A 35 ans d’intervalle, le CNRD a tout l’air d’emboîter le pas au CMRN. Aucun haut perché ne se souvient d’une promesse faite le 5 septembre 2021. Le ministre secrétaire général à la présidence de la République a annoncé le 22 février dernier à Kindia que son patron est l’homme providentiel que la Guinée attend depuis 1958. Comme il y a 3 décennies, l’officier est en ordre de bataille pour rester au pouvoir. Dans les laïus officiels, « Transition » s’efface devant « Refondation ». Même les chefs religieux entrent dans la danse. Que dis-je, en campagne. On ne change pas une stratégie qui a fait ses preuves. Les bénéficiaires de décret se doivent de mouiller le maillot chez soi.
Les mollahs honnis
En marge des obsèques du grand érudit de Madina Gnannou, préfecture de Koubia, le secrétaire général adjoint aux Affaires religieuses, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation, celui de la Santé et de l’hygiène publique font coup double. Le numéro deux du département chargé des cultes a livré un discours jugé peu catholique dans la mosquée de Dalaba. Suscitant une véritable levée de boucliers sur la toile. L’homme, qui jouit d’un grand respect pour sa culture islamique et sa maîtrise du livre saint, se souviendra certainement de cette citation : « Le meilleur prince est celui qui fréquente le savant et le pire savant est celui qui fréquente le prince ».
Un parallèle entre le CMRN et le CNRD ?
Il y a des similitudes entre les deux. Mais aussi une différence de taille. Hier le pays était dans une dynamique de conquête de la démocratie et de l’Etat de droit. Aujourd’hui il est en train de perdre les acquis de trois décennies de lutte. Hier, on se battait pour ses convictions. Présentement, on lutte pour son ventre. La nouvelle oligarchie est angoissée par la perte de ses avantages et privilèges plutôt que par la restauration de la démocratie. Les pro troisième mandat hier, aujourd’hui, la confiscation du pouvoir. Même combat. Quant à la société si vile, elle est réduite à la portion congrue. Ces dernières années, cette casquette a été pour beaucoup de personnes un ascenseur. Il se trouve heureusement quelques hommes prêts à défendre la démocratie et l’Etat de droit. Parfois au prix de leur vie. Comme les disparus.
L’histoire d’un processus démon-cratique
La fin de la décennie 80 a été marquée par l’effondrement du mur de Berlin. Suivi de l’éclatement du bloc de l’Est. Le camp occidental jubile. C’est la fin de la bipolarisation. Les pays satellites instaurent le multipartisme. Ils font allégeance à leurs anciens ennemis. C’est la victoire du bloc de l’Ouest contre celui de l’Est. Les vainqueurs de la Guerre froide deviennent de plus en plus les gendarmes du monde. Imposant au monde leur système politique. Y compris à la Chine et à la Russie, orpheline de l’URSS.
Dans la foulée, le président français, François Mitterrand, annonce les couleuvres de la conférence de la Baule le 20 juin 1990 : l’aide française est désormais conditionnée à l’instauration du multipartisme. Dans l’intervalle, si la France est enrhumée, l’Afrique éternue. Les conférences nationales souveraines se suivent et se ressemblent. Elles sonnent le glas au monopartisme. Le président zaïrois, contraint d’entendre un autre son de cloche que le rugissement du grand Léopard, reste inconsolé. L’homme qui n’avait jamais vacillé, montre pour la première fois, des signes de faiblesse avec ses larmes devant les participants à la conférence nationale tenue au Palais de peuple à Kinshasa.
Le cas guinéen
La Guinée, quant à elle, fait encore cavalier seul. Comme en 1958, elle avance à contrecourant du Continent. Le président Lansana Conté prend le monde à contre-pied, il annonce le multipartisme. La Guinée fait l’économie de la Conférence nationale souveraine. Alors qu’au regard de son histoire tumultueuse, elle avait tant besoin de ce conclave plus que tous les autres. Dans ses illusions, l’opposition en gestation, à sa tête un certain Alpha Condé, croit saisir l’occasion à lui offerte pour conquérir le pouvoir. Pour contrer cette velléité de l’opposition naissante, les proches du chef de l’Etat sortent la grande artillerie. Ils mettent en place le Comité de soutien aux actions de Lansana Conté (COSALAC). Leur objectif est, dans un premier temps, d’identifier tous les cadres influents afin de les faire adhérer à ce mouvement pour maintenir le régime militaire. Suivront beaucoup de mouvements dont le GMD25 de Makanéra.
Arrogance de l’Occident, chance des dictatures
Au début de la décennie 2 000, le monde assiste à un nouveau chamboulement géopolitique. Le mensonge d’Etat sur la présence d’armes de destruction massive en Irak, suivi de l’assassinat de Saddam Houssein et de Mouammar Kadhafi ont convaincu plus d’un tiers-mondiste que l’Occident ne défend ni la paix ni la sécurité encore moins la démocratie. Avec l’émergence de la Chine et l’obsession de Vladimir Poutine de tourner, voire déchirer la page Gorbatchev, le rapport de force change de nouveau. Les deux anciens géants communistes auxquels il faut ajouter la Turquie, l’Inde et le Brésil, ne veulent plus se faire dicter la voie à suivre par l’Occident. Ils entrainent avec eux, ceux à qui les gendarmes du monde ont imposé la démocratie.
Certains pays d’Afrique francophone, déçus par les retombées de cette démocratie et confrontés à une crise sécuritaire, que le protecteur français n’arrive pas à juguler, finissent par se révolter. Le coup d’Etat au Mali fait tache d’huile au Burkina et au Niger. La Guinée, où les deux coups d’Etat de son histoire, ont été perpétrés contre des cadavres, opère son premier putsch militaire contre un président en exercice. Un coup fatal au prési-Grimpeur et à la démocratie Guinée-haine.
Habib Yembering Diallo