La Fête nationale du 2 octobre est en passe de devenir le facteur unificateur d’une société guinéenne éprouvée par des querelles politiques. Même si chacun fête à sa manière et où il considère comme son symbole, tous sont unanimes que la solennité et l’historicité de la date du 2 octobre. Et si c’était à refaire, les Guinéens auraient certainement redit mille fois NON à la domination.
Le pouvoir organise la fête à la Place des martyrs. L’opposition –ou une partie de celle-ci – le fait sur l’Axe Hamdalaye-Kagbélen. Alors que les manifestations sont interdites par le CNRD, pour une fois les autorités laissent faire. Et les manifestants font la fête et se séparent sans incidents. Preuve, pour beaucoup d’observateurs, que c’est l’interdiction de manifestation et la répression qui provoquent les incidents. Mais cela est une autre paire de manches.
Revenons plutôt au bilan de l’indépendance. En 66 ans de liberté, de quoi, concrètement, le Guinéen peut-il s’enorgueillir ? A part que les décisions sur l’avenir du pays ne prennent plus à Paris (CQFD), il y a très peu de domaines dans lesquels la Guinée est véritablement indépendante.
Alimentation, santé, éducation…
A commencer par le plus basique, la nourriture. Si, demain, certains pays asiatiques refusaient d’exporter leurs céréales vers la Guinée, il y aurait une catastrophe humanitaire dans ce pays. Car dans de nombreuses familles, le riz asiatique constitue l’unique aliment, pour les 3 repas quotidiens. Ces dernières années, le pouvoir et ses soutiens nous ont sorti des chiffres pour le moins surprenants. Ils indiquaient que la Guinée est le deuxième producteur du riz de la sous-région après le Nigeria. Selon ces informations, l’importation a baissé de 9 % tandis que la production a augmenté de 12 %. Le pays aurait produit 65 % de sa consommation. Sauf que cela a du mal à se ressentir dans les assiettes.
La situation est pire sur le plan sanitaire. Malgré l’hostilité avec le Sénégal sous le règne du président Alpha Condé, la Guinée envoyait des échantillons pour effectuer des tests de dépistage à Dakar. Par ailleurs, les hôpitaux étrangers sont remplis de malades en provenance de la Guinée.
Situation identique pour la formation. Même si la Guinée, elle aussi forme des étrangers comme les Comoriens, le rêve de tout étudiant guinéen est de poursuivre ses études sous d’autres cieux.
Et que dire sur le plan sportif ? Jusqu’ici, le triplé de Hafia à la Coupe d’Afrique des clubs champions il y a 43 ans est brandi comme le plus bel exemple de performance de la Guinée. Notre pays n’a jamais remporté la Coupe d’Afrique des Nations de football. Contrairement à ses principaux voisins francophones, elle n’a pas non plus accueilli la compétition continentale. Dépourvue de stades homologués, la Guinée est astreinte aujourd’hui à disputer ses matches à domicile à l’extérieur. Entre le discours nationaliste et la réalité, il y a donc un grand fossé.
Après que les Guinéens ont réalisé que les barrages hydroélectriques, brandis comme le projet du siècle, ne sont pas à la hauteur des attentes, l’un des rares bilans positifs de ce pays est la construction d’infrastructures hôtelières, ces dernières années. La Guinée est passée de près de 300 chambres d’hôtel dignes de ce nom, dans les années 1990, à près de 3 000, aujourd’hui.
Il y a six ans, à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance, le président Alpha Condé s’en était offusqué quand des journalistes français avaient évoqué les difficultés quotidiennes auxquelles les Guinéens étaient confrontés. Le seul bilan dont s’était vanté l’ancien président, à juste raison, était la construction de ces hôtels. Rappelant à ses hôtes qu’ils pouvaient désormais dormir à Conakry comme à Paris.
Habib Yembering Diallo