Quand la Guinée va à contre-courant de la marche du monde, les hauts perchés et leurs perroquets s’écrient : « Nous sommes indépendants et souverains ». Depuis 67 ans, c’est le même refrain. Surtout lorsque les partenaires bilatéraux ou multilatéraux font subtilement ce que Jacques Chirac appelait « ni ingérence ni indifférence ».
Sommes-nous véritablement indépendants et souverains ? En 1958, nous avons arraché notre indépendance politique à la France. En 2025, notre indépendance économique reste un vœu pieux. Nanas et nounous de nos villes ne veulent que de riz. Ce phénomène urbain, telle une métastase touche nos campagnes. Jusqu’au hameau, c’est le riz ou le riz. Mais la production locale est insuffisante. Et la rareté faisant la valeur, son prix est exorbitant.
La bonne affaire des Thaïlandais et des Bangladais. Il y a même le label « Bengladesh ». Notre pays fait partie des principaux importateurs du riz asiatique. Une situation inconnue de certains pays du continent où peu ou prou l’on consomme ce que l’on produit. Une mère de famille, Centrafricaine, confia sur une station de radio internationale que ses enfants en pincent pour le manioc. Par contre chez nous, seul le riz est considéré comme une nourriture. Dans les cérémonies on vous demande : « le fonio, le couscous ou le tô ». C’est tout dire.
Après le manger, l’autre besoin primaire de l’homme, est l’abri. A part le bois, les blocs de pierres ou les graviers, nos maisons sont construites avec de matériaux importés. Nos usines de tôles et de ciment, ne le sont que de nom. Nos usines importent le produit fini qu’elles colorent et taillent sur mesure. Nos cimenteries importent le clinker, en font le broyage et le mélange. Les carreaux et vitres, tous importés de la Chine ou de la Turquie. Dans nos habitations, contenants et contenus sont donc importés. Des salons aux fauteuils, deuxième main, importés d’Europe. Ou des écrans de télévisions que les Européens se débarrassent. Une aubaine pour nos diaspos, ils envoient chez nous.
La voiture “occasion Bruxelles” est le rêve du Guinéen. C’est sa « sortie d’usine ». On se déplace à moto made in China ou India. Les pays du Nord font coup double : ils nous vendent l’invendable chez eux et se débarrassent de ce dont ils n’ont plus besoin. Faisant de nos pays – ou de notre pays en particulier – une véritable poubelle du vieux continent. Situation identique pour les habits. Avec le prêt à porter turc ou chinois. Et surtout l’incontournable friperie en provenance d’Europe ou des Etats-Unis. Un business si juteux que les pays arabes ont emboîté le pas au vieux continent et à l’Oncle Sam. Les tenues arabo-musulmanes inondent nos rues envahies par les étalagistes.
Certes la Guinée n’est pas le seul pays qui importe des marchandises usagées, mais son cas est atypique. De la chemise à la tasse à café en passant par la couche du bébé, tout vient d’ailleurs. Même les sous-vêtements les plus intimes. Cela n’est pas sans conséquences pour l’économie locale. Le textile guinéen, autrefois prisé, a été piraté par les Asiatiques. Que ce soit le Leppi du Fouta ou la Forêt-sacrée de la Guinée-Forestière, le secteur est à genou. Même si des acteurs tentent de relever le défi. Mais cela est une autre paire de manches.
En 67 ans d’indépendance et de souveraineté, nous ne sommes pas foutus de nous construire des routes. Des chantiers, le CNRD en a ouvert à tout va, les entreprises chinoises font la pluie et le beau temps, jusqu’aux postes de moindre compétences sont par eux occupés. Nous ne devons pas nous en offusquer, car les routes construites par nous et pour nous sont gondolées comme une bougie sur une braise.
On nous saoule de Simandou 2040. Si l’exportation minière brute pouvait rendre indépendant et souverain, nous serions la première puissance africaine. Depuis près de 50 ans, c’est le train-train quotidien entre nos mines et nos ports. Cela n’a guère amélioré notre sort. Ce qui laisse perplexe devant le fameux projet Simandou présenté par nos souverainistes de tous poils comme la solution finale et radicale à toutes les difficultés qui nous assaillent. Cet ancien Premier ministre prêche dans le désert, qui préconise que c’est l’agriculture qui nous sortira du pétrin. La vraie indépendance et la souveraineté c’est de produire ce que nous consommons et de consommer ce que nous produisons. Le reste n’est que leurre, chimère, baiser Lamourette.
Habib Yembering Diallo