Les Nations désunies sont si prolifiques en journées commémoratives qu’elles finiront par en attribuer à toutes les espèces d’êtres vivants ou inertes éparpillées sur la planète terre. On s’essoufflerait à énumérer ces journées. La femme dont dépend, dit-on, la grandeur de l’homme qui lui inflige pourtant les pires violences, ne pouvait pas ne pas avoir ses journées.

Les journées d’activismes contre les violences basées sur le genre ont débuté le 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes et se terminent le 10 décembre, Journée internationale des droits de l’homme. Ces deux semaines sont l’occasion de relancer les engagements et d’exiger des décideurs des comptes et de les inciter à agir, car le monde s’achemine allègrement vers le 30è anniversaire de la Déclaration de Beijing avec des résultats mitigés. La montagne risque d’accoucher d’une souris !

Le thème de la journée 2024 est « Riposter et se reconstruire après les violences ». La complexité de ce vaste labeur est ramenée à des proportions raisonnables grâce aux efforts déjà consentis par le médecin congolais Denis Mukwege, en faveur de ses compatriotes victimes de viols collectifs.

La crainte est d’autant fondée que le féminicide est en nette hausse ces vingt dernières années. En 2023, une femme a été tuée toutes les 10 minutes, de façon délibérée par son compagnon ou des membres de sa famille. Quelle horreur ! Il ressort du rapport d’ONU Femmes que 60% des féminicides sont commis par le conjoint ou un parent de la victime. Le feminicide est l’expression la plus grave et la plus violente des violences à l’égard des femmes et des filles. 

Cette forme brutale et extrême de la violence que subissent les femmes ne doit pas faire oublier celles que la société dédramatise et néglige. La violence verbale, physique, morale, etc. grosse ou ténue est toujours préjudiciable à la victime. Les injures, les propos orduriers, les voies de faits, les viols, les mariages précoces, les mariages forcés, les mutilations génitales sont des formes plus ou moins graves de violences basées sur le genre. La société doit prendre conscience de la douleur physique, psychique et morale des victimes sexistes et collaborer activement à l’élimination de ce fléau à travers le monde. Cela requiert une connaissance relativement bonne des causes de ces déviances.

Si on peut subodorer des causes universelles, on ne peut pas pour autant ignorer la réalité des contextes souvent bien différents. Comme causes, les normes sociales et les stéréotypes sont généralement pointés du doigt par les sociologues et les psychologues. Les normes sociales charrient quantité de pesanteurs tantôt spécifiques à une communauté, tantôt propres à un large éventail de communautés. Ces pesanteurs se traduisent par des tabous positifs ou négatifs. Il y a des propos et des comportements admis et sublimés par la société alors que d’autres sont rejetés et bannis. Les premiers sont des éléments constitutifs du bien ; les seconds, ceux du mal. Ah, quand le manichéisme nous tient ! Gare donc à ceux qui font ce que les normes condamnent, mais aussi à ceux qui ne font pas ce que les normes dictent. Et voilà tout construit le creuset des valeurs qui moulent les femmes. Les stéréotypes sont des modèles de comportement et de pensée dont les femmes devraient s’inspirer pour exister en société. Faute de quoi, elles passent sous les fourches caudines.

Abraham Kayoko Doré