Monsieur le lecteur, tu m’as demandé une chronique rigolote : tu veux que je te parle de la Guinée, de ses scandales, ses travers, ses rires et de ses larmes. Wallahi, tu seras bien servi. Assieds-toi, prends ton verre de thé sucré, et écoutes. Parce qu’ici, en Guinée, même les mouches ont des choses à raconter.
À Con-à-cris, les scandales financiers, c’est notre émission de télé-réalité préférée. Chaque semaine, un nouvel épisode. De quoi faire crier la CRIEF. « Le ministre et les milliards disparus » ; « le gouverneur et les lingots qui fondent » ; « le directeur et les comptes offshore » ; « le fonctionnaire et les villas mystérieuses »…
On se demande si les responsables ne se réunissent pas le dimanche pour écrire d’avance le scénario de la semaine. « Toi, cette semaine, c’est ton tour de détourner des fonds. Moi, je vais me contenter d’un petit pot-de-vin, je suis en régime. » Et pendant ce temps, le citoyen lambda se demande de quoi réchapper. On Chen fout !
Que dire de ces petits fonctionnaires qui, privés de salaire décent, ont transformé leurs bureaux en centres de négoce ? Comment ne pas se plaire dans ce bled du gratuit-payant ?
Ah, la carte d’identité biométrique, ce Graal administratif annoncé gratuit ! Ceux qui l’ont payée, sans jamais la voir, ont décidé de passer à l’action : direction les commissariats, reçus en main, regard déterminé, prêts à exiger un remboursement. On croirait un western : « La carte ou le cash, chef ! »
Mais attention, plot twist ! Au lieu du précieux sésame, ils repartent souvent avec… un nouveau reçu. Wallahi, même les mouches rigolent en les voyant faire la queue.
La corruption, dans ce bled, c’est une danse populaire. Tout le monde connaît les pas, tout le monde y participe. Tu veux un papier administratif ? Danse. Tu veux éviter un contrôle de police ? Danse encore. Même au paradis, on imagine Saint-Pierre dire :
— « Bon, frère, tu veux entrer ? Fais-moi un petit geste… »
Et le pire, c’est que personne ne s’en offusque. On dit : « C’est comme chat. » Comme si la corruption était une fatalité, une malédiction ancestrale. Wallahi, si on organisait un concours de corruption, la Guinée remporterait la médaille d’or. Ici, la corruption est un sport national. Et on est tous des champions, sauf ceux qui n’ont rien à gérer.
Elle est tellement omniprésente qu’on se demande si elle n’est pas inscrite dans la Constitution. D’ailleurs, en parlant de Constitution, de retour à l’ordre constitutionnel, c’est un peu comme un taxi-brousse : tout le monde est dedans, mais personne ne sait à quelle heure il va démarrer. Les promesses s’accumulent, les délais s’allongent, et la populace attend, patiente, optimiste. En attendant, on se demande si le retour au pouvoir civil n’est pas juste une expression pour calmer les esprits, comme quand on dit à un enfant que le Père Noël existe.
Les manifestations politiques, elles, sont interdites. Mais ne t’inquiète pas, mon frère, les idées, elles, circulent. Alors, les civils ont trouvé la solution : ils manifestent dans leur tête. C’est moins risqué, et ça ne coûte rien.
Les poids lourds de l’hop…position, eux, ont aussi trouvé une solution : le télétravail politique. Depuis l’étranger, ils envoient des brûlots, ils dénoncent, ils promettent… et ils attendent le bon moment pour revenir. Certains disent qu’ils sont en exil, d’autres qu’ils sont en vacances prolongées. En tout cas, ils regardent le match de loin, en laissant les supporters se débrouiller sur le terrain. Hé kéla!
La jeunesse, elle, est coincée entre le marteau du chômage et l’enclume de la précarité. Face au statu quo, elle a trouvé un refuge : l’alcool et la drogue. Quand on ne peut pas changer le système, on change de réalité. Les bars sont pleins, les bouteilles vides s’accumulent, et les rêves s’envolent. Mais qui peut les blâmer ? Quand l’avenir ressemble à un film d’horreur, il est normal de chercher un peu de réconfort, même au fond d’une bouteille Wallahi!
Les diplômés ? Ils attendent. Les entrepreneurs ? Ils luttent. Les rêveurs ? Ils survivent. Et pendant ce temps, les dirigeants leur disent : « Soyez patients, l’avenir est radieux. » Sauf que, visiblement, l’avenir a oublié de passer par la Guinée.
Mais ne t’inquiète pas cher lecteur, notre jeunesse est résiliente. Elle a appris à transformer le désespoir en créativité. Entre les vendeurs ambulants, les réparateurs de téléphones et les artistes qui chantent pour oublier la faim, la débrouillardise est devenue une seconde nature. Et si jamais tu croises un jeune guinéen qui te dit qu’il a un « projet », sache qu’il parle probablement d’un plan pour traverser la Méditerranée. Parce qu’en Guinée, le seul projet qui marche, c’est celui de partir.
Mais bon, on est Guinéens, on est résistants. On rit pour ne pas pleurer, on danse pour oublier notre misère, et on continue d’espérer. Amen ! Après tout, si même les mouches rigolent, c’est qu’il y a encore de quoi se marrer. À fakoudou !
Par Sambégou Diallo