La semaine dernière 72 taulards ont été libérés du gnouf préfectoral de Lola où ils avaient été incarcérés pour moult motifs coups et blessures, destruction de bâtiments publics et privés, incendie de motos et véhicules, abattage de bétail. Ces délits ont été commis lors d’un grave affrontement entre agriculteurs et éleveurs, dans les sous-préfectures de Lainé et de Foumbadou en janvier 2023.

Partout dans le monde et à différentes époques de l’histoire, la coexistence entre pasteurs et exploitants agricoles n’a pas été souvent conviviale. Loin s’en faut. Elle a toujours été plutôt vécue dans une ambiance conflictogène. La Préfecture de Lola qui jouxte celle de Beyla, partiellement sahélienne et qui est un espace de transhumance, n’échappe pas à cette contrainte. Les conflits latents ou virulents entre ces deux catégories du monde rural y sont donc récurrents. La particularité de ce type de conflits dans cette zone et qui malheureusement en est la circonstance aggravante, est que l’ensemble des agriculteurs est autochtone alors que les éleveurs sont tous des allogènes.

Cela donne aux confrontations de nature socio-économique un relent ethnique qui biaise leur perception, leur traitement et l’identification de solutions idoines. Pour davantage brouiller la compréhension du sujet, d’aucuns nient la dévastation des différentes cultures (riz, banane, manioc, igname arachide, maïs etc.), qui garantissent aux paysans sécurité alimentaire et ressources d’appoint. Pour eux, le vrai problème, dans la zone, est l’expansion de la culture du chanvre indien. Cette affirmation laisse perplexe dans la mesure où la culture du chanvre indien, bien qu’illicite, n’a aucune incidence sur les rapports entre éleveurs et agriculteurs et, conséquemment, sur les contentieux en question. Son évocation n’est que pur amalgame.

La culture du chanvre indien dans la préfecture de Lola, si elle est avérée, doit être considérée comme un fléau à combattre et à éradiquer sans l’associer maladroitement aux conflits entre agriculteurs et éleveurs. La quête de solutions efficaces et efficientes à la problématique des conflits entre éleveurs et agriculteurs doit reposer non pas sur des enquêtes légères et conjoncturelles, mais sur des études approfondies balayant les aspects aussi divers que la sociologie, l’anthropologie, l’histoire la démographie, l’économie, l’ethnologie, l’agriculture, l’élevage. Bases fondamentales de la sécurité alimentaire puis, plus tard, de l’autosuffisance alimentaire, l’agriculture et l’élevage requièrent une attention particulière dans les politiques publiques.

Il appartient donc aux autorités de développer des stratégies qui leur assurent un développement harmonieux. D’ores et déjà, il convient de mener dans la préfecture de Lola des études pointues pour inverser cette tendance et créer les conditions durables d’une coexistence apaisée, favorable à l’émergence d’une économie locale dynamique, à l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire et pourvoyeuse de revenus décent permettant aux populations rurales d’accroître leurs moyens d’existence.  

Abraham K. Doré