Moussa Camara, septuagénaire, accuse Me Modibo Camara de lui avoir chipé près de 80 000 euros. L’avocat (sans vinaigrette) lui aurait fait miroiter une maison, pour l’attirer dans ses filets. Ce dernier dément et soupçonne la douce-moitié du plaignant d’être derrière l’affaire.
Retraité en Allemagne où il vivait depuis 1968, Moussa Camara décide de rentrer au bercail. Il cherche à acquérir une maison et à démarrer des projets agricoles. Le septuagénaire confie l’affaire à un avocat qui aurait abusé de sa confiance. Leur relation tourne au vinaigre et finit devant dame Thémis.
L’histoire débute en juin 2024. Moussa Camara découvre Modibo Camara sur les réseaux sociaux. Ce dernier lui fait savoir qu’il est avocat au barreau de Guinée. « Cela tombe bien », se dit le vieux Moussa qui cherche à rentrer avec sa famille, mais sa maison de Sonfonia est « illégalement » occupée par des cousins qui refuseraient de partir. Modibo se propose de l’aider : « Il m’a demandé 500 euros comme honoraires, j’ai payé. Mais il n’a même pas fait le travail.» Cette maison est toujours occupée par les mêmes personnes. La procédure dormirait dans les tiroirs du tribunal de première instance de Dixinn.
Quid de la maison ?
Avant de faire connaissance avec Modibo Camara, Moussa avait trouvé un intermédiaire, un certain Robert Loua qui lui cherchait une maison à acheter. Mis au courant de l’affaire, l’avocat exige à son client de passer désormais par lui : « Il me dit d’arrêter de collaborer avec les démarcheurs. Il les accuse d’être des arnaqueurs, m’informe que toutes mes affaires en Guinée doivent passer par lui, mon avocat. » L’avocat récupère donc l’affaire, reçoit 78 500 euros par l’intermédiaire d’un cambiste, reçu à l’appui. Il dit avoir acheté une villa de 500 m² à Yorokoguiyah, dans la préfecture de Dubréka, et envoie des photos de la soi-disant maison à son client. Fin novembre dernier, Modibo Camara se rend en Allemagne, revient en Guinée avec Moussa Camara, le loge chez lui pendant deux semaines : « Il m’a empêché de voir ma famille, ma femme », dit Moussa. L’avocat déclare l’avoir « hébergé, parce qu’il n’avait aucun parent » à Cona-cris. Pourtant, Moussa Camara s’est marié en Guinée depuis janvier 2006. Le plaignant exige de voir sa maison, Modibo lui montre la villa à Yorokoguiyah, lui donne un trousseau de clés. L’acquéreur y installe même un vigile. Les documents de la maison ? « Ils sont en conservation », lui dira l’avocat.
Moussa Camara flaire le coup
Pour finaliser l’opération, les deux « amis » se rendent chez un notaire. Me Modibo Camara présente l’acquéreur comme son oncle, « le grand frère de lait à mon père. » Ils sont certes tous Camara, mais aucun lien de parenté. Le notaire gobe facilement. Il fait l’acte d’acquisition de la maison au nom de l’avocat. Selon lui, Moussa Camara ne s’était pas opposé : « Il était présent, le vendeur, aussi. Nous avons lu l’acte, il n’a manifesté aucune opposition. » Le notaire précise cependant qu’il n’a pas cherché à savoir si le plaignant comprenait bien français ou si l’argent lui appartenait, « à partir du moment où il n’a pas posé de problème ». C’est là que le septuagénaire commence à douter de l’opération. Il exige de l’avocat de mettre son nom dans les documents de la maison. Ce dernier dit que cela ne « sera possible que si je justifie la provenance licite de mon argent. J’ai insisté, il n’a rien voulu entendre. »
Plainte à Dixinn et devant le barreau
Au sortir du bureau du notaire, la confiance est rompue entre les deux. Modibo Camara retourne à Yorokoguiyah, chasse le vigile de l’autre, change toutes les serrures. Moussa Camara dépose plainte au TPI de Dixinn pour « escroquerie ». Le parquet de Dixinn, transmet la plainte au Conseil de l’ordre, pour écouter le suspect et éventuellement lever son immunité, afin qu’il se fasse juger. Le 20 janvier, il comparaît devant les membres du Conseil. Il reconnaît que Moussa Camara lui avait confié cet argent, pour « d’autres fins ». Mais il jure l’avoir restitué depuis belle lurette : « Il me parlait d’achat de maison à Kobayah et de machines agricoles. Je lui ai rendu son argent le 1er septembre 2024, en bonne et due forme. Son épouse prétendait avoir des terrains à vendre à Dubréka. » L’avocat présente un manuscrit, comme preuve de la restitution : « Les membres du Conseil m’ont fait écrire sur une autre feuille, ils ont constaté que les écritures diffèrent et ma signature, falsifiée », ajoute le plaignant.
Le suspect accuse la femme de son client de tirer les ficelles : « Depuis que je l’ai connu, je n’ai vu personne se disant son parent. C’est une femme qui sort de nulle part, se faisant appeler sa femme. Elle est derrière tous les problèmes du monsieur ». Me Modibo Camara dit avoir remis des clés à Moussa Camara pour y rester pendant son séjour, pas pour en faire un « trophée de guerre. »
Moussa Camara espère désormais entrer en possession de son fric. Mais, il devra mener une rude bataille judiciaire. L’incriminé n’est pas prêt, pour rien au monde, à avouer cette « forfaiture ».
Modibo Camara, habitué…des plaintes
Quand le plaignant rencontrait son « bourreau » d’avocat, ce dernier faisait déjà face à d’autres ennuis. Me Modibo Camara n’exerce plus la profession d’avocat, suspendu qu’il est par le Barreau de Guinée depuis le 31 octobre 2024, et pour les prochaines années, pour « pratiques contraires à l’éthique » de la profession d’avocat. Il aurait été suspendu pour des agissements peu orthodoxes, concernant deux autres de ses clients. C’est dire !
Yacine Diallo