Je suis là, suspendu entre l’admiration pour un grand écrivain et la colère face à un homme dont la plume, aiguisée comme une épée, ne peut se départir de sa rancœur envers le camarade Ahmed Sékou Touré. Tierno Monénembo, ce nom résonne comme une mélodie complexe, une symphonie de mots qui, tout en célébrant la richesse de notre culture, ne manque pas d’égratigner les cicatrices encore vives de notre histoire collective. Ses critiques, tantôt acérées, tantôt empreintes de nostalgie, résonnent dans l’âme de la population guinéenne, comme un écho des luttes passées et des espoirs déçus.

Il est indéniable que Monénembo est un maître de la langue, un artisan des mots qui sait, avec une précision chirurgicale, toucher aux vérités les plus profondes de notre société. Son regard critique sur les dirigeants guinéens, de Sékou Touré à Général Mamadi Doumbouya, est à la fois un hommage et un réquisitoire. Un hommage à ceux qui ont tenté de bâtir une nation, et un réquisitoire pour ceux dont les promesses se sont souvent heurtées aux dures réalités du pouvoir.

Dans ses écrits, Monénembo ne se contente pas de relater des faits ; il les transcende, les transforme en réflexions qui interrogent notre identité et notre parcours. Sa plume, à la fois lyrique et incisive, nous pousse à nous interroger : qu’est-ce que signifie vraiment être Guinéen ? Quels sacrifices ont été consentis pour en arriver là, et à quel prix ? Sa critique des dirigeants n’est pas simplement un acte de rébellion, mais une quête de vérité, une volonté de voir émerger une Guinée où la dignité et la justice prévalent.

Pourtant, cette admiration pour son talent littéraire se heurte à ma colère face à ce qu’il semble parfois ignorer : la complexité des réalités politiques. Oui, Sékou Touré a ses ombres, mais il a aussi été un pionnier dans la lutte pour l’indépendance, un symbole d’unité pour un peuple qui aspirait à la liberté. De même, Général Mamadi Doumbouya, l’homme providentiel que beaucoup voient comme un espoir de renouveau, mérite une chance d’être jugé sur ses actes, et non seulement sur les promesses d’un passé tumultueux.

Il est légitime de critiquer, de remettre en question, de s’opposer. Mais dans cette danse délicate entre admiration et colère, il est essentiel de se rappeler que chaque homme, chaque leader, est façonné par son époque et par les défis qui l’accompagnent. Tierno Monénembo, avec sa plume acérée, a le pouvoir d’élever le débat, d’inviter à la réflexion. Mais il a également la responsabilité de reconnaître les nuances qui jalonnent notre histoire.

À travers cette tribune, j’invite l’ensemble de la population guinéenne à écouter, à lire et à réfléchir. Les mots de Monénembo, bien que parfois empreints de colère, sont aussi une invitation à la réconciliation avec notre passé. Ils nous poussent à envisager un avenir où les erreurs du passé ne se répètent pas, où les leçons apprises deviennent les fondations d’une Guinée unie et prospère.

Nous sommes à un tournant. La voix de Tierno Monénembo, avec toute sa puissance et sa passion, doit résonner comme un appel à l’unité, à la compréhension et à l’espoir. Car c’est ensemble, dans le respect des différences et des opinions, que nous pourrons véritablement bâtir la Guinée de demain – une Guinée où chaque citoyen, qu’il soit admirateur ou critique, trouve sa place dans le grand récit de notre nation.

 Par Billy KEITA