A Wanindara, dans la commune de Lambanyi, le fondateur d’une école privée est accusé par une famille d’avoir « violé et enceinté » une de ses élèves. Rouguiatou Diallo qui a interrompu la grossesse serait actuellement dans un état critique. Le mis en cause, El Hadj Nouhou Diallo, échapperait encore à la justice.
L’affaire a éclaté au grand jour il y a deux semaines, quand des proches de Rouguiatou auraient découvert des échanges entre elle et le fondateur de l’école où elle étudie. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. L’histoire remonte en juin dernier. Rouguiatou découvre qu’elle a contracté une grossesse de sa « relation amoureuse » avec El Hadj Nouhou Diallo, sexagénaire, richissime homme d’affaires et fondateur du groupe scolaire DEN II. Elle lui signifie son intention de se débarrasser de la grossesse. El Hadj Nouhou lui file 300 000 francs guinéens pour les frais d’avortement. La fille complète la somme par son téléphone mis en caution et passe à l’acte. Rouguiatou se rend à Mamou pour la fête de Tabaski. Mais des complications surviennent, elle saigne abondamment. Admise aux urgences de l’hôpital régional de Mamou, la famille découvre qu’elle a fait un avortement. A Ignace Deen et à Donka, elle subit une intervention chirurgicale. Rouguiatou refuse catégoriquement de nommer l’auteur de sa grossesse. Ses parents récupèrent son téléphone, cassent le code et découvrent ses échanges avec El Hadj Nouhou, via la messagerie WhatsApp. Les deux tourtereaux échangeaient des messages vocaux romantiques inédits.
Une santé plus que préoccupante
Entre juin et octobre, Rouguiatou Diallo a été hospitalisée dans plusieurs structures sanitaires de Conakry. Conséquence de l’interruption mauvaise de la grossesse, maux de ventre atroces, grosses plaies aux pieds, prise quotidienne de sang et crise répétitive en longueur de journée. La famille est à bout de souffle : « Nous avons épuisé toutes nos ressources pour qu’elle guérisse. Il n’y a pas un membre de la famille qui n’y a pas mis son argent. Ce qui fait mal, c’est qu’El Hadj Nouhou ne se soucie même pas de sa situation. Il se fiche de ce qui est arrivé à Rouguiatou », explique Aïssatou Diallo, tante de la fille. Le 18 octobre, la famille a décidé de déposer Rouguiatou chez El Hadj Nouhou : « La fille est entre la vie et la mort. Si elle va mourir, ce sera dans sa concession parce qu’il est derrière tout cela », ajoute la tante.
Des sages du quartier ont réussi à convaincre la famille de la ramener à l’hôpital. Elle y est toujours, mais les ordonnances s’accumulent, selon sa tante : « Nous ne pouvons plus tenir. El Hadj Nouhou avait promis de nous aider, mais il ne le fait toujours pas.» L’opérateur économique aurait exprimé sa volonté de faire évacuer la fille en Tunisie, mais la contrepartie serait que l’affaire ne s’ébruite pas.
Deux-poids deux mesures
La famille de Rouguiatou a porté plainte à l’Office de protection du genre et de l’enfance et des mœurs, Orpogem, contre l’homme d’affaire pour « viol ». Elle espère ainsi obtenir la condamnation du « bourreau », mais surtout un dédommagement « à la hauteur de sa forfaiture ».
Sauf que voilà trois semaines que l’affaire ne bouge pratiquement pas. L’accusé, jusqu’en fin de semaine dernière, se promenait tranquillement à Wanindara. Pendant ce temps, le médecin qui aurait pratiqué l’avortement serait déjà sous les verrous. Un deux poids deux mesures que dénonce Aïssatou Diallo : « Notre plainte dort dans les tiroirs de l’Oprogem, parce qu’El Hadj Nouhou est fort de quelque chose. Sinon, sa place c’est la prison comme le médecin qui l’a aidé. Mais, on est en train de tourner en rond. Nous avons même l’impression qu’il est protégé », accuse-t-elle. L’Oprogem confirme avoir reçu la plainte, mais dit travailler dans la sérénité : « Nous n’avons pas réussi à mettre la main sur le suspect, mais les enquêtes continuent », déclare colonel Marie Sylla. La directrice générale de l’Oprogem d’ajouter : « Tant que l’instruction n’est pas bouclée, nous ne dirons rien ».
Polémique sur l’âge de la fille
Selon sa famille, Rouguiatou Diallo a 17 ans, donc mineure, élève en 7e année. Un âge contesté par un proche d’El Hadj Nouhou. Celui-ci dit que la fille a bien 18 ans, qu’elle ferait plutôt la 10e année. Il s’insurge contre le mot « viol » dans cette affaire : « Tout le monde, y compris la famille de la fille, était au courant de la relation. Elle voit des téléphones et habits de luxe avec elle, elle sait que le fondateur l’invite à des rendez-vous. La vérité est que la fille courait après lui pour l’argent. Il en a profité pour se satisfaire, et cela s’est mal terminé. S’il n’y avait pas eu ce cas d’avortement qui l’aurait su ? » s’interroge notre interlocuteur qui a requis l’anonymat. Il avoue cependant que l’acte est inexcusable : « Cela ne ressemble en rien à un viol, même si un homme respectable ne devrait pas se comporter comme ça. Moralement, c’est inacceptable. »
Sanction tous azimuts
A Wanindara, El Hadj Nouhou Diallo a construit une mosquée tout près de sa concession. Souvent, il y officie des prières. Décision a été prise de l’écarter de cette fonction, jusqu’à nouvel ordre. Tout comme dans son école où il a été contraint de passer la main à un autre, du moins pour le moment. Le groupe scolaire DEN II a failli être fermé. Un membre de la direction relativise : « Il est vrai que ce problème a des répercussions sur le fonctionnement de l’école, mais nous pensons pouvoir tenir dans l’intérêt des enfants. »
Yacine Diallo