La Cour suprême s’est prononcée, le 13 février, sur l’expropriation de Cellou Dalein Diallo et de Sidya Touré de leurs maisons respectives. La plus haute juridiction du pays tranche en défaveur des deux anciens Premiers ministres de Lansana Conté, qui auraient acquis illégalement leurs domaines alors qu’ils étaient aux affaires.
Sommés par le Patrimoine bâti public de quitter leurs domiciles de Dixinn-Port et de la Minière en février 2022, Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré avaient saisi, en référé, le tribunal de première instance de Dixinn. Convaincus que leurs maisons n’ont pas été bâties sur des domaines de l’État, comme le prétendaient les autorités de transition. La juridiction d’instance s’est d’entrée déclarée incompétente, se déchargeant sur la Cour suprême. L’Agent judiciaire de l’État s’y engouffre, introduit une requête aux fins d’annulation des décrets d’attribution des domaines litigieux pris par l’ancien président Lansana Conté. Les deux affaires somnolent dans les tiroirs de la Cour suprême trois ans durant, avec d’interminables renvois.
La Chambre administrative de la Cour suprême répond finalement à Cellou Dalein Diallo et à Sidya Touré. Elle invalide les décrets qui leur attribue les domaines litigieux.
L’arrêt relatif à la maison de Sidya Touré, par exemple, précise que la procédure découle de deux saisines : l’une faite par le tribunal de Dixinn, après s’être déclaré incompétent. L’autre initiée par l’Agent judiciaire de l’État. Ce dernier a introduit un recours pour excès de pouvoir contre le décret (N°96/195/PRG/SGG du 4/12/1996) d’attribution d’un terrain urbain d’un peu plus de 3 000 m² à usage d’habitation au leader de l’UFR. Il sollicite l’annulation dudit décret.
Une pierre, deux coups
L’AJE estime que le président de l’UFR devait obtenir au préalable le déclassement (par un autre décret) du domaine public en domaine privé de l’État.
La chambre administrative décide de la jonction des deux procédures pour les juger ensemble. Elle déclare irrecevable le recours pour excès de pouvoir contre le décret d’attribution pris en décembre 1996. Mais, la Cour suprême fait droit à sa demande d’annulation dudit décret. « Considérant qu’il est constant, au regard des dispositions susvisées, que la parcelle N°13 du lot 24 du plan cadastral de Taouyah a toujours servi à un usage public avant l’avènement du décret querellé est un bien relevant du domaine public ; que les biens publics sont inaliénables ; que le décret attribuant l’immeuble formant la parcelle N°13 du lot 24 de Taouyah n’ayant pas été précédé d’un déclassement, il y a lieu de constater son illégalité », lit-on dans le dispositif de l’arrêt.
Sidya Touré lui, considère qu’il n’y avait aucun mal à acheter un bien de l’Etat à usage d’habitation. Il indique que le non déclassement ne peut être un argument de l’État, le même qui a fait l’erreur. Argument qui n’a pas suffi pour sauver sa maison.
La Chambre administrative aurait utilisé les mêmes arguments dans l’affaire relative à Cellou Dalein Diallo dont l’arrêt serait indisponible, à en croire des proches de ce dernier.
Si la résidence de Sidya Touré a été attribuée au Bureau guinéen du droit d’auteur (BGDA), la bicoque de Cellou Dalein Diallo a été démolie, pour laisser pousser l’École Barry Diawadou.
L’UFDG et l’UFR en colère
L’arrêt ravive la colère des partisans des deux leaders politiques. Alya Kolon Bangoura, membre du bureau exécutif de l’Union des forces républicaines (UFR), persiste que son patron n’a enfreint aucune loi : « La résidence de Sidya Touré à la Minière est acquise de façon légale. Nous sommes convaincus qu’elle lui appartient. Même après 1000 ans, c’est pour le président. » Et de renchérir : « Un régime invalide le décret d’un président légal et légitime…Le droit va nous restituer cette résidence, tôt ou tard. Qu’on ne nous détourne pas de notre objectif, le retour à l’ordre constitutionnel. Rien ne nous fera reculer dans notre combat. »
Même son de cloche à l’UFDG. Selon Souleymane Souza Konaté, conseiller en communication du président du parti, le combat pour la récupération de la maison de Cellou Dalein est loin de se terminer : « Cet avis ne concerne que ceux qui l’ont demandé et le Tribunal de Dixinn. Cellou Dalein Diallo n’a pas saisi la Cour. Cette décision ne remet pas en cause la validité du décret. Elle n’a aucun effet sur le jugement du tribunal de Dixinn, qui reste seul compétent pour trancher le fond du dossier. Cellou Dalein Diallo n’a pas perdu […] La procédure judiciaire est loin d’être terminée. Le dossier qui est pendant devant le Tribunal de Dixinn doit suivre son cours normal. »
Le conseiller de Cellou Dalein Diallo oublie-t-il que c’est le TPI de Dixinn qui a transféré le dossier à la Cour suprême ? Il s’est déclaré incompétent le jour même où les leaders de l’UFDG et de l’UFR ont été délogés par la junte du CNRD.
Yacine Diallo