Ce 7 février, votre Satirique du lundi « souffre » les 33 bougies de son existence. L’occasion pour les scribouillards vivants de rendre un vibrant hommage aux compagnons de route disparus.

L’ancienne Présidente de la section guinéenne de l’Association des professionnelles africaines de la communication (APAC-Guinée) et actuellement conseillère au CNT est également passée par Le Lynx et Lynx FM. Elle en garde des souvenirs inoubliables. Le récit d’une dizaine d’années de collaboration.  

Il y a des lieux qui façonnent une carrière, des expériences qui marquent une vie professionnelle. Pour moi, ce fut Le Lynx. En franchissant la première fois les portes de la rédaction, en tant qu’étudiante stagiaire, j’étais loin d’imaginer que ce journal allait devenir mon école de vie, mon tremplin et ma famille.

Le Lynx, ce n’était pas qu’un simple lieu de stage. C’est une institution unique dans le paysage médiatique guinéen, qui fait de la satire son arme de prédilection et manie l’humour avec finesse pour décrypter l’actualité du pays. L’école qui m’a appris que le journalisme pouvait être à la fois sérieux, amusant et imaginatif.

C’est donc au Lynx que j’ai rédigé mes premiers articles, vécu mes premières conférences de rédaction, expérimenté l’adrénaline du bouclage. Les premières semaines, l’apprentissage aura été laborieux : transcrire (décrypter) de longues interviews ou de discours, dénicher de sujets (reportages initiés) pertinents pour la rédaction, pondre un papier digne du canard, s’approprier le ton et le style du Satirique… Bref écrire pour faire sourire, tout en informant avec pertinence.

Mes mentors Abou Bakr, Souana Doré et Siré Diallo m’ont guidée avec patience. Ils m’ont transmis bien plus que des techniques d’écriture. Sous la coupole du Gros Lynx (Souleymane Diallo), ils m’ont inculquée la rigueur et la conviction que le journalisme a un rôle essentiel à jouer dans la société.

L’inoubliable Assane Abraham Keïta

Parmi les figures marquantes de mon passage au Lynx, feu Assane Abraham Keïta occupe une place toute particulière. Il n’était pas seulement un journaliste à l’esprit fertile, c’était aussi un guide, un protecteur, un maître bienveillant. Il a pris le temps de m’aider à affiner ma plume, à donner du relief à mes textes, à comprendre les subtilités d’un journalisme à la fois mordant et rigoureux.

Mais au-delà de l’écriture, il m’a aussi appris à tenir tête, à assumer mes positions et à évoluer dans le milieu du journalisme. Son décès a été un grand choc, une perte immense pour tous ceux qui l’ont côtoyé. Aujourd’hui encore, chaque fois que je peaufine un texte, je repense à lui, à son humour piquant et à cette générosité qui a tant compté durant mes années à la rédaction du Groupe Le Lync et La Lance.

Mes pensées les plus profondes vont également à feu Thierno Diallo (Abdoul Gadiry) et feue Mme Diallo Bintou, avec lesquels j’ai partagé des instants de vie au sein et en dehors de la rédaction.

Un canard intemporel

Alors que Le Lynx célèbre un nouvel anniversaire, je mesure le chemin parcouru. Ce journal n’a pas simplement été mon premier employeur. Il aura été le tremplin qui m’a permis de me lancer dans le monde des médias. Il m’a donné de solides fondations sur lesquelles j’ai pu bâtir ma carrière. Grâce à l’expérience engrangée au sein du groupe Lynx-Lance-Lynx FM, j’ai trouvé ma voix (et ma voie). Car au-delà des compétences, c’est une certaine vision du journalisme que Le Lynx m’a inculquée : celle d’un métier au service du peuple, des opprimés et de la vérité, même si elle dérange. Je ne peux qu’exprimer ma profonde gratitude envers cet étrange « carnassier », qui à travers ses pages reste un pilier de la liberté d’expression en Guinée. Il continue de tenir tête aux vents contraires, de faire rire et réfléchir, d’inspirer une nouvelle génération de journalistes.

À l’heure où le journalisme fait face à de nombreux défis, l’exemple du Lynx reste plus que jamais d’actualité. Son engagement pour une presse libre, son courage dans le traitement de l’information, sa capacité à se réinventer tout en restant fidèle à ses valeurs, sont autant de leçons qui résonnent encore.

Joyeux anniversaire au Lynx. Puisse-t-il continuer longtemps à former de nouvelles générations de journaleux, à faire résonner la vérité avec humour, et à maintenir éveillé l’esprit critique dont notre société a tant besoin.

Asmaou BARRY