Nommé le 27 février 2024, Amadeus Oury Bah a célébré son premier anniversaire de chef du goubernement par une conférence de braise, le 5 mars à Camayenne Plage. Occasion pour le locataire du Palais de la Colombe de dresser son bilan et de rappeler qu’il forme avec Mamadi Doum-bouillant un « couple unique et un ». Les poings forts de la déclaration d’amour.
Entre Amadeus Oury Bah et Mamadi Doum-bouillant, c’est une histoire d’amour qui dure depuis un an. Le premier avait dit oui au second dans un contexte difficile : deux mois après l’explosion du dépôt central d’hydrocarbures de Coronthie (Kaloum). Outre la vingtaine de morts, les disparus non dénombrés, les centaines de blessés, taudis et 16 bacs d’essence réduits en cendres (seuls trois bacs de diesel avaient survécu), le sinistre avait malmené l’économie et entraîné des délestages. Les pertes en car-brûlant se chiffraient à plus de 50 millions de dollars ricains, sans compter les bâtiments administratifs et autres teuf-teuf de service consumés. Voilà ainsi résumé l’héritage d’Amadéus Oury Bah à sa nomination.
Qu’a-t-il fait en douze mois ? Aujourd’hui, « le contexte s’est amélioré, se félicite le conférencier. Je ne dis pas qu’il est largement satisfaisant, mais par rapport à l’année dernière, la situation est nettement meilleure. » Amadeus Oury Bah a redit, pour la énième fois, que la transition n’est pas que voter, transmettre le pouvoir. Possible ailleurs, impossible dans une Guinée de crises à répétition, a-t-il argué. D’où la mutation de transition à refondation. Il note des transformations « majeures » sur le plan économique, dont les impacts ne tarderont pas à se ressentir. Sans les égrener. Et promet « au moins » un gigawatt d’électricité cette année.
Quant au volet politique, le chef du goubernement flétrit l’idée d’un dialogue exclusif. « Le dialogue avec la classe politique, certes ce n’est pas la grande messe, reconnaît-il. [Mais il] est devenu permanent. Il faut le souligner pour ne pas qu’on considère que si monsieur x ou tel autre n’est pas présent, il n’y a pas de dialogue. C’est un état d’esprit. » Il renchérit : « Ce n’est pas parce qu’on n’est pas d’accord avec quelqu’un qu’il est un pestiféré. »
Amadeus Oury Bah veut un dialogue courtois, à l’instar de ses rencontres « régulières » avec des anciens Premiers ministres. Du moins parmi ceux qui ne s’opposent pas et ne s’exilent pas. Sinon, Sid Touré de l’UFR, Petite Cellule Dalein de l’UFDG et Lansana Kou-raté du PEDN sont du nombre de ses prédécesseurs à la Primature.
Le dialogue doit aussi « être citoyen », comme l’immersion gouvernementale en Guinée forestière et Haute Guinée. Car le dialogue, « ce n’est pas simplement entre les élites. C’est entre l’autorité exécutive et les populations à la base pour s’enquérir de leurs conditions de vie ». Rendez-vous en Basse et Moyenne Guinée, après le ramadan.
Toutefois, le MATD aurait reçu instruction de relancer le dialogue dans le format d’après putsch. Sauf que le mystère dirigé par Ibro Kalil Condé consacrerait « l’essentiel de son énergie » au retour à l’ordre constitutionnel. Sans malgré tout parvenir à empêcher la grève des agents recenseurs ni accélérer l’établissement du fait-chier électoral.
Sélections en 2025, kidnappings…
La seconde partie de la causerie, plus longue, a été consacrée aux questions des journaleux. « Ce qu’il faut retenir, en 2025, le retour à l’ordre constitutionnel sera effectif », rassure le Premier ministre. Alors que le porte-voix du goubernement, Ousmane Gawa Diallo, avait soutenu l’inverse. « La principale difficulté que nous devons surmonter, c’est la constitution du fichier électoral, admet toutefois le conférencier. Il peut être source de déstabilisation dans certains pays. Jusque-là, nous n’avons pu avoir un fichier consensuel. Raison pour laquelle l’actuel est adossé au PN-RAVEC. Des experts ont indiqué que certains pays ont mis sept à huit ans pour finaliser le PN-RAVEC. » Il n’a pas précisé comment la Guinée réussirait à faire autrement, efficacement.

Les kidnappings d’opposants ? Un « enjeu majeur » que dit regretter Amadeus Oury Bah. Il rappelle son passé de défenseur des droits humains, auxquels il reste attaché. Même s’il insinue que les enlèvements pourraient être l’œuvre de personnes isolées, arguant que « l’État n’a plus le monopole de la violence. » Sauf que les témoignages incriminent les autorités et l’indifférence de la justice laissent dubitatifs. « Je dis et réitère que le gouvernement, le CNRD n’a aucun intérêt de ternir tout ce qui a été fait depuis le 5 septembre 2021, martèle-t-il. Les pratiques qui avaient cours par le passé doivent être combattues à tous les niveaux. Vous savez également que le changement ne se décrète pas. » Le lendemain des Assises nationales et du procès du Massacre du 28-Septembre 2009, pour respectivement réconcilier les Guinéens et briser la chaîne d’impunité pour les crimes de sang, ne doit pas être l’aube des disparitions forcées, a insisté le conférencier.
Oui à Doum-bouillant, non à El Dadis ?
Devenu grand-père pour la deuxième fois, des rumeurs disaient Amadeus Oury Bah interdit de voyager pour voir son petit-fils à Paris. D’autres ajoutaient qu’il serait sur le départ, laissant la place à un fils de la Basse-Côte. Mais ça, c’est « le monde d’Alpha Condé » (qui attribuait des postes par région), balaie le locataire du Palais de la Colombe.« Ma conviction et celle du président de la transition convergent. C’est une fusion de deux dynamiques. […] Le couple président de la République-Premier ministre est unique et un. Nous sommes un attelage qui constitue le socle avec lequel la transformation de la République de Guinée va se faire », jure-t-il, la main sur le palpitant.
Son soutien à la candidature présidentielle de son patron va donc de soi : « Le général Doumbouya, en fonction de ce qui sera adopté par la constitution, s’exprimera le moment venu pour savoir s’il est candidat ou pas. Le Premier ministre sera en phase avec le président de la République. C’est clair et net. » Rires et applaudissements timides dans la salle, où journaleux et membres du cabinet de la Primature et du goubernement ont massivement pris place. N’est-ce pas paradoxal pour celui qui a combattu la candidature présidentielle du capitaine El Dadis Camara en 2009 ? « Sans conteste, le bilan parle de lui-même. […] En 2009, on allait tout droit au gouffre. La presse doit faire l’effort de placer les événements dans leurs contextes. Il ne s’agit pas d’aligner des faits similaires et dire que c’est la même chose », se défend-t-il.
Comment se porte le parti, UDRG ? Il progresse, selon son leader qui préfère ne pas s’étendre dessus de peur que des aigris en embuscade découvrent le secret de la progression…au moment où les partis politiques ne sont pas au meilleur de leur forme ? « Je me souviens : les grands partis ! les grands partis ! (Rires) Qui est grand ? Qui est petit ? Qui est moyen ? Les choses changent. C’est comme la course du soleil. Il y a beaucoup de choses en cours dans les coulisses. Les empires naissent, croissent et meurent. D’autres prennent le relai. Le monde a toujours été ainsi. Nous sommes en train de construire le futur politique, économique, institutionnel…disons la société guinéenne de demain. Les choses avancent, je n’en dirai pas plus. » Vous avez déjà beaucoup dit.
Diawo Labboyah