Le 6 mars, Mohamed Diané était devant la Cour de répression des infractions économiques et financières, Crief, pour son procès en appel. Condamné à 5 ans d’emprisonnement pour « détournement de deniers publics, enrichissement illicite et blanchiment de capitaux », l’ancien ministre de la Dépense nationale et des Affres pestilentielles rejette une nouvelle fois les accusations articulées contre sa personne.
Il avait gardé le silence en première instance pour, dit-il, dénoncer ‘’les violations répétées’’ de ses droits. Cette fois-ci, Mohamed Diané est décidé à croiser le fer avec le parquet spécial et la partie civile. Il compte se défendre devant les robins de la Chambre des appels pour ‘’rétablir son honneur’’, contrairement à son procès en instance où il avait passé son temps à lancer des ‘’je ne sais pas’’ ; ‘’je ne réponds pas’’.
Mohamed Diané et ses avocats motivent leur décision de faire appel par le fait qu’il y aurait problème dans la forme et dans le fond de la procédure. Me Almamy Samory Traoré estime que les premiers juges ont ignoré royalement les « moyens de défense » de son client, en « violation de l’article préliminaire » du Code de procédure pénale. L’avocat (sans vinaigrette) dénonce une condamnation de Mohamed Diané pour « détournement de deniers publics et enrichissement illicite, alors qu’aucun document ne prouve qu’il a détourné 500 milliards de francs guinéens. »
Dans cette affaire, l’Agent judiciaire de l’Etat avait, lui aussi, a relevé appel. Il n’avait pas apprécié qu’un des immeubles attribués à Diané à Nongo, dans la commune de Lambanyi, n’ait pas été confisqué. Pour ce qui est des motifs d’appel de la défense, Me Pépé Antoine Lama et Aly Touré ont demandé à la Cour de les rejeter purement et simplement : « Nous vous invitons à déclarer ces motifs sans issue et mal fondés. Si cela ne tenait qu’à nous, le procès se serait arrêté là, parce que la défense a montré la ligne qu’elle va suivre. Elle n’a rien comme argument », s’exclame le pro-crieur spécial, Aly Touré.
« Je réaffirme mon innocence »
Sur le fond du dossier, Mohamed Diané a été cuisiné sur le délit du détournement de deniers publics. L’ex ministre de la Dépense nationale nie tout et accuse les nouveaux maîtres du bled de lui régler ses comptes : « Je réaffirme mon innocence face aux accusations portées contre moi, lesquelles ne reposent sur aucune preuve tangible. Il est inconcevable que je sois condamné pour un délit qui ne repose sur aucune base juridique. » Le politicard dénonce des irrégularités qui auraient caractérisé son dossier, de l’enquête préliminaire à la Chambre de jugement : « Les irrégularités flagrantes qui ont entaché cette procédure depuis l’enquête préliminaire jusqu’au verdict final sont indéniables. Elles soulèvent des questions graves quant à l’intégrité de ce processus judiciaire et au respect des principes fondamentaux du droit. »
Il accuse l’Agent judiciaire de l’Etat et le parquet spécial d’avoir inventé des chiffres pour le besoin de la condamnation : « Curieusement, le jour de la plaidoirie, les avocats de l’Agent judiciaire de l’État ont déclaré un montant de 500 milliards détournés, sans aucune preuve documentaire présentée à l’audience. Aucun témoin clé n’a été entendu. Comment peut-on condamner une personne sans même savoir ce qu’elle est censée avoir détourné ? Comment elle l’a fait ? Et à quelle fin ces fonds auraient été utilisés ? Pourtant, en matière de détournement de deniers publics, la charge de la preuve incombe au ministère public. C’est à lui de rapporter la preuve de l’infraction. »
Mohamed Diané crie à un procès politique visant à salir son image : « Je suis acteur politique, j’ai été député pendant 7 ans, effectué des missions à l’étranger. J’ai été recruté par le NDI, mais ils ont tout ignoré juste pour salir mon image à cause des considérations politiques ». Il exige la comparution des intendants du mystère de la Dépense, quand il gérait le département.
Sur l’enrichissement illicite, Mohamed Diané fait remarquer que des biens immobiliers lui auraient été attribués alors qu’ils ne lui appartiendraient pas : « Je n’ai aucun lien avec eux. Pourtant, contrairement à ceux qui gèrent aujourd’hui, j’ai fait la déclaration de mes biens en 2011 et 2016. »
L’affaire est renvoyée au 20 mars prochain, pour la suite des débats
Yacine Diallo