L’Union des forces démocratiques de Guinée, UFDG, s’enfonce-t-il dans la crise ? En tout cas rien de bon ne semble poindre à l’horizon, au regard des derniers développements au sein du parti. Décryptage !

Dans sa mission « d’assainissement » de l’espace politique guinéen, entre juin et octobre 2024, le ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation, MATD, avait évalué les partis politiques. Le résultat publié le 29 octobre annonce, entre autres, la « mise sous observation » de 67 partis politiques dont l’UFDG de Cellou Dalein Diallo. Son péché ? Absence de congrès. Un ultimatum de 3 mois lui a été donné pour se mettre en règle. Pour cela, le parti prévoyait de renouveler ses instances dirigeantes les 19 et 20 avril prochain. Seul candidat déclaré, le président sortant Cellou Dalein Diallo. En tout cas pas d’Ousmane Gaoual Diallo, porte-parole du gouvernement et ministre des Transports, exclu le 1er juin 2022, pour « violation du principe et fonctionnement du parti ». Ainsi que l’indiquait Joachin Baba Millimouno, coordinateur de la Cellule de communication de l’UFDG.

Ousmane Gaoual saisit, le 16 octobre 2023, le tribunal de première instance de Dixinn demandant la nullité de la décision. Le 19 juillet 2024, le tribunal ordonne sa « réintégration ». Mais il veut désormais ravir la tête du parti à Cellou Dalein Diallo, contraint à l’exil depuis avril 2022. Son mouvement, le Cercle des amis de Gaoual, CERAG, envisage la tenue d’un congrès les 12 et 13 avril. La guéguerre des congrès pousse le TPI de Dixinn à entrer dans la danse, le 28 février dernier. Il suspend les deux congrès projetés. La réaction de l’UFDG ne tarde pas.

« Attaque frontale contre la démocratie »

Dans une déclaration le 2 mars, le parti dénonce une « décision arbitraire », « une attaque frontale contre la liberté d’association et la démocratie », menée par la junte. « La suspension de ce processus, qui devait s’achever avec la mise en place des organismes nationaux en avril prochain, constitue une violation flagrante de la liberté d’association et des droits constitutionnels des citoyens, garantis par la Charte de la transition et les conventions internationales. » La formation politique soulignant que « le processus de renouvellement de ses structures à la base […] a déjà permis de restructurer la quasi-totalité de ses fédérations, tant en Guinée qu’à l’étranger. »

L’UFDG ne serait guère surpris car, écrit-il, depuis l’arrivée du CNRD, il serait « la cible d’une persécution implacable : assassinats impunis, poursuites fantaisistes et spoliations de ses dirigeants, arrestations et condamnations arbitraires de ses militants et responsables ». Le seul objectif de la junte serait de « museler la principale force d’opposition, imposer un projet antidémocratique et confisquer la voix du peuple guinéen ». D’où l’appel à « ses militants, sympathisants et toutes les forces vives de la nation à se mobiliser pour faire barrage à cet acharnement de la junte contre les partis politiques et les organisations de la société civile qui dénoncent sa volonté de confisquer le pouvoir. » Même que l’UFDG « ne cédera ni à l’intimidation ni à l’injustice, ne reculera pas face à l’arbitraire. L’UFDG se battra jusqu’à la victoire de la démocratie. »

Ousmane Gaoual salue la décision

Ousmane Gaoual Diallo, lui, a réagi dans une publication relayée sur les réseaux sociaux. Il salue la décision du TPI de Dixinn. Il affirme que depuis l’arrivée du CNRD au pouvoir, la Guinée « avance sur la voie du dialogue et de la concertation avec toutes les sensibilités politiques. » Malgré ces efforts, ajoute-t-il, la « direction actuelle de l’UFDG continue dans sa logique d’obstruction systématique […] Refuser ce dialogue, c’est choisir l’impasse politique et faire le choix d’un isolement que les Guinéens ne méritent pas. L’Union des Forces Démocratiques de Guinée mérite un débat où la voix de la raison se fasse entendre. C’est dans cet esprit que je salue la décision du Tribunal de Dixinn. Cette décision vient rappeler une vérité simple : nul ne peut prétendre défendre la démocratie tout en méprisant ses propres règles internes. Ce n’est pas en verrouillant son parti ou en étouffant la moindre voix critique qu’on construit une alternative crédible. » On n’est pas à bout des sorties médiatiques.

Une audience qui fait jaser

Cellou Baldé et Maladho Diallo vont-ils quitter le navire UFDG ? Sont-ils en train d’apporter de l’eau au moulin de la junte ? Sont-ils en train de grossir les rangs du CERAG ? L’ancien député uninominal de Labé et coordinateur national des fédérations UFDG de l’intérieur et le trésorier du parti ont rencontré Mamadi Doumbouya, le 27 février. Ce que confirment des images. Le cliché de la rencontre, le seul jusque-là qui circule sur la toile, montre Mamadi Doumbouya et Ousmane Gaoual Diallo dans la même tenue que lors du Conseil des ministres du même jour. La rencontre « secrète » a vite fuité sur les réseaux sociaux.

Sur Africaguinee le 2 mars, Joachin Baba Millimouno semblait minimiser l’affaire. « Ce n’est pas interdit de rencontrer le Président ou des membres de l’administration, quel que soit leur niveau. Maintenant, nous attendons. Si cette rencontre aboutit à leur débauchage au profit de nominations à des postes, nous aviserons. Pour l’instant, il n’y a pas de quoi s’inquiéter. »

La réaction du parti, elle, n’a pas été tendre. Le 3 mars, l’UFDG, dans un nouveau communiqué, s’est insurgé contre le « débauchage » de ses cadres « qui se verraient accorder des faveurs dans l’attribution de marchés publics et des nominations au sein de l’Administration, voire du gouvernement. » Il « tirera toutes les conséquences » de cette rencontre « plus que suspecte ».

Nous avons tenté, en vain, de joindre les deux responsables du parti reçus au Palais Mohammed V. Leurs téléphones sonnent sans cesse, sans réponse.

Pour l’UFDG, « soutenir aujourd’hui le CNRD, c’est se rendre complice » des « violations massives et récurrentes des droits humains et des libertés fondamentales » en Guinée.

Mamadou Siré Diallo