Guezouma Sanogo et Boukari Ouoba, journalistes et dirigeants de l’Association des journalistes du Burkina (AJB), ont été arrêtés et emmenés par des individus se présentant comme du service de renseignement vers une destination inconnue ce 24 mars, trois jours après avoir vivement critiqué la dégradation du paysage médiatique dans le pays. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités de les libérer immédiatement.

Une alerte immédiatement réprimée. Fraîchement réélu à la tête de l’Association des journalistes du Burkina (AJB) le 21 mars, Guezouma Sanogo, également journaliste à la Radiodiffusion Télévision du Burkina (RTB), avait profité du congrès extraordinaire de l’association pour dénoncer la “totale mainmise” de la junte sur les médias publics, transformés en outils de propagande. Son association avait également dénoncé des atteintes à la liberté d’expression et à la liberté de la presse « jamais égalées » depuis l’arrivée au pouvoir de la junte. La réaction des autorités ne s’est pas faite attendre.

À peine trois jours après, dans la matinée du 24 mars, des individus se présentant comme des policiers du service de renseignement ont arrêté Guezouma Sanogo et Boukari Ouoba, journaliste d’investigation et vice-président de l’AJB, au Centre national de presse Norbert Zongo (CNP-NZ) à Ouagadougou. Ils les ont ensuite emmenés vers une destination inconnue.

« L’arrestation des journalistes Guezouma Sanogo et Boukari Ouoba, trois jours après une déclaration publique de leur association sur la situation difficile de la liberté de la presse au Burkina Faso, s’inscrit dans le cadre d’une stratégie visant à systématiquement faire taire toute voix critique dans le pays. Le mode opératoire – une arrestation opérée par des individus se présentant comme des agents des services de renseignement – fait écho aux nombreuses autres arrestations et enlèvements orchestrés par les autorités militaires depuis leur arrivée au pouvoir. L’effort de guerre promu par le chef de la junte burkinabè Ibrahim Traoré est une nouvelle fois instrumentalisé pour réduire à néant le journalisme au Burkina Faso. RSF demande aux autorités de rendre public le lieu de détention de ces deux dirigeants de l’AJB et de les relâcher sans délai », Sadibou Marong, Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF.

Des réquisitions forcées visant les journalistes critiques

Lors du congrès de l’AJB, Guezouma Sanogo avait également appelé à la libération des quatre journalistes et chroniqueurs réquisitionnés et porté disparu depuis le début de l’année 2024. En effet, le 24 octobre 2024, les autorités burkinabè avaient assumé la réquisition de Serge Oulon, directeur de publication du journal L’ÉvénementAdama Bayala et Kalifara Séré, chroniqueurs sur la télévision privée BF1. En revanche, elles refusent toujours de s’exprimer sur le sort d’Alain Traoré, dit Alain Alain, chroniqueur du groupe de presse Omega Media. Guezouma Sanogo avait également mentionné les cas de disparition de Bienvenu Apiou, James Yazid Dembélé et Mamadou Ali Compaoré. 
Le paysage médiatique s’est réduit comme peau de chagrin depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement de transition au Burkina Faso, où une quinzaine de médias, étrangers et locaux, ont été suspendus depuis décembre 2022.

Le Burkina Faso occupe la 86e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024.

Reporters Sans Frontières