Le procès d’Ibrahima Kassory Fofana s’est poursuivi le 20 janvier, devant la Cour de répression des infractions économiques et financières, Crief. Le parquet spécial et la partie civile ont demandé à la Chambre de jugement de condamner lourdement l’ancien Premier ministre et président du Conseil exécutif provisoire du RPG arc-en-ciel.

Se dirige-t-on vers la condamnation d’Ibrahima Kassory Fofana ? La procédure le concernant s’est accélérée depuis qu’elle est tombée dans les mains du juge, Lansana Soumah. À l’audience de ce lundi 20 janvier, se sont ouvertes, malgré l’absence du prévenu, les plaidoiries et réquisitions. Le ministère public et les avocats de l’État guinéen, poursuivant dans cette affaire, ont sollicité de la Chambre de jugement une condamnation à la hauteur du « comportement du prévenu. »

Dès l’entame de sa plaidoirie, maître Amadou Babaein Camara fustige la décision de Kassory de bouder les audiences : « S’il n’est pas là, c’est parce qu’il n’a pas voulu. Pourtant, l’État guinéen a souffert de la gestion des dirigeants comme lui. » L’avocat estime que les infractions collées au président du Conseil exécutif provisoire du RPG arc-en-ciel sont établies : « Il n’avait aucune raison de transférer l’argent de la MAMRI à l’ANIES. Il dit qu’il a payé des travailleurs, mais ces travailleurs étaient déjà. Il l’a fait pour détourner ce montant. » Il demande à la Chambre de le condamner au paiement de 15 milliards de francs guinéens à titre principal, de 5 milliards de francs guinéens à titre de dommages et intérêts. Il sollicite aussi la saisie de tous ses biens tant que cet argent n’est pas recouvré.

Le substitut du procureur, lui, s’évertue à démontrer que le prévenu s’est bien rendu coupable de détournement de deniers publics et d’enrichissement illicite. Amiata Kaba révèle qu’Ibrahima Kassory Fofana a décidé de transférer cet argent contre l’avis de ces propres ministres de l’Economie et du Budget : « Il a reconnu avoir donné les instructions de transférer les 15 milliards à l’ANIES pour faire face au COVID-19. Mais avant de procéder à cette opération, il a saisi les ministres de l’Economie et du Budget, pour le lui autoriser. Ces ministres lui ont dit que cela était impossible, parce que l’argent était destiné aux dépenses et aux investissements. Il a quand-même instruit son conseiller chargé des questions financières de le faire. Ils sont les responsables de la MAMRI. »

Parlant de l’enrichissement illicite, le procureur fait remarquer que le prévenu n’a pas pu justifier l’origine licite de sa fortune. Les enquêteurs ont retrouvé dans trois de ses comptes bancaires 902 mille dollars américains, 906 mille euros et un plus d’un milliard de francs guinéens. Le prévenu dit que l’argent provient de son salaire de PM, de ses consultations aux États-Unis d’Amérique : « Sauf que tout cet argent a été versé, après sa prise de fonction à la Primature. Mais il nous dit qu’il a versé l’argent par fractionnement. » 

Le substitut du procureur se dit certain que Kassory s’est aussi rendu coupable du délit de blanchiment de capitaux : « Nous sommes convaincus que toutes ces sommes n’ont pas une provenance saine. C’est de l’argent dont l’origine est douteuse qui a été injecté dans le circuit économique guinéen. Le prévenu n’a jamais prouvé l’origine de son argent ». Il requiert une condamnation à 5 ans d’emprisonnement, une amende de 5 milliards de francs guinéens et la validation de la saisie contradictoire des trois comptes bancaires du prévenu.

La défense, quant à elle, a choisi de ne pas plaider. Pour Me Sidiki Bérété, cette décision est prise  parce que leur client « ne croit pas en la CRIEF. C’est une justice au service des hommes du coup d’Etat. » Selon lui, 12 des 15 milliards incriminés étaient encore à la Banque Centrale, quand le CNRD transférait la MAMRI de la Primature à la Présidence.

Cette procédure pour laquelle Ibrahima Kassory Fofana est en détention depuis mai 2022, concerne une somme de 15 milliards de francs guinéens puisés des comptes de la Mission d’appui à la mobilisation des ressources intérieures (MAMRI). Cet argent a été attribué à l’Agence nationale de l’inclusion économique et sociale (ANIES) en 2020, sur ordre du prévenu. L’ancien Premier ministre, pour se défendre, indique avoir ordonné le transfert de ces fonds pour permettre à l’ANIES de faire face aux conséquences du COVID-19 sur les Guinéens. Cet argument n’a apparemment convaincu personne à la Crief.

L’audience est renvoyée au 13 février prochain.

Yacine Diallo