L’ancien directeur général de la Banque nationale d’investissement de Guinée (BNIG), Alpha Mohamed Kallo, est passé à la barre le 23 décembre. Il a été cuisiné pour détournements par le ministère public et la partie civile devant la Chambre de jugement de la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief).

En détention depuis le 26 juillet 2022, Alpha Mohamed Kallo est poursuivi par le parquet spécial de la Crief pour « détournement de deniers publics, corruption d’agents publics, enrichissement illicite, blanchiment de capitaux ». Les faits présumés de faux et usage de faux en écriture publique et d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics pèsent sur lui et ses collègues Ibrahima Tounkara et Maurice Eugène Alecaut, non détenus.

À l’audience du 23 décembre, Alpha Mohamed Kallo affirme que la banque faisait des centaines d’opérations par jour. La BNIG a été mise sur pied pour pallier les exigences de garanties aux jeunes entrepreneurs en manque de capital. « La banque vise à aider des gens à bénéficier des prêts sans constituer des garanties classiques, notamment dans les secteurs agricole et avicole. Mais dans d’autres secteurs, comme les services, la constitution de garanties est obligatoire », précise l’ancien directeur général de la BNIG.

Selon lui, l’octroi des marchés et l’acquisition des matériels ont été autorisés sans appel d’offres par le Conseil d’administration de la banque durant la pandémie Covid-19. Tout ce temps, la banque s’est passée de la procédure normale de la passation des marchés publics. Mais, « les marchés, comme celui de la rénovation du siège de la banque avaient été attribués à la suite d’une consultation restreinte. Tout comme l’acquisition des meubles, du serveur…»

Le ministère public interroge sur le « Core banking » (système informatique de la banque) dont l’achat avec des Camerounais aurait coûté à la BNIG 1 million de dollars. Alpha Mohamed Kallo jure que le marché n’a point été conclu. « Ainsi, j’ai fait appel à des Tunisiens qui nous ont vendu un serveur à 450 mille dollars, mais l’achat n’avait pas été effectué », ajoute-t-il.

M. Kallo estime que 9 milliards 500 millions de francs guinéens ont été déboursés pour Afriland First Bank, au compte des études de faisabilité. «Cela ne nous a servi à rien. J’ai dénoncé tous ces conflits d’intérêt au gouverneur de la Banque centrale (Louncény Nabé) et au Président Alpha Condé. Finalement, j’ai arrêté la saignée financière : 42 milliards de francs guinéens avaient déjà été détournés par Afriland First Bank. Cette banque a été obligée de rembourser l’argent. Quand je quittais la BNIG en avril 2022, il ne restait qu’à rembourser 7 milliards de francs guinéens.»

« Des prêts fictifs »

La partie civile (Agent judiciaire de l’État) représenté par Me Pépé Antoine Lama, parle de 75 milliards de francs guinéens de « prêts fictifs » accordés à 64 personnes «non identifiées.» Alpha Mohamed Kallo réplique : « Toutes les personnes bénéficiaires de prêt de la BNIG sont connues, leurs dossiers répertoriés. Chaque prêt est un dossier dont le titulaire est identifié à trois niveaux différents. La banque n’a jamais accordé un chèque de prêt à un individu. Tout passe par virement sur des comptes bancaires bien identifiés et localisés.»

En outre, 732 millions de francs guinéens ont été décaissés pour l’achat d’un véhicule Prado à Alpha Mohamed Kallo. Ce que le prévenu a confirmé, affirmant que le véhicule n’a pas été acheté à cause de la pandémie du Covid-19.

Touchant l’aménagement du siège de la BNIG, le projet aura coûté 18 milliards 807 millions de francs guinéens. « Qui a géré l’argent ? », interroge la partie civile. « Je n’avais pas reçu cet argent. Je sais que les travaux ont été effectués par la société, le Conseil d’administration les a validés. » Me Pépé Antoine Lama charge l’accusé d’avoir décaissé 119 millions 500 mille francs guinéens, sans justification. « On a exactement dépensé 120 millions durant quatre mois au titre d’approvisionnement de la caisse : café, carburant, autres… On fait un chèque, on garde le cash dans la banque pour les besoins quotidiens.  On ne fait pas de facture pour cela », martèle M. Kallo.

Pour un partage de pièces aux parties, le président, Yagouba Conté, a renvoyé l’affaire au 15 janvier 2025, pour la poursuite des débats. Mais Alpha Mohamed Kallo reste en prison, quand  ses coaccusés Ibrahima Tounkara et Maurice Eugène Alecaut passeront Noël en famille.

Yaya Doumbouya