En prélude aux célébrations des 40 ans de Médecins Sans Frontières (MSF) en Guinée, prévues pour février 2025, l’organisation a organisé un café-presse le 11 décembre dernier à Conakry. L’événement a permis au nouveau chef de mission, Julien Matter, de faire un point sur les actions menées par MSF en Guinée, d’évoquer les défis à venir et de partager les projets futurs de l’organisation.

Julien Matter : Nouveau Chef de Mission, nouveau souffle

Arrivé en Guinée il y a quatre mois, Julien Matter imprime déjà sa marque à la tête de l’organisation. Dans le cadre de sa mission, il a souhaité renforcer les liens avec les médias, qu’il considère comme des partenaires essentiels dans la lutte contre les maladies. Lors de cette rencontre, il a souligné : « Les médias jouent un rôle fondamental pour MSF. Ce sont des relais essentiels dans des projets tels que celui sur le VIH. Ils sont partie prenante de l’effort global que nous déployons, et c’est pourquoi nous les impliquons directement pour expliquer nos actions, nos défis et notre vision. »

L’impact des actions de MSF en Guinée

Comme dans les 70 autres pays dans lesquels l’organisation intervient, Médecins Sans Frontières a engrangé des résultats en Guinée, et non des moindres. L’organisation humanitaire a largement contribué à la baisse des prix des médicaments, aux campagnes de vaccination, et à la lutte contre les épidémies (choléra, méningite, rougeole, fièvre jaune, fièvre Lassa, Marbourg, Ebola, diphtérie, COVID-19, etc.). Julien Matter se frotte les mains : « Nous avons contribué à réduire drastiquement les coûts du traitement du VIH. Dans les années 2000, les prix constituaient une barrière pour le traitement. MSF a contribué à réduire les coûts en dénonçant l’industrie pharmaceutique. MSF a aussi insisté sur la délégation des tâches du médecin à l’infirmier, de celui-ci à l’aide-soignant… Il y a eu beaucoup de choléra, de rougeole, ou encore l’Ebola en 2014. On a développé des centres de traitement, des expériences d’autres pays ont été apportées à la Guinée, notamment l’utilisation du chlore… On a eu une grosse campagne de vaccination en 2021 contre la rougeole dans la zone spéciale de Conakry. 1,5 million d’enfants ont été atteints. Des milliers de prises en charge ont également été effectuées pour la diphtérie, le Marbourg et la fièvre Lassa. »

Julien Matter rappelle que Médecins Sans Frontières est intervenu dans la prise en charge des réfugiés libériens et sierra-léonais dans les années 2000 en construisant et gérant des camps à Guéckédou, Macenta…

Un rôle clé dans la lutte contre le VIH/SIDA et le soutien aux structures locales

Dans la lutte contre le VIH/SIDA, la structure a appuyé pas moins de huit structures sanitaires (communales et communautaires) à Conakry, pour offrir une prise en charge immédiate et gratuite aux patients. Elle a aussi contribué à l’introduction de nouvelles techniques de diagnostic, comme la microbiologie avancée. À ce jour, MSF prend en charge plus de 17 500 personnes porteuses du VIH en Guinée.

Une stratégie communautaire au service de la santé publique

L’organisation a aussi misé sur l’approche communautaire dans la lutte contre des maladies comme le paludisme. Elle a permis à des agents communautaires de disposer de moyens de diagnostic pour tester des patients suspectés de porter le paludisme et administrer un traitement. Cette stratégie a été déployée dans des villes comme Kouroussa et a engendré une réduction des cas de morts liés à la maladie ainsi que des coûts de traitement.

Selon le chef de mission, MSF s’implique actuellement dans la lutte contre le VIH/SIDA, en assurant la gratuité des dépistages et des soins, ainsi que le renforcement des capacités à travers la formation de centaines de médecins et infirmiers guinéens chaque année. L’organisation a ainsi réalisé, sur financement propre, l’unité de soins, de formation et de recherche à Donka, où des cas de maladies graves comme la tuberculose et le VIH sont pris en charge gratuitement. Elle répond aux urgences sanitaires et fait une place de choix à la santé environnementale et à l’accès à l’eau potable.

Les défis à relever pour maintenir l’impact : ressources et formation

L’organisation Médecins Sans Frontières ne compte pas s’arrêter à mi-chemin. Elle envisage de multiplier les efforts pour faire face aux défis sanitaires qui ne cessent de se multiplier. Elle entend faire face à la « complexité épidémiologique importante et au taux de couverture vaccinale assez faible. » L’autre défi, c’est la mobilisation des ressources : « Les ressources ne sont pas suffisantes, il y a encore trop de gens qui ne vont pas dans les centres de santé parce qu’ils ne disposent pas de moyens financiers. Ils préfèrent souvent les alternatives moins chères. Quelquefois, ils arrivent trop tard. On est conscient que le problème de mobilisation des ressources constitue une barrière. » MSF contribue également à remédier aux ruptures parfois longues de certains médicaments ou de kits utilisés pour les différents tests de dépistage. Elle continuera à lutter inlassablement contre la stigmatisation des malades du VIH.

MSF : Vision et engagement à long terme

En regardant vers l’avenir, MSF compte renforcer la formation des professionnels de santé, introduire des outils numériques pour la collecte des données, et mener des recherches sur la résistance aux antibiotiques. L’accès équitable aux traitements demeure également une priorité pour l’organisation.

L’indépendance de MSF : une force pour agir face aux urgences

MSF est née en 1970, fondée par des journalistes et médecins ayant quitté le Comité international de la Croix-Rouge. Ils souhaitaient témoigner publiquement des horreurs de la guerre, à commencer par la guerre du Biafra, au Nigéria.

MSF est une organisation focalisée sur les urgences, avec une forte expertise logistique. Présente dans 70 pays, elle intervient en permanence, notamment pour lutter contre les épidémies. MSF est financée à 98 % par des fonds privés, provenant de dons d’entreprises et de legs de personnes n’ayant pas d’héritiers. Pour le reste, 2 % de son budget provient des aides institutionnelles et de rares États : « Nous avons une indépendance totale et une capacité de mobilisation pour répondre à une urgence », souligne le nouveau chef de mission.

Yacine Diallo