Depuis le début de la saison des pluies en Guinée, de nombreuses routes urbaines et rurales se dégradent de jour en jour. En plus d’être un véritable casse-tête pour les usagers, l’insécurité routière monte en flèche à cause cet état qui favorise les attaques à main armée. L’axe Mamou-Labé en est un exemple.
Les routes urbaines, interurbaines deviennent de plus en plus impraticables. La route nationale N°5, Mamou-Labé via Dalaba et Pita, fait partie des plus dégradées. Depuis des mois, il est notoire que ce trajet est devenu quasi impraticable. Pourtant, elle figure parmi les routes les plus utilisées du pays. Mais à cause de sa défectuosité poussée, elle est devenue un véritable calvaire pour les usagers qui ne cessent de se plaindre. Malheureusement, leurs cris de détresse ne tombent pas dans les oreilles du Fonds d’entretien routier (FER) ou de l’Agence de gestion des routes de Guinée (AGEROUTE).
Juste après le centre urbain de Mamou, après le Km7, des trous béants et des nids de poule sont omniprésents. La forte pluie qui s’est abattue sur la Guinée depuis le début de la saison a aggravé la situation, le peu de bitume restant a été emporté par les eaux, ne laissant place qu’à une simple piste rurale, boueuse où voitures et motos s’enlisent, exposées à des risques d’attaque par des coupeurs de route profitant de la situation.
Mamadou Lamine Bah, chauffeur qui emprunte le trajet Conakry-Labé au moins deux fois par semaine, s’indigne : « C’est l’un des pires axes routiers du pays. Dès que tu quittes le Km7, à la sortie de Mamou, pour te rendre à Pita ou à Labé, c’est l’enfer. À l’entrée de Dalaba, la route est presque coupée. À Mitty (préfecture de Dalaba), des camions s’embourbent et bloquent tout le passage. Une déviation de 6 km a été ouverte, mais il y a des risques de tomber en panne, les chauffeurs craignent d’être attaqués dans la brousse.» Arrivé à Conakry le 30 septembre dernier, Mamadou Lamine témoigne qu’après chaque voyage, il est obligé d’aller au garage. «Les pièces de rechange sont devenues chères, nos recettes diminuent et on n’ose pas augmenter le tarif du transport.» Selon lui, les chauffeurs mettent 12 heures ou plus pour faire Conakry-Labé, auparavant il ne leur fallait que 7 ou 8h.
Une aubaine pour les coupeurs de route ?
En plus du mauvais état des routes, les usagers se plaignent de l’insécurité routière. Les coupeurs de route profitent de la dégradation des axes pour frapper. Mamadou Torodo Bah, un autre chauffeur de taxi, dénonce : «C’est sur ce tronçon qu’il y a le plus de coupeurs de route. Ils cambriolent, parce qu’il y a trop de nids-de-poule. Les attaques ont souvent lieu entre les préfectures de Pita et Mamou. Il y a moins d’un mois, une attaque s’est produite à la sortie de Dalaba. Les coupeurs de route ont volé des biens et un des passagers a été blessé par balle par les braqueurs. Pourtant entre Mamou et Kindia, les attaques sont rares. Nous chauffeurs de taxis, craignons ces situations, car nous souffrons à la fois des accidents et des braquages.» Il s’interroge alors sur le véritable rôle des agents de la Gendarmerie et de la Brigade mobile, si ce n’est d’extorquer de l’argent aux conducteurs. Torodo Bah demande l’aide des autorités : « Nous sollicitons l’État pour réparer les routes, nous souffrons énormément. Si au moins il n’y avait pas de nids-de-poule, on pourrait se débrouiller…»
Le 12 août dernier, lors de l’examen de l’adoption du volet dépenses de la Loi de finances rectificative (LFR) 2024, le Conseil national de la transition, CNT, a critiqué dans son rapport le retard dans le décaissement des fonds: « L’examen du budget alloué au ministère des Infrastructures et des Travaux publics montre un très faible taux d’exécution. Sur 1 770 milliards alloués pour les investissements, aucun paiement n’a été effectué de janvier à août 2024 pour les travaux routiers. L’AGEROUTE est également à 0% de décaissement sur les 224 milliards prévus… », avait précisé le CNT.
Joint au téléphone par notre rédaction le 1er octobre, Siradio Kaalan Diallo, chargé de communication du ministère des Infrastructures et des Travaux publics, dit que le CNT aurait mal interprété le budget de son département. «C’est mal interprété, le montant utilisé par le ministère est en deçà de ce qui est prévu. Toutefois, cela est lié à une certaine procédure technique. » S’agissant de la dégradation avancée des routes, il explique : «Un contrat de réhabilitation de la route Mamou-Labé existe. Toutefois, avec les fortes pluies, il n’est pas possible de commencer les travaux. Les travaux de réhabilitation devraient débuter fin octobre ou début novembre.» Qui vieillira verra !
Souleymane Bah