Le procès d’Ibrahima Kourouma et de Mohamed 5 Sankhon s’est poursuivi lundi 17 mars devant la Cour de répression des infractions économiques et financières. L’audience a tourné autour des conclusions du Conservateur foncier à propos des biens immobiliers des prévenus et aux plaidoiries et réquisitions.
L’on se dirige vers l’épilogue dans le dossier opposant Ibrahima Kourouma et Mohamed 5 Sankhon à l’Etat guinéen. A l’audience de ce lundi, les plaidoiries et les réquisitions ont commencé. Ibrahima Kourouma dont les faits à lui reprochés remonteraient au moment où il était ministre de l’Enseignement pré-universitaire et de l’Alphabétisation (2011-2017) et Mohamed 5 Sankhon, DAF de ce même département (2020-2022), risquent très gros. Du moins si la Chambre de jugement suit les réquisitions du ministère public. Le substitut du procureur requiert 5 ans d’emprisonnement pour les prévenus et au paiement d’une amende de 50 milliards de francs guinéens pour « détournement de deniers publics et enrichissement illicite. »
Ousmane Sanoh estime qu’Ibrahima Kourouma et son coprévenu n’ont pu justifier l’utilisation d’un peu plus de 555 milliards de francs guinéens et de 12 millions de dollars alloués au département par la Banque islamique de développement : « Il n’a rien pu justifier, et comme il sait qu’il ne peut pas le faire, il a préféré passer certains biens sous silence. Mais la Conservation foncière l’a démasqué. Tous ses biens sont acquis pendant qu’il était ministre. » Quant à Mohamed Sankhon, il n’aurait pas dit comment 57 milliards de francs guinéens destinés aux examens de fin d’année scolaire 2021 ont été utilisés.
Les avocats de l’Agent judiciaire de l’Etat abondent dans le même sens. Maître Faya Gabriel Kamano demande au juge de retenir les deux prévenus dans les liens de la prévention, de les condamner au paiement de grosses sommes d’argent. Pour l’ancien ministre, la partie civile demande à ce qu’il soit condamné, à titre principal, à 550 milliards 278 millions de francs guinéens et à 12 millions de dollars américains. A titre de dommages et intérêts, l’avocat réclame 100 milliards de francs guinéens.
Pour Mohamed 5 Sankhon, la partie civile demande une condamnation au paiement de 57 milliards 242 millions de francs guinéens à titre principal et 50 milliards de francs guinéens comme dommages et intérêts. Le parquet spécial et la partie civile demandent également la confiscation des biens des prévenus cités dans l’ordonnance de renvoi et dans le rapport de la Conservation foncière. Ils demandent aussi l’exécution provisoire de la décision, nonobstant tout recours.
Bouc émissaire
La réquisition prononcée contre Mohamed 5 Sankhon a fait sortir son avocat de ses gonds. Me Sékou Traoré dénonce le ‘’deux-poids deux mesures qui a caractérisé’’ cette procédure. Il ne comprend pas que son client, un ‘’simple’’ exécutant, soit trimbalé devant la justice, alors que les ministres ordonnateurs se baladent librement dans la nature : « Epargnez-nous des poursuites sélectives. Comment pouvez-vous poursuivre l’exécutant à la place de l’ordonnateur ? » Il rappelle que son client ne connait en aucun cas son coprévenu, Ibrahima Kourouma, parti du ministère de l’Enseignement pré-universitaire avant la nomination en 2020 de Mohamed Sankhon comme DAF. Il demande au tribunal de renvoyer son client des fins de la poursuite « parce que les accusations sont manifestement infondées. »
L’affaire est renvoyée au 19 mars pour les plaidoiries de la défense d’Ibrahima Kourouma.
D’autres biens dénichés
A la dernière audience, le président de la Chambre de jugement avait ordonné à la Conservation foncière et la Direction nationale des domaines et du cadastre (DOCAD) de lui fournir la liste de tous les biens des prévenus. Le rapport de la DOCAD se fait encore attendre. La Conservation foncière, elle, déniche 6 biens immobiliers appartenant à l’ancien ministre de la Ville et de l’Aménagement du territoire et 2 pour le DAF. Le premier déclarait détenir seulement 4 domaines, le second, une seule parcelle à Entag.
Selon les conclusions du Conservateur foncier, Ibrahima Kourouma détient une parcelle à Lambanyi, une à Sonfonia, une à Dabompa-Sud et 4 parcelles dans Tombolia. Tandis que Mohamed Sankhon n’avait pas déclaré sa propriété de Kaloum. « Ce rapport prouve à suffisance qu’il faut prendre avec pincettes les déclarations des prévenus. Ils avaient caché certains de leurs biens », tacle Ousmane Sanoh.
Sur le rapport d’inspection ayant conduit les prévenus à la barre, Ibrahima Kourouma le rejette, estimant qu’il a été fait dans le seul but de le nuire : « Ce n’est pas après trois ans de prison je vais être d’accord avec ce rapport. Il est nul et de nul effet. Ces inspecteurs m’ont systématiquement détruit. »
Yacine Diallo