Le 7 janvier, devant la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief), Kassory Fofana n’a pas comparu. La défense a récusé la Cour et ses juges.

Le dossier Ibrahima Kassory Fofana se corse davantage. Attendu à la barre, l’ancien Premier ministre a boudé, sous prétexte qu’il ne peut se tenir debout. Ses avocats ont poussé le juge en charge à se dessaisir du dossier et à défaut à sursoir à statuer dans l’affaire jusqu’à ce que les parties concernées se prononcent. En vain.

Le remplaçant de Yagouba Conté récusé par le parquet spécial, Lansana Soumah, président de l’actuelle composition, connait le même sort, avec son assesseur, Fodé Kadialy Keïta. Il est récusé par la défense. Celle-ci estime que les deux magistrats roulent pour le parquet spécial. La défense a demandé en outre de renvoyer du dossier de la CRIEF vers une autre juridiction, pour « suspicion légitime ». Elle a soulevé également une exception d’inconstitutionnalité de la juridiction.

Le procureur spécial près la CRIEF se dit conforté : « Ces requêtes nous réconfortent dans notre position. Ibrahima Kassory Fofana ne veut pas comparaître. Dans sa logique, il instruit ces avocats de suivre son chemin pour prendre en otage la CRIEF ». Le procureur reconnaît certes à la défense le droit d’introduire ces requêtes, mais déclare qu’elles n’empêchent nullement l’actuelle composition de poursuivre la procédure : « Cette requête de récusation ne peut pas vous dessaisir, c’est une ordonnance du président de la CRIEF qui peut le faire. » Pour ce qui est de la demande de renvoi du dossier de la CRIEF à une autre juridiction, le procureur observe qu’il n’y a pas de juridiction équivalente à la CRIEF. Par conséquent, la Chambre de jugement jugerait le prévenu, la Cour suprême ne le lui interdit pas : « L’alinéa 5 de l’article 142 de la loi sur la Cour suprême est clair. La procédure se poursuit jusqu’à ce que la Cour suprême intervienne.»

Sous l’ancienne composition, les avocats de Kassory Fofana avaient soulevé, en vain, une exception d’inconstitutionnalité. Estimant que celle-ci ne remplissait pas toutes les conditions pour juger leur client. La défense réintroduit la même demande auprès de la Cour suprême, pensant que le changement de composition leur en donne le droit. Aly Touré fulmine : « La Cour suprême ne peut pas statuer deux fois sur la même demande…Je mets au défi la défense de produire un seul article qui stipule textuellement que le changement de composition provoque la reprise des débats. La question d’inconstitutionnalité est déjà évacuée par la Cour suprême.»

Maître Sidiki Bérété de rappeler que la défense ne demande pas l’avis de la Cour ou du parquet spécial. L’avocat indique que la demande de l’arrêt des débats est déjà sur la table du président de la CRIEF et de la Cour suprême : « On ne vous demande pas d’examiner nos demandes, on vous informe. Même si elles n’étaient pas fondées, ce n’est pas à vous d’apprécier. Selon Me Dinah Sampil, la récusation du juge et de son assesseur résulte du fait que ces derniers aient accepté de ramener l’audience concernant Kassory Fofana du 6 janvier 2025 au 31 décembre 2024, sans en informer le concerné à temps, à savoir 5 jours avant la date. Cet épisode fait dire aux avocats que les deux juges sont de mèche avec le parquet spécial.

Lansana Soumah rejette finalement la demande de sursis à statuer introduite par la défense et renvoie l’affaire au 15 janvier prochain.

Yacine Diallo