La création d’une route carrossable reliant Labé à Mali au temps colonial a commencé en 1924. 100 ans plus tard, c’est la pose de la première pierre pour sa construction et son bitumage. La décision avait été prise par les autorités coloniales associées aux chefs coutumiers des localités traversées érigées en cantons. Les chefs de canton et chefs de village avaient l’obligation de fournir une main d’œuvre conséquente et des denrées alimentaires pour les travaux forcés. C’était le cas d’ailleurs pour toutes les colonies françaises pour la réalisation de toutes les infrastructures (routes, chemins de fer, édifices publics etc.). Tout se faisait à la main et le traitement des exécutants était des coups de fouet ou de cravache en cas de refus de travailler ou de retard dans l’exécution des tâches. Les populations locales, les « indigènes » étaient obligés de fournir des vivres aux forçats, les transportant sur la tête et en marchant, quelle que soit la distance. Ceux qui étaient chargés de mobiliser la main d’œuvre avaient comme mot d’ordre : « Allons aux travaux ! »

Le mot « travaux » a donné le nom « tarawo » en pular pour dire « route ». Les travaux de création du « tarawo » Labé-Mali démarrés à Labé en 1924 ont abouti à Mali en 1927.

A l’époque, le chef de canton de Mali était Alpha Mamadou Cellou Dieng. Il a régné de 1925 après la mort de son père Alpha Amadou Oury Dieng, à 1957 (date de la suppression de la chefferie de canton en Guinée française). Les travaux de la route avançant mal au niveau du canton de Yambering, Alpha Mamadou Cellou Dieng s’était battu comme un lion pour les faire poursuivre jusqu’à Mali.

 Le premier tracé de la route à l’entrée de Mali allait de Nyoguéma à Horétyaanguel en passant par Foye, Tariwel et Bowel. Ce tracé à partir de Nyoguéma à quelque 3 km du poste colonial de Mali, aujourd’hui chef-lieu de la préfecture, fut modifié, à sa place, le tracé actuel : Doghol-Foye-Weendou Kollet-Horé Tyaanguel.

Le Commandant français de Mali du nom de Monsieur Boulager décidant un jour de visiter le chantier de la route, se fait transporter sur un hamac porté par quatre hommes. Au niveau du hameau de Foye au flanc d’une montagne, une vue imprenable, sur les bas- fonds, du côté de Mali-Misside à l’Ouest, le commandant descend du hamac, contemple le paysage. Un pas, deux pas, glisse et tombe commandant. Et des grands courtisans du chef de canton de crier à la foule accompagnant le chef blanc : « Que vous ne tombez pas quand le commandant blanc glisse et tombe ? » Et chacun de tomber, certains même avec fracas. Le commandant blanc se releva, voit tout le monde à terre. Il interroge sur la scène, un courtisan lui explique la coutume locale : quand le chef tombe, tout le monde tombe en signe de compassion et solidarité. Et tous de se mettre à pied et en marche.

Le premier véhicule arrive à Mali en 1927. Il marchait du charbon, au volant un certain Kéba Traoré.

*Une première coïncidence de l’histoire a fait que c’est en 2024, c’est -à-dire un siècle après le lancement en 1924, des travaux de création de la route Labé-Mali, que le lancement des travaux de bitumage de cette même route a eu lieu à Labé. Si le délai contractuel de 30 mois pour les travaux de construction et de bitumage annoncé lors de la cérémonie est respecté, autre coïncidence, le goudron arrivera à Mali en 2027, un siècle après l’entrée de la route et du premier véhicule à Mali en 1927. Qu’il en soit ainsi ! Amen !

La Grande différence à noter entre le tracé de la route Labé-Mali de 1924 à 1927 et la construction et le bitumage programmés de cette même route 2024-2027, est que la première opération avait été exclusivement faite à la main (les travaux forcés et fournitures obligatoires de vivres) alors que la seconde va se faire avec des machines modernes sur fonds de sensibilisation des riverains et de dédommagement par le gouvernement, des personnes et familles impactées par les travaux.

Bon vent aux travaux de construction et bitumage de la route Labé- Mali !

Ibrahima Diallo,

Agent de développement