Le 3 décembre 2024, Emmanuel Macron à l’Elysée, comme Napoléon Bonaparte à Waterloo, en 1815, a essuyé une cinglante défaite, une déconvenue. Le Duc de Wellington n’était pas là, mais il y avait une certaine Marine Le Pen dont les gens de l’Elysée et Matignon sont dorénavant les souffre-douleurs. L’Assemblée nationale, comme la Constitution l’y autorise, a renversé le Premier ministre Michel Barnier et son gouvernement. Chape de plomb sur l’Elysée, Matignon et le Palais Bourbon. On en reste estomaqué !
Le renvoi des Ministres par les députés est l’épilogue de l’initiative présidentielle de dissoudre l’Assemblée nationale. Macron, qui n’a pas de vécu parlementaire, ne s’est pas souvenu de la mésaventure du tandem Chirac-Juppé en 1995. Ils avaient perdu la majorité au profit du parti socialiste. Et Lionel Jospin prit la place d’Alain Juppé, à Matignon. C’est la seconde cohabitation.
Victime de sa condescendance ?
Si sous la 5è République, la dissolution de l’Assemblée nationale est un acte récurrent, c’est seulement la deuxième fois qu’intervient le renversement du gouvernement par les députés. En 1962, les parlementaires eurent la malencontreuse idée de renverser le gouvernement de Georges Pompidou. Ils n’en eurent pas le loisir, car Charles de Gaulle, en excellent soldat, anticipa et dissolut l’Assemblée dont le renouvellement lui fut favorable.
Le manque de professionnalisme politique de Macron l’a bel et bien rattrapé. Le dilettantisme trahit un jour ou l’autre. Il n’est pas une construction du microcosme politique. Il y est apparu à la manière des microorganismes, invisibles à l’œil nu, croyait par ignorance de leur cycle de reproduction, qu’ils se développent spontanément. Il n’a été ni conseiller régional, ni député, ni maire, ni ministre, ni Premier ministre. Sa connaissance de la chose politique est plus livresque que pratique. Des astuces lui échappent. Pour tout dire, Macron n’a pas le vice des politiciens qu’il regarde avec condescendance. Ce qui fâche son pourfendeur Jean-Luc Mélenchon qui a trouvé « creux et prétentieux » son intervention après la chute de Barnier.
Le goût de l’ascension
Jeune et brillant banquier, le Président français a eu un parcours politique escamoté au cours duquel il a enjambé et brûlé des étapes cruciales qui lui auraient été d’une grande utilité en ces durs moments. Il a été repéré par l’économiste et homme politique Jacques Attali qui l’a conseillé à François Hollande. Ce dernier en a fait un proche collaborateur avant de le promouvoir, à Bercy.
Il ne reste pas là longtemps les pieds dans la Seine. On lui a donné le goût de l’ascension. Comme l’alpiniste, il ne pense plus qu’à voler vers les cimes. En 2019, les querelles de clocher qui minent les partis qui ne sont soucieux que de leurs chapelles, lui servent de courte échelle. Et hop, le voilà au Palais de l’Elysée !
Mais « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », et parfois la chienlit tout à côté. Vers La France en marche que crée le nouvel élu, filent, serrés, les uns contre les autres, les opportunistes et transfuges des grandes formations traditionnelles, en quête de strapontins. Cette formation de bric et de broc, abracadabrant, ne résistera pas au temps et aux vicissitudes politiques. Elle se fissure, s’effrite, s’en va en lambeaux et donne le piteux spectacle actuel.
Jusqu’au bout….
D’ailleurs, il n’y a pas que La République en marche, étiquetée à présent, Parti de la Renaissance, qui est dans la tourmente. Tout le microcosme politique y est englué. Mais tout le monde n’y perd pas les plumes. Marine Le Pen et le Rassemblement National en sortent plutôt requinqués, remportant les Européennes et manquent le bol aux législatives, notamment par la faute de cette mer…des désistements. Jordan Bardella a dû en perdre le sommeil, lui qui se croyait déjà à Matignon.
Le 5 décembre, le torse bombé, l’allure altière, Macron a sèchement dit à ses compatriotes qu’il ira au terme de son mandat. Froid et stupeur dans le camp de Mélenchon et du nouveau Front Populaire. La Bérézina de Macron n’est pas que politique, elle est aussi économique. La France traîne un déficit budgétaire de 6% alors que la norme, dans l’Union Européenne est de 3%. C’est en cherchant à réduire ce gap que le gouvernement de Michel Barnier a mordu la poussière
Abraham Kayoko Doré