Aïcha Bah, 8 ans, élève de la 4ème année, du quartier Dondolikhouré, dans la commune de Kagbélen, du Grand-Conakry. Le 14 novembre, son corps sans vie a été retrouvé dans les toilettes d’une école franco-arabe où elle étudiait. Elle a été violée, avant d’être tuée par ses bourreaux. L’acte odieux plonge la Guinée dans une profonde consternation, d’autant qu’il a eu lieu à la veille des 16 jours d’activismes contre les violences basées sur le genre et un an après un autre crime similaire.

Le viol suivi du meurtre d’Aïcha Bah suscite des condamnations au sein des associations de défense des droits de la couche féminine, des institutions internationales et du gouvernement. Dans un communiqué du 20 novembre, la représentation des Nations Unies en Guinée a exprimé sa « profonde consternation face au crime. Le système des Nations Unies en Guinée (SNU) se dit profondément touché par le décès tragique d’Aicha Bah, et regrette que ce crime survient un an après celui d’Aissatou Tambassa, une autre victime de viol et d’assassinat. « Ces actes odieux perpétrés dans les lieux censés être des sanctuaires de sécurité et d’éducation pour nos enfants, interpellent notre conscience collective et exigent des mesures concrètes et immédiates ».

A l’approche des 16 jours d’activismes contre les VBG, célébrée en ce mois de novembre, cette tragédie « nous rappelle l’urgence de renforcer la prévention, de soutenir les victimes et survivantes, et de garantir un environnement où plus aucune fille ou femme ne sera exposée à de telles atrocités, en cohérence avec les objectifs de développement durable (ODD 5), afin de bâtir une société plus juste et équitable », a souligné Aimé Ntumba Kakolo, représentant du Haut-Commissariat aux droits humains des Nations Unies en Guinée.

Papa et maman de la victime

Prenant acte de l’enquête en cours, le SNU réitère son soutien au gouvernement, avant de rappeler les engagements internationaux pris par la Guinée, des « engagements qui doivent se traduire en actions concrètes ». Il « appelle à un sursaut national des autorités et de tous en vu d’unir les forces pour éradiquer les violences sexuelles en Guinée ».

Le gouvernement réagit

Le 23 novembre, le gouvernement guinéen dans un communiqué, a lui aussi exprimé son indignation face au viol suivi de meurtre d’Aïcha Bah. La ministre de l’Action sociale, de la promotion féminine, de l’Enfance et des personnes vulnérables, Charlotte Daffé, a commencé par condamner le double crime de viol et de meurtre sur une mineure, avant d’en appeler au respect de préservation de la vie humaine. « Le Gouvernement condamne avec la plus grande rigueur ce crime crapuleux en ce sens qu’aucun motif quel qu’il soit ne saurait le justifier. La vie humaine étant sacrée, chacun a l’obligation impérieuse de la préserver à tout prix ».

Le gouvernement porte à la connaissance de l’opinion nationale et internationale la prise des mesures suivantes : « la saisine du procureur de la République près le tribunal de première instance de Dubréka et l’ouverture d’une enquête pour arrêter et traduire devant la juridiction compétente les responsables de cette infraction criminelle ; Ensuite, le durcissement de la politique pénale afin qu’aucune circonstance atténuante ne soit acceptée par les tribunaux en faveur des présumés auteurs et complices de viols ; Et enfin l’intensification d’actions de sensibilisation en vue d’une plus grande diffusion des dispositions légales et réglementaires sur les viols », lit-on dans le communiqué.

Le Gouvernement invite la population à prêter main-forte aux services de sécurité et de justice, avant de réitérer sa détermination à mettre hors d’état de nuire tous « les responsables d’actes odieux y compris et en premier lieu ceux coupables de violences basées sur le genre ».

Une justice critiquée pour son silence

Les organisations de la société civile pointent du doigt l’inefficacité de la justice dans la lutte contre les violences sexuelles. Selon Thérèse Akapo, responsable de la protection de la jeune fille et des enfants au Club des jeunes filles leaders de Guinée, la majeure partie des cas de violences sexuelles n’aboutit pas à une condamnation. Elle déplore que des condamnés soient libérés et reviennent vivre dans les mêmes quartiers que leurs victimes. « Tout cela est dû à l’impunité. Nous sommes très choqués que ce cas ait pu avoir lieu et qu’il n’y ait pas eu assez de réactions. Et l’Etat laisse dix jours après, pour faire un communiqué annonçant prendre des mesures. De Dubréka à Conakry, comment cela s’est passé sans qu’il n’y ait eu de réactions au sein de la communauté ? Où était le service de protection ? On est très touchés et très dévastés par ce phénomène de viol et de meurtre qui prend de l’ampleur en Guinée. Normalement, l’école est sensée être un lieu de protection, mais de nos jours, c’est le contraire. C’est vraiment déplorable », s’est indignée Thérèse Akapo, le 25 novembre.

Au nom du Club des jeunes filles leaders de Guinée, elle exhorte l’Etat à agir au plus vite, pour que le cas d’Aïcha Bah, soit et demeure une leçon pour les autres. « Il y a eu de nombreux cas de viols et d’assassinats des enfants ou des jeunes filles, mais je demande à l’Etat d’aller jusqu’au bout de cette enquête et de punir son bourreau à la hauteur de son crime pour qu’il n’y ait plus de cas similaires ».

Kadiatou Diallo