Ce 7 février, votre Satirique du lundi aura 33 ans bien sonnés. L’occasion pour les scribouillards vivants de rendre un vibrant hommage aux compagnons de route disparus.

Une série de quatre poignants témoignages que nous poursuivons par celui du Rossignol qui est de l’aventure depuis les premières heures. Il raconte, entre autres, les circonstances de son embarquement à bord du train Lynx.

Bon appétit !

Le 7 février 1992, un aréopage lance l’hebdo satirique Le Lynx, dont on découvre ce jour le premier numéro. Un pari tout risqué, la liberté d’expression est naissante, les autorités demeurent frileuses sur la question.

Au surplus, la rentabilité du journal n’était pas assurée d’emblée en raison de son style peu connu des Guinéens. Mais la chandelle en valait la peine ! Petit à petit, le Satirique du lundi se taille un fidèle lectorat. Chaque début de semaine, les lecteurs sont impatients de découvrir la Une du canard, qui à sa façon bien singulière, croque l’actualité nationale.

Cette prouesse est le couronnement de plusieurs années d’efforts soutenus. Dans un environnement marqué par la faiblesse de la culture de la lecture, le circuit de distribution rudimentaire, la faible culture de la publicité, des coûts de fabrication hors norme… sortir chaque semaine relevait d’un véritable parcours du combattant. En dépit de toutes ces difficultés, Le Lynx a tenu bon et affiche fièrement ses 33 ans d’existence.

Pour la petite histoire, c’est par hasard que j’ai pris connaissance de ce Satirique. Un après-midi du mois de février 1992, sur l’avenue de la République, je croise feu Alhassane Diomandé, pionnier du Lynx, un paquet d’exemplaires sous l’aisselle. Il me tend un numéro en déclarant : « Ce journal est très élitiste, je vous conseille de l’acheter, vous ne le regretterez pas ».

Quant à mon intégration à la rédaction, je la dois au flair de l’actuel administrateur général du Groupe. En 1992, de graves événements surviennent au Togo. Les militaires donnent l’assaut à la Primature pour remettre en cause le processus démocratique engagé après la Conférence nationale de 1991. Dans la rubrique courrier des lecteurs, je signe La démocratie assassinée au Togo. L’article parait dans Le Lynx numéro 12 du 11 mai 1992. A la sortie du journal, M. Souleymane Diallo me propose les colonnes du Lynx en qualité de pigiste. Ainsi débute ma collaboration.

Des anniversaires qui se chevauchent

A deux jours près, les 33 ans du journal coïncident avec la date anniversaire de la disparition de Williams Sassine, ancien animateur de la chronique éponyme. Le 9 février 1997, la mort emporte notre collègue. Au faîte de sa célébrité en Guinée, la plume de Sassine s’est cassée. Avec son style alerte, il croquait à sa façon l’actualité. De retour d’un long exil, Sassine avait trouvé au Lynx un espace pour donner libre cours à son talent et à son inspiration. Au fil des semaines, la page Assassine du Lynx était devenue la plus lue du journal.

Le cas de feu Sassine illustre éloquemment le paradoxe guinéen. Très célèbre à l’étranger, il aura fallu Le Lynx pour faire connaître en Guinée « l’écrit-en-vain ». Elisabeth Degon, dans Williams Sassine, itinéraires d’un indigné guinéen, évoque un écrivain discret aux multiples facettes, qui a laissé dans la littérature africaine de langue française une empreinte profonde qu’il est temps de redécouvrir. S’il est célèbre surtout par ses romans, en Guinée, sa réputation repose principalement sur la Chronique Assassine de l’hebdomadaire satirique Le Lynx.

On ne se remémore de Sassine que pour avoir une pensée pieuse pour les confrères disparus : Alhassane Diomandé, Sékou Amadou Condé, le doyen Sambry Sacko de Bokoro, Jean-Baptiste Kourouma, le doyen Félix Fabert, Assan Abraham Keïta, Ahmed Tidjani Cissé, Sotigui Kaba, Prosper Doré, Mountaga Diallo, Abdoul Gadiri Diallo alias Thierno Diallo, Bah Mamadou Lamine (BML). Tous, à leur manière, auront contribué au rayonnement du canard. Durant cette semaine d’anniversaires croisés, toute la rédaction s’inspirera de leur exemple.

Le Lynx, c’est une institution, une école. En effet, plusieurs patrons de presse ont fait un passage plus ou moins long à la rédaction. On peut citer entre autres : Sanou Kerfalla Cissé du Groupe Sabary ; Sékouba Savané, directeur de publication de la Nouvelle Elite et ex-directeur général de la RTG ; Oscar, directeur de publication du satirique Bingo ; Moussa Cissé, ex -directeur du Bureau de paresse de la Présidence, et j’en oublie.

Le Rossignol