Il est vraiment honteux que notre pays, la Guinée, en soit réduit à organiser un procès contre un leader politique pour une prétendue offense au chef de l’État, qui, de surcroît, est issu d’un putsch militaire. Quel que soit le verdict qui en découle, ce genre de spectacle absurde est une insulte à notre intelligence collective et une humiliation pour notre nation.
En management, il existe un principe fondamental : l’analyse coût-bénéfice. Avant toute prise de décision, on évalue soigneusement les options pour déterminer celle qui offre le plus d’avantages avec le moins d’inconvénients. Nos dirigeants, avant d’engager la responsabilité du peuple, devraient s’imposer cette discipline.
C’est ainsi, avant d’arrêter et de juger M. Aliou Bah, président du parti MoDeL, le CNRD aurait dû se poser ces questions :
- Cette arrestation en vaut-elle vraiment la peine ?
- Quelles seraient les conséquences si le statu quo était maintenu, en laissant M. Bah libre ?
- Cette décision de l’arrêter est-elle opportune, compte tenu de la situation fragile du pays ?
En arrêtant Aliou Bah, Foniké Menguè, Billo Bah, Marouane Camara et tous les autres, et en engageant un procès contre le premier, vous portez un coup dur aux efforts – déjà fragiles – fournis pour redorer l’image de notre pays sur la scène internationale. Vous piétinez notre crédibilité ou ce qui en restait, fragilisée par la nature même de votre régime. Pire, vous annihilez toute chance de restaurer la confiance et le respect que nous espérions regagner. Quel gâchis !
Mauvais signal aux investisseurs
Croyez-vous réellement qu’un investisseur sérieux, à moins qu’il ne soit un trafiquant en quête d’un État défaillant, prendrait le risque d’opérer dans un pays où l’intimidation et les enlèvements sont érigés en règle de gouvernance ? Où les leaders politiques et d’opinion sont harcelés, kidnappés ou emprisonnés, souvent sans procès ? Où les médias sont forcés de chanter vos louanges sous peine d’être réduits au silence ?
Ces agissements ne laissent aucun doute : votre priorité n’est pas réellement la restauration de l’image de la Guinée ni la construction d’un avenir prospère pour ses citoyens, sur les bases d’un État de droit. Votre seul objectif serait de maintenir votre emprise sur le pouvoir par l’intimidation, au mépris des droits fondamentaux, de la justice et de l’État de droit.
Avec de telles méthodes, vous rendez la Guinée vulnérable et l’exposez à devenir un sanctuaire pour les réseaux criminels internationaux. Pire encore, vous trahissez les espoirs d’un peuple qui aspire à la liberté, à la dignité et à un leadership capable de propulser notre pays parmi les nations respectables.
L’Histoire jugera sans complaisance cette période sombre, si vous persistez sur cette voie. Le cas Dadis et du CNDD auraient dû vous servir de leçon, d’autant plus que c’est vous qui avez organisé le procès du massacre du 28-Septembre 2009.
Mais il n’est pas trop tard pour rectifier le tir et remettre la transition sur la voie de la marche inéluctable vers un État de droit.
Il vous suffirait de respecter vos engagements, les droits et les aspirations des Guinéens. C’est le seul chemin vers la construction d’une nation viable et respectable.
Abdoulaye J. Barry