Du 5 au 8 janvier, l’accès à plusieurs sites d’infos a été restreint. La veille et 48h après la manif des Forces ivres de Guinée qui demandent le départ de la junte du pouvoir. En 2024, la Guinée a perdu une misère de 60 millions de dollars ricains, suite à la restriction d’inter-niet.
La limitation d’accès aux sites d’informations et aux réseaux sociaux devient récurrente en Guinée. Si elle n’est pas une particularité guinée-haine, elle intervient dans un contexte de confiscation des libertés, de fermeture des médias audiovisuels critiques vers la junte. À la veille de la manif du 6 janvier des Forces vives de Guinée, l’accès à : Africaguinee.com, Guineenews.org, Mosaiqueguinee.com, Guinee7.com, Guinée114.com, Guinee360, entre autres, était restreint. Pour les lire, il aura fallu aux internautes récalcitrants le recours à un réseau privé virtuel (VPN). Les boss des médias ciblés ignorent les raisons de la morsure ainsi que ses responsables. Mais, tout laisse à croire que les autorités de la Transition seraient derrière le cadeau. Fatoumata Binta Téliwel Diallo, la dirlote de com. de l’Autorité de régulation des postes et télécommunications, jure, la main sur le palpitant, « qu’il n’y a pas eu de restriction à leur niveau. »
Cet énième coup porté à la liberté de la presse engendre des « préjudices importants, non seulement pour les médias, mais également pour leurs lecteurs et partenaires. Plus grave, il constitue une atteinte sérieuse à la liberté de la presse, un pilier fondamental de toute société démocratique », dénoncent les associations de presse, dans un communiqué conjoint du 7 janvier. Les associations rappellent qu’elles « ont toujours exhorté leurs membres à traiter les informations avec professionnalisme et rigueur. Elles s’étonnent donc de cette mesure, d’autant plus qu’aucune accusation n’a été formulée à l’encontre des médias quant à leur couverture des récents événements.» C’est pourquoi, elles invitent la junte à privilégier le dialogue et à appliquer les lois en vigueur que de recourir à des « pratiques détournées ».
« Forces occultes »
Ibrahima Sory Traoré, le dirlo de publication de Guinee7.com, déplore la restriction : « Ce qui est marrant dans tout cela, c’est qu’on ne nous reproche rien et que nous n’avons même pas d’interlocuteur pour parler de restriction. Ce sont des forces occultes qui s’en prennent aux médias, il n’y a pas d’instance régulière qui s’assume. C’est vraiment dommage. » Pour lui, la restriction n’a visé que des médias de large audience qui pourraient relayer des choses dérangeantes. Mais, « ce sont des médias professionnels. La preuve est qu’on ne nous a rien reprochés jusqu’à présent. Si on a promis plus de liberté aux partis politiques en 2025, il faudrait que l’exercice de la liberté de la presse soit effectif également.»
Thierno Amadou Cas-Marrant, le prési du Réseau des médias sur internet en Guinée (Rémigui), ignore qui tire les ficelles dans cette affaire. Il demande à la junte de permettre aux journaleux de mieux exercer leur profession en toute liberté. « Nous déplorons ce qui est arrivé. Il ne sert à rien de créer un environnement de suspicion, de peur pour les journalistes. Il est dans l’intérêt des autorités de nous aider à stopper ce genre de pratiques et à rassurer davantage les journalistes. Nous aimerions discuter avec les autorités dans un environnement serein, afin de décrisper la situation.»
Dollars perdus
En 2023, le site Guineematin.com a subi des restrictions trois mois durant. Reporters sans Frontières avait mis en place un site miroir pour rendre le médiumaccessible. Nouhou Baldé, dirlo du site, rappelle que la restriction des sites internet d’infos n’est pas une première sous le CNRD. « Nous étions visés. Nous avions crié partout, difficilement les autres médias ont accepté de nous accompagner. Mais, le Syndicat des professionnels de la presse de Guinée s’en est saisi, il y a eu des manifestations, des arrestations, des brimades…»
Le 2 janvier 2025, la plateforme britannique TOP10VPN a publié son rapport 2024 sur les conséquences économiques du blocage d’internet en Afrique. Elle estime les pertes à 1,56 milliard de dollars ricains. La Guinée a perdu 60 millions, grâce à de multiples restrictions. On ne veut pas gagner, non ? Selon TOP10VPN, 4 millions de Guinéens ont été affectés. Ce qui classe le bled à la 14ᵉ place, devant le Sénégal, à la 19ᵉ place, avec 15 millions de dollars ricains perdus, 8 millions de Sénégalais affectés. Bravo !
Yaya Doumbouya