces de défense et de sécurité – depuis, avec les manifestations suivantes, le bilan est monté à 47 morts. Deux jours après cette première manifestation, deux leaders du FNDC ont été arrêtés et mis en prison jusqu’en mai 2023, soit durant dix mois, de manière arbitraire.

La junte s’est également employée à resserrer son contrôle sur l’espace médiatique, les organisations non gouvernementales (ONG) et les associations. En 2023, les principales radios et télévisions d’information privées du pays ont commencé à connaître des « problèmes techniques ». Puis, en novembre 2023, elles ont vu leur signal coupé par le pouvoir, une décision assumée par le Premier ministre en mai 2024. Il les a accusées de propager des propos haineux, allant jusqu’à les comparer à la Radio Mille Collines qui avait encouragé au génocide des Tutsi au Rwanda en 1994.

Par ailleurs, la junte a coupé ou restreint plusieurs fois Internet et les réseaux sociaux. Début septembre, alors que les Forces vives – regroupant les principaux partis politique et le FNDC – appelaient à des manifestations contre la junte pour le troisième anniversaire du coup d’État, le gouvernement a suspendu la délivrance des agréments aux ONG et aux associations, et a menacé de retirer les agréments de celles qui mèneraient des « actions de trouble à l’ordre public ».

Le durcissement de la junte s’est accentué à partir de fin 2023. Deux événements majeurs sont survenus à cette période. En décembre, le principal dépôt de carburant de Conakry a explosé – paranoïa ou pas, les autorités n’excluent pas un sabotage. Un mois plus tôt, un commando de militaires et anciens militaires, dirigé par le fils d’un leader de la junte de 2008-2010, Claude Pivi, a attaqué la principale prison de Conakry. Pivi est une figure influente dans l’armée, notamment parmi les soldats issus des communautés originaires de la Guinée forestière. Or il était inculpé dans le cadre d’un procès très sensible, celui du massacre du 28 septembre 2009. À l’époque, les forces de défense et de sécurité avaient attaqué des manifestants réunis dans un stade de Conakry, tuant plus de 150 personnes et violant au moins une centaine de femmes – des faits qualifiés de crimes contre l’humanité par un rapport des Nations unies puis par la justice guinéenne. Alors que le procès avançait enfin, Claude Pivi a réussi à s’évader au cours d’une opération qui aurait coûté la vie à plusieurs militaires du GFS.

Ces deux épisodes ont ébranlé la junte. Depuis, Mamadi Doumbouya ne sort presque plus du palais présidentiel, dont la garde a été considérablement renforcée, et la répression a monté d’un cran.

Une armée mal maîtrisée

Si le CNRD est sur le qui-vive, c’est qu’il n’a pas la complète maîtrise de l’armée. Doumbouya a mené le coup d’État à la tête du seul GFS – peut-être avait-il négocié la neutralité de certaines unités. Il a rapidement coopté des officiers issus d’autres unités des forces armées pour composer le CNRD.

Dès sa prise de pouvoir, le CNRD a opéré des purges, mettant à la retraite tous les généraux (certains ont été envoyés en poste à l’étranger) ainsi qu’un millier d’autres membres des forces de défense et de sécurité. Le CNRD a ainsi fait de la place, promouvant un bon nombre de ses membres, qui étaient colonels, au rang de général.

Le CNRD a vite réorganisé les unités d’élite de l’armée. Il a dissous plusieurs d’entre elles puis en a créé une nouvelle, le Groupement des forces d’intervention rapide (GFIR). Ainsi, il semble demeurer deux unités d’élites seulement, le GFS, qui est une garde présidentielle de facto, et le GFIR, qui s’est vu attribuer une mission de lutte contre le risque terroriste et a été envoyé dans le nord-est du pays, à la frontière avec le Mali. Il pourrait en l’occurrence s’agir d’un moyen d’éloigner de Conakry des militaires aguerris qui pourraient représenter une menace pour la junte.

De plus, le GFS, qui était déjà l’unité la mieux équipée et la plus puissante de l’armée guinéenne, a encore été renforcé. Composé d’environ 500 hommes en 2021, il aurait bénéficié depuis d’au moins deux vagues de recrutement d’une centaine d’hommes chacune.

Mais deux épisodes montrent la persistance de tensions au sein de l’armée. Le premier a été évoqué plus haut : l’évasion de Claude Pivi. Pivi semble avoir bénéficié de complicités au sein d’une unité importante, le Bataillon autonome des troupes aéroportées (BATA). Nombre de ses membres sont issus des ethnies dites forestières, originaires du sud-est du pays, celles de Claude Pivi et de la quasi-totalité des inculpés dans le procès du massacre du 28 septembre. Ces Forestiers avaient été précisément recrutés sur une logique ethnique et clientéliste sous le général Lansana Conté (1984-2008) puis, surtout, sous la junte du capitaine Moussa Dadis Camara, en 2009. Nombre de Forestiers sont aujourd’hui défiants envers le CNRD à cause de l’organisation de ce procès, qu’Alpha Condé avait repoussé sine die pour, précisément, ne pas se les aliéner. Les jours suivant l’évasion de Pivi, le BATA a connu une purge : le commandant, le commandant adjoint et une dizaine d’officiers ont été remplacés.

Le deuxième épisode est celui de la mort du général Sadiba Koulibaly. Colonel au moment du coup d’État, promu général et nommé chef d’état-major général des armées, il est brusquement tombé en disgrâce en mai 2023, apparemment en raison d’une rivalité avec le puissant ministre de la Défense Aboubacar Sidiki Camara alias « Idi Amin ». Ce dernier semble être en effet le « parrain » de Mamadi Doumbouya au sein de l’armée guinéenne – c’est lui qui l’avait fait nommer à la tête du GFS en 2018. En 2023, le pouvoir avait éloigné le général Koulibaly, en le nommant à l’ambassade guinéenne à Cuba. Il est revenu en Guinée fin mai 2024 dans des conditions peu claires, il a été arrêté, condamné, puis les autorités ont annoncé sa mort en détention des suites « d’un psycho-traumatisme important » et « d’un stress prolongé », lesquels auraient entraîné « un arrêt cardiaque ». Des rumeurs ont circulé selon lesquelles le CNRD soupçonnait Koulibaly de préparer un coup d’État, en lien avec Alpha Condé, voire avec le FNDC. Peu avant sa mort, le CNRD a opéré une nouvelle purge au sein de l’armée, radiant une quarantaine d’officiers.

Pas de pressions internationales

Jusqu’à aujourd’hui, le CNRD fait l’objet de très peu de pressions internationales, contrairement aux juntes qui se sont imposées dans la même période dans les pays du Sahel. On note que la France n’a fait aucune déclaration suite à la disparition forcée de Foniké Menguè et de Mamadou Billo Bah, et que les États-Unis se sont contentés de communiqués à[VF1]  minima.

Il faut dire que le principal parrain international du CNRD est la France. La coopération en matière de défense et de sécurité est importante, et de nombreux marchés publics ont été attribués à des entreprises françaises. Doumbouya, passé récemment au rang de général, est d’ailleurs un ancien caporal-chef de la Légion étrangère française, marié à une gendarme française, ses enfants sont scolarisés en France et il est très probable qu’il possède la nationalité française. La France, satisfaite de voir les relations avec la Guinée s’améliorer après une dégradation dans les dernières années de la présidence Condé et traumatisée par la rupture avec le Mali, le Niger et le Burkina Faso, n’ose critiquer ouvertement le raidissement du CNRD.

Par ailleurs, le CNRD ne se laisse pas enfermer dans un tête-à-tête avec Paris. Il a hérité d’un portefeuille diplomatique diversifié, la Guinée entretenant des relations importantes dans les domaines économique, militaire et politique/diplomatique avec les États-Unis, la Russie, la Chine, la Turquie, les Émirats arabes unis ou encore le Rwanda. Ceci doit beaucoup à la richesse exceptionnelle de son sous-sol, en bauxite, en or et en fer, richesse exploitée par des entreprises de ces différents pays. Cela lui permet de jouer un partenaire contre un autre et de s’assurer de la modération des critiques des pays occidentaux.

Ainsi, l’immense projet de mine de fer de Simandou, dans lequel sont associés la multinationale anglo-australienne Rio Tinto et des géants chinois comme Baowu et Chinalco, suscite bien des intérêts. Les sommes en jeu sont proprement colossales : les investissements initiaux sont estimés à environ 15 milliards de dollars, notamment pour la construction d’un chemin de fer de plus de 600 kilomètres. L’entreprise française Egis a été désignée ingénieur conseil du gouvernement dans ce projet et l’américaine Wabtec a remporté un marché de plus de 250 millions de dollars pour des locomotives. Cependant, la récente baisse du cours du fer liée à la crise de l’immobilier chinois pourrait menacer la rentabilité du projet, et donc son exécution.

À l’échelle de la sous-région, la junte tire les bénéfices des tensions entre les pays de l’Alliance des États du Sahel et la Cedeao. Chaque fois que la Cedeao a cherché – timidement – à faire pression sur le CNRD pour le retour à l’ordre constitutionnel, le CNRD a fait un pas vers les juntes sahéliennes, obtenant ainsi immédiatement une position plus conciliante de la Cedeao.

Enfin, le CNRD profite d’avoir relancé le procès tant attendu du massacre du 28 septembre 2009 pour contrer les critiques sur le thème des droits humains et essayer de renforcer sa crédibilité internationale. Juste après le verdict, le 1er août dernier, le porte-parole du gouvernement a saisi l’occasion pour célébrer l’engagement de Doumbouya pour le « renforcement des institutions judiciaires et la promotion de l’État de droit »…

Pas d’élections en vue

Ce contexte permet au CNRD de mener une répression sévère sans subir de réelles pressions internationales. La pression pourrait plutôt venir de l’intérieur. En février 2024, les syndicats ont mené avec succès une grève générale, durant trois jours, pour obtenir la libération de Sékou Jamal Pendessa, un responsable syndical emprisonné. Par ailleurs, la situation économique est dégradée, d’autant plus après l’explosion du dépôt de carburant. Les Guinéens se plaignent de la cherté de la vie et des délestages, alors que les finances publiques sont au rouge. Des manifestations contre la vie chère ont été projetées par des membres du FNDC et leurs alliés, mais l’enlèvement de leurs leaders en juillet 2024 les ont mises en suspens.

Le Premier ministre a annoncé en juin dernier que, contrairement à l’engagement du CNRD, l’élection présidentielle n’aura pas lieu fin 2024, mais peut-être en 2025. Il a cependant affirmé que le référendum pour adopter la nouvelle Constitution aurait lieu fin 2024, ce qui semble improbable car si le gouvernement a récemment présenté un « avant-projet » de Constitution, il entend mener à bien un recensement de la population et la production d’un nouveau fichier électoral avant le référendum, processus qui ont à peine débuté. En réalité, rien n’indique que la junte veuille rendre le pouvoir.

Mamadi Doumbouya, s’il reste lui-même discret, laisse ses proches multiplier les campagnes de promotion, des tournois de football sont organisés en son honneur, des artistes populaires chantent à sa gloire en l’appelant à rester au pouvoir et son marabout officiel Karamo Solo a fait une déclaration en ce sens, ce qui laisse songer qu’il n’est pas sans ambitions. Tout récemment, le président du CNT a soutenu que la Constitution ne saurait « individualiser » – comprendre qu’elle ne saurait interdire aux figures du régime de transition de participer aux élections à venir, alors que le CNRD avait lui-même inscrit une disposition en ce sens dans la charte de la transition.

Ces séquences sont familières à ceux qui suivaient la Guinée à l’époque de la junte du capitaine Dadis Camara. Tout cela s’était terminé par une mobilisation massive de l’opposition, et par le massacre du 28 septembre. À rebours de sa formule favorite, la junte n’a visiblement pas « tiré les leçons du passé »…

Par Vincent Foucher, chercheur au Centre

national de la recherche scientifique (CNRS) et ancien

analyste pour la Guinée auprès d’International Crisis Group

et Joseph Petit, journaliste