Le 26 janvier, le Mouvement pour l’alternance en Guinée (MAG) a tenu un point-presse dans l’enceinte du futur Centre d’insertion professionnelle Émergence Bambéto-Cosa (ancienne SIVITA), près du rond-point. Une occasion pour les conférenciers d’annoncer l’adhésion des jeunes de l’Axe Hamdallaye-Kagbélen aux idéaux du Comité national du rassemblement pour le développement.
Comme un symbole, c’est Cosa, fief incontesté de l’opposition, que les responsables du MAG (Mouvement pour l’alternance en Guinée) ont choisi pour officialiser leur soutien au CNRD. Un point-presse qui, de l’avis du coordinateur, Baba Alimou Barry, et sa suite, annonce la fin des violences politiques dans la zone et un début de ralliement à la cause de la junte au pouvoir. Les organisateurs motivent leur choix non seulement par le souci d’en finir avec les bavures policières dont sont victimes les habitants de l’Axe, mais aussi la nécessité d’œuvrer en faveur de la réalisation d’infrastructures et la création d’emplois en faveur des jeunes. « Nous sommes, depuis de nombreuses années, victimes de violences politiques, introduit Baba Alimou Barry, autrefois fervent opposant. Beaucoup de nos parents sont morts tragiquement, ont été traumatisés ou perdu des biens à la suite des manifestations. Nous avons décidé de nous battre pour qu’il y ait plus d’écoles, d’hôpitaux, de routes, de centres de loisirs… Le général Mamadi Doumbouya a engagé des réformes courageuses. Il y a eu des avancées significatives, pour améliorer les conditions de vie de nos populations ».
Soutien « indéfectible » à Doumbouya
A l’actif du CNRD, il met en avant la construction des « Échangeurs » de Bambéto et de Kagbélen, les chantiers du Centre d’insertion à Cosa, du Centre directionnel de Koloma ou encore le recasement des déguerpis de Kaporo-rails, Kipé 2 et Dimess. « C’est pourquoi, nous exprimons solennellement notre soutien indéfectible aux idéaux du général Mamadi Doumbouya. »
Le MAG se pose désormais en rempart contre les manifestations politiques sur l’Axe Leprince : « Nous ne voulons plus que notre zone soit endeuillée. Nous ne participerons plus à ces violences et ne nous laisserons plus faire pour des intérêts individuels. Nous affichons notre confiance en la vision du Président… Il est essentiel que nous fassions une rupture avec toute forme de violence le long de cette route. »
Baba Alimou Barry assure que ses compagnons et lui ne sont en quête d’un quelconque gain personnel. Ils s’érigent en garants de la tranquillité et vecteurs de l’insertion des jeunes de l’Axe : « Nous voulons la multiplication des infrastructures, le bitumage de nos routes secondaires, la promotion des jeunes de l’Axe, leur intégration dans l’armée et à la fonction publique. »
Approche politique et…polémique
Pour prouver aux autorités de la transition que le MAG contrôle les jeunes de l’Axe, les organisateurs n’ont pas lésiné sur les moyens. Tôt le matin, les lieux de la conférence ont été parés d’effigie du chef de la junte. Sur les affiches, on pouvait lire : « L’Axe dit Oui au Général Doumbouya; Mein faami [Nous avons compris] ».
Pas moins de 1000 t-shirts auraient été confectionnés pour la circonstance. La veille, des émissaires du MAG ont fait le tour des foyers des jeunes leaders. De Hamdallaye à Kagbélen, en passant par Bambéto, Wanindara ou encore Cimenterie. Ils se sont employés à les persuader que leur combat est apolitique, qu’ils gagneraient plus à collaborer qu’à croiser le fer avec le CNRD.
Mais la parole seule n’a pas suffi. Les missionnaires auraient distribué des espèces sonnantes et trébuchantes, avant de promettre que le meilleur est à venir. Des listes ont été dressées, avec adresse et profession. Mais le doute s’est vite installé, quand le leader du MAG a évoqué la disponibilité de t-shirts et du transport pour tous ceux qui seront au rendez-vous de Cosa. Dans les quartiers, des jeunes y ont flairé la manipulation : « Les régimes précédents ont fait la même chose, cela n’a rien changé. Et nous, nous cherchons du boulot, non des t-shirts », prévient un leader de l’Axe.
Les mic-MAG
N’empêche, d’autres qui ont cru aux organisateurs ont participé au point-presse. Grande fût leur surprise de constater que c’est un mouvement de soutien au Général Mamadi Doumbouya : « Nous avons rebroussé chemin », déclare un jeune leader de la T8.
A Cosa, sur les lieux de la conférence, des listes se dressaient çà et là, des t-shirts convoyés toute la matinée. Des jeunes des temples (foyers) environnants sont mis à contribution pour grossir les rangs. Interpellé, un des organisateurs lâche : « Vous ne me verrez plus là où je ne mange pas. Ceux pour qui on se battait ont été les premiers à aller à la soupe et à nous taxer de délinquants. Moi, je n’ai plus peur de porter des habits de campagne pour tel ou tel. Il suffit juste que j’y trouve mon compte. »
Le Mouvement pour l’alternance en Guinée, créé au plus fort de la lutte contre le tripatouillage constitutionnel sous Alpha Condé, se battait pour le changement démocratique. Mais il a rejoint le CNRD, dès les premières heures du putsch fin 2021. Il ne fait plus mystère de son soutien à la continuité de Mamadi Doumbouya.
Un choix qui déplaît aux anciens compagnons de Baba Alimou Barry : « Ce mouvement a été créé pour défendre la démocratie, non pour soutenir une dictature. Je demande à mes frères de lutte de revenir à la raison », lit-on sur un post Facebook de Mamadou Samba Diallo dit Papingo. Le journaliste devenu politique, Ibrahima Kalil Diallo, de dénoncer le fait de faire passer l’Axe pour une zone hostile : « Sur l’Axe, la lutte est dirigée contre l’injustice, la privation des libertés et la démagogie. » Il invite les autorités de la transition à laisser l’Axe s’exprimer dans la rue, pour jauger sa popularité.
Yacine Diallo