Au seuil du nouvel an, jeter un regard rétrospectif sur le laïus du Général Doum-bouillant le 31 décembre 2023, n’est pas superflu. Le tombeur du Grimpeur avait pris un engagement : « Au cours de la nouvelle année (2024), sera soumise au référendum une nouvelle Constitution qui nous ressemble et qui nous rassemble. Une Constitution approuvée par le peuple et qui n’est pas du copier-coller, mais qui s’inspire du passé pour bâtir ensemble notre avenir ». A la fin 2024, les Guinéens ont plutôt un bled qui leur ressemble. Confirmant l’adage tel peuple, tels dirigeants. La Constitution, quant à elle, est attendue le 31 février.
Retour sur le laïus dans lequel le locataire du Palais Mohammed V n’avait pipé maux sur la faim de la transition, officiellement prévue demain, mardi 31 décembre 2024.
Outre la Constitution promise, Mamadi Doum-bouillant, le prési de la transition, s’était contenté d’annoncer la mise en place des délégations spéciales. Pour la fuite, la nomination , le 27 février d’un Premier des ministres issu de la classe politique, était censée accélérer le processus de mise en place des institutions démocratiques afin d’aboutir à l’objectif de passage à témoin entre le militaire et un civil. Paradoxalement, ce Premier ministre avait fait sien l’accord dit dynamique entre la Guinée et la CEDEAO qui fixe la fin de la transition au 31 décembre 2024. Il semble avoir une mission officielle et une autre officieuse. La seconde serait de faire avaler les couleuvres de la prolongation à la classe politique. A chacune de ses interventions, Amadeus Bah Oury n’écartait pas l’éventuel glissement du calendrier électoral.
Dans le même laïus du Doum-bouillant, alors colonel-président avait réitéré « son attachement indéfectible à la promotion du dialogue et à la paix ainsi que son entière disponibilité à apporter sa contribution à l’avènement d’une Guinée plus sûre et tolérante ». Pour de nombreux observateurs, la décision de retirer les licences de trois principales radios et télévisions privées du bled, en mai dernier, a été aux antipodes de cet engagement. En outre, la disparition de deux responsables du FNDC, d’un journaleux ainsi que d’un responsable du régime grimpeur a battu en brèche « l’avènement d’une Guinée sûre et tolérante ». Le sort des disparus, Oumar Sylla alias Foniké Menguè, Mamadou Billo Bah, Saadou Nimaga et le journaleux Habib Marouane Camara plonge leurs proches et les Guinéens épris de paix et de justice dans l’angoisse. Des responsables et non des moindres alternent railleries et cynisme dans leurs déclarations. Dans un premier temps le ministre des Transports et porte-voix du goubernement, Ousmane Gawa Diallo, avait ironisé que des adultes ont le droit de disparaître. Récemment, un autre a renchéri : des bandits peuvent se camoufler dans des tenues militaires pour enlever des citoyens.
Le prési de la transition avait aussi souligné que « la mise en place des institutions fortes qui résistent au temps et à la tentation des hommes reste et demeure l’un des objectifs clés de la Transition ». Dans la foulée, il avait promis que « dès le premier trimestre de l’année 2024, des délégations spéciales seront mises en place sur toute l’étendue du territoire pour poursuivre les efforts de retour à l’ordre constitutionnel, par l’organisation d’élections libres, démocratiques et transparentes de la base au sommet dans le respect des dix (10) points du Chronogramme de la Transition ». De ces engagements, seule la mise en place des délégations spéciales a été réalisée. Pour maints observateurs, ce n’est pas fortuit. Il s’agirait pour le CNRD de couper l’herbe sous le pied du RPG et de l’UFDG qui se partageaient l’administration du territoire en termes de nombre d’élus locaux. Depuis la mise en place de ces délégations spéciales, le CNRD est le seul maître à bord du navire Guinée, de la base au sommeil.
Autre annonce faite il y a un an par le chef de la junte est « le Programme National de Recensement Administratif à Vocation d’État Civil (PN-RAVEC), qui est l’une des étapes majeures du processus de recensement général de la population et de l’habitat ». Il y a peu, le ministère de l’Administration du trottoir a annoncé le démarrage de cette activité. Même les lieux de culte sont mis à contribution pour sensibiliser. Le projet qui fait partie des dix points du chronogramme de la Transition a un double objectif : procéder au recensement de la population et extraire de ces données le fichier électoral. Une opération loin de finir.
Le moins que l’on puisse dire est que la transition avance à pas de caméléon. A ce rythme, elle prendra fin dans les années 40, comme le souhaitent les partisans de la junte. D’ailleurs, ces thuriféraires ne parlent plus de transition mais de refondation. Ce qui présage des lendemains qui déchantent. Les Forces ivres de Guinée ont décidé « de ne plus reconnaître les nouvelles autorités après le 31 décembre 2024 ».
Habib Yembering Diallo