On ne sait pas s’il faut pleurer ou rire. Dans un contexte marqué par la disparition des uns et la mort en détention des autres, il serait cynique de rire. Et pourtant, pour noyer nos soucis et surtout face aux farces et frasques de notre goubernement, on ne peut s’empêcher de rire. Car les héritiers de celui qui avait clamé et proclamé hériter d’un pays et non d’un Etat, nous prennent pour des précambriens, ils instaurent un Etat « woulécratique ». Voyons plutôt. Dans une déclaration du ministre de l’Energie et des Hydrocarbures – relayée curieusement par des médias crédibles – on nous apprend que la Guinée est capable d’exporter de l’électricité. Comme si le dernier délestage date de 2 ans ou même de 10 ans. Comme si cela est possible avec la récitation de quelques versets du Coran ou de la Bible. Ou par les pratiques ancestrales animistes.
Pour faire face au délestage et son corollaire de galère et de grogne, il a fallu emboiter le pas à celui qu’on a accusé de tous les péchés d’Israël après le 5 septembre 2021. En ramenant le fameux truc turc d’Ankara (qu’ils ont appelé à tort un bateau) pour nous sortir de l’obscurité, les jeunes ont montré qu’ils n’ont pas plus de solutions que les vieux qu’ils ont vilipendés sur tous les toits. Il ne s’agit pas d’un bateau. C’est un groupe électrogène à la dimension d’un bateau.
Si, près de deux mois seulement après le retour de ce générateur à Cona-cris, la Guinée peut se passer de lui pour ses propres besoins énergétiques et même vendre cette denrée rare à un autre pays, cela relèverait d’un miracle. A moins que notre pays ne soit devenu un Etat commerçant et par ricochet sous-traitant.
En attendant, les gouvernés, que les gouvernants prennent pour des primitifs, ne se laissent pas prendre à ce canular. Après 11 ans de gestion du prési-Grimpeur, celui-ci leur a appris qu’en Guinée plus le mensonge est gros, plus on y croit. Et justement ils n’y croient plus désormais. Car une sagesse populaire balaye d’un revers de la main les convictions du Grimpeur en affirmant qu’il vaut mieux mentir et passer vite que de mentir et rester. Les internautes vont plus loin en rappelant au ministre de l’Energie que la femme dont les rejetons crèvent de faim ne peut pas inaugurer un restaurant. Un autre vieil adage enfonce le clou en disant que si quelqu’un promet de te donner une chemise, regarde bien celle qu’il porte avant de faire la fête. Heureusement que les Bissau-Guinéens et surtout les Sénéglaids- ne se font pas la moindre illusion. Depuis l’indépendance, la seule chose que leur voisin exporte massivement chez eux, c’est la main d’œuvre pour les champs d’anacarde et d’arachide ou pour le petit commerce.
Dans la foulée, le ministre des Transports annonce pour bientôt le lancement de taxis électriques dans la circulation. Une autre promesse. Comme le lancement de la société Guinée-Télécoms, héritière de la Sotelgui, le premier vol commercial Conakry-Kankan annoncé pour le 31 décembre 2023, la compagnie aérienne ou encore la reconstruction des aérogares de l’intérieur du pays. Le tombeur du Grimpeur fait comme son prédécesseur. Avec, entre autres, l’histoire du chemin de fer Conakry-Bamako-Bobo-Dioulasso, d’une usine de transformation de la pomme de terre ou une autre usine de fabrication de bonbons…
Si l’objectif des nouveaux maîtres du pays n’était pas de s’inscrire dans la logique des anciens, la priorité du moment serait ailleurs. Notamment les routes complètement ébréchées après une saison des pluies particulièrement éprouvante. Mais, comme dit l’autre adage, celui qui raconte des sornettes croit que celui qui l’écoute est idiot.
Cona-cris est l’une des rares capitales du continent noir à n’avoir aucune société de transport urbain digne de ce nom. Les usagers sont abandonnés à leur triste sort. Dire à ces derniers que celui qui n’a pas où aller se mettre à l’aise va acquérir un terrain pour construire une maison, relève une nouvelle fois d’un baiser de Judas. Les récentes déclarations ministérielles creusent davantage le fossé entre gouvernants et gouvernés. Certains ministres du CNRD ne rendent pas service à leur bienfaiteur. Sinon, au lieu d’emballer le peuple, ils enfoncent leur mentor.
Désormais Mamadi Doum-bouillant a l’impérieuse nécessité de restaurer la confiance avec le peuple. Quelle que soit son intention, respect ou violation du serment d’officier du 5 septembre 2021, il ne peut pas laisser cette calembredaine prospérer au sommeil de l’Etat. A la place de celui qui avait dit qu’un ministre la ferme ou ça démissionne, il doit dire haut et fort qu’un ministre, ça bosse ou ça quitte. Mais le cirque actuel est indigne de notre Etat.
Habib Yembering Diallo