Le professeur Mamadou Dadhi Baldé et ses deux co-prévenus étaient de nouveau devant le tribunal de première instance de Kaloum, lundi 10 mars. Oumar Yansané, agent comptable du Centre hospitalo-universitaire Ignace Deen a déposé. Il rejette les faits, accuse les inspecteurs d’avoir ignoré délibérément ses pièces justificatives.

Accusé par l’Agent judiciaire de l’Etat d’avoir détourné 866 millions de francs guinéens, les responsables de l’hôpital Ignace Deen reprennent le chemin du TPI de Kaloum. Après le directeur général, professeur Mamadou Dadhi Baldé il y a un mois, son comptable nie tout en bloc. Oumar Yansané dénonce ce qu’il appelle la légèreté des inspecteurs ayant produit le rapport qui les a conduits devant la justice : « Nous avions reçu plusieurs missions auparavant. Je n’en avais jamais vu de pareil. Les inspecteurs étaient tellement pressés qu’ils ont fait un travail de trois semaines en deux jours. Ils ont procédé par échantillonnages, en choisissant certaines pièces et en laissant d’autres. » Selon lui, au-delà d’outrepasser leurs prérogatives, les inspecteurs ont ignoré royalement plusieurs pièces justificatives pour conclure que de l’argent a été détourné : « La mission d’inspection portait sur la subvention que l’Etat accorde à l’hôpital pour l’achat des médicaments antipaludéens, mais ils sont allés fouiller dans les recettes de la structure… Nous avons toutes les preuves, ils les ont ignorées. Pire, il n’y a pas eu de débat contradictoire pour qu’on se défende. »

Le prévenu estime qu’il n’y eu en aucun cas détournement de fonds dans cette affaire : « Les montants étaient prévus par le budget. Le matériel acheté reflète les dépenses effectuées sur le terrain. On a comme l’impression qu’ils étaient animés d’une intention de nuire. »

A la barre, les inspecteurs ?

L’avocat de la partie civile ne veut pas croire que des inspecteurs assermentés puissent prendre le risque de rejeter des pièces justificatives avant de les vérifier. Il se demande si le prévenu ne s’est pas fabriqué ses pièces, bien après la mission d’inspection : « J’ai mis toutes les pièces à leur disposition, et ils n’ont pas tout pris », rétorque le prévenu. Oumar Yansané d’ajouter qu’après le rapport provisoire, il en déposé toutes les photocopiées chez l’inspecteur des finances. Maître Alpha Amadou DS Bah sollicite la comparution des inspecteurs : « Leur présence est indispensable. Il faut qu’on sache si c’est le comptable qui n’avait pas toutes les pièces ou si ce sont eux qui les ont ignorées. Il y a des intrigues dans cette affaire. » Le ministère public, pour qui la demande de la partie civile est prématurée : « Attendons que les prévenus finissent de déposer, on verra si leur présence est nécessaire. » Pour la défense, la légèreté du rapport d’inspection saute aux yeux. Maître Abdoul Kabélé Camara demande au tribunal de l’écarter de la procédure : « C’est un rapport fait juste pour salir nos clients, il est plein de manquements et de contradictions. Sa place, c’est la poubelle, réservez-lui le sort qu’il mérite. » Le juge Ousmane Sylla a renvoyé l’affaire au 24 mars prochain pour la suite des débats.     

Cette affaire remonte à mai 2024. L’hôpital Ignace Deen reçoit une mission d’inspection. Celle-ci est censée connaître de l’utilisation de la subvention versée à la structure pour l’achat de médicaments antipaludéens. Elle élargit l’inspection aux recettes générées par le CHU. Les inspecteurs concluent à un manque à gagner d’un peu plus de 866 millions de francs guinéens. 325 millions de francs guinéens de la subvention et 541 millions de francs guinéens des recettes. Directeur général, Directeur administratif et financier et comptable de l’hôpital sont traînés en justice par l’Agent judiciaire de l’Etat, pour « détournement de deniers publics. » Des faits que les accusés ont toujours rejetés. Le professeur Dadhi Baldé plaida que « 325 millions Gnf ont servi à l’achat du matériel informatique (ordinateurs, imprimantes et accessoires) pour les cadres de la direction générale de l’hôpital, à l’achat des blouses et kites opératoires. 541 millions de francs guinéens ont servi à payer les ristournes des cadres des différents services, les salaires des contractuels ou encore à la réfection d’une des passerelles. »

Yacine Diallo