Un consensus avait été trouvé entre les administrateurs du marché Bantounka 1 et les autorités de la commune de Lambanyi : à la fin du mois de Ramadan, les occupants du marché doivent libérer les lieux. Mais voilà, le 3 mars, ils ont été sommés de quitter sous 72h. Les commerçants soupçonnent un groupe de gens d’un mouvement de soutien au pouvoir d’être derrière à la manœuvre. Ces personnes voudraient attribuer le marché à un tiers, pour un bail.
Cheick Mahmoud Diallo, vendeur de livres coraniques et autres habits précise. « Le 17 février, un huissier de justice muni de documents nous dit de quitter les lieux dans 72 heures, que ce marché n’est pas un domaine de l’Etat. Nos parents sont les premiers à occuper ce marché. Nous y avons grandi et formé nos familles, pour la relève. Ces gens veulent nous déguerpir, puis qu’ils sont fortunés. C’est sur nous les pauvres qu’ils veulent exercer leur pouvoir. Ils ne manquent pas de domaines où investir, ils préfèrent tout de même ce marché. Certains d’entre nous vivent dans une chambre salon, si on nous déguerpit, où irons-nous ? Où allons-nous stocker nos marchandises. Sans ce commerce, de quoi vivrons-nous avec nos familles ? On vit au jour le jour ».
L’Etat, derrière l’opération ?
« Ils sont venus au nom de l’Etat en disant qu’un tiers a racheté le domaine du marché. Par la suite, on apprendra par la mairie que le bail est bien prononcé. Mais l’affaire est louche. L’Etat répond du peuple, quand il veut récupérer un domaine, il en avertit les occupants, pour qu’ils libèrent à temps, il ne se cache pas, pour agir. Ceci nous a fait douter : l’équipe est venue délimiter le marché, puis à 3 heures du matin, mettre des croix sur les boutiques et magasins. Cela ne ressemble pas à l’Etat. L’Etat veut récupérer ses domaines ? On vient mettre les croix en plein jour. C’est pourquoi nous sommes sortis lundi 3 mars, pour manifester ».
Appel à Mamadi Doumbouya
Mariama Bhoye Bah fait partie des premiers occupants du marché. « Je suis dans ce marché depuis 34 ans. Au début, je vendais au marché Simbaya-Gare de l’autre côté. C’est la construction de la route Leprince qui nous a déportés là. Certaines femmes sont allées s’installer le long des rails. Pour éviter le danger, nous, nous avons préféré l’intérieur du marché. On revendait à même le sol, puis nos chefs ont construit des tables avant de nous revendre les places. Si je vois aujourd‘hui des individus mal intentionnés venir la nuit mettre des croix sur nos places et nous dire de libérer les lieux en 24h, cela m’attriste vraiment ».

Au bord des larmes, la sexagénaire lance un appel au président de la Transition : « C’est ici que j’ai élevé mes enfants, de l’aîné au benjamin. Nous demandons au général Doumbouya, de prendre à bras-le-corps cette affaire, d’avoir pitié de nous qui avons mis en place ce marché. C’est notre seule source de revenus. Certaines d’entre nous sont veuves, comme moi, d’autres, leur mari ne travaille plus mais et leurs enfants sont encore petits. Si on nous déguerpit, comment allons-nous subvenir aux besoins de nos familles ? »
On se rebiffe
Il vend au marché depuis 10 ans, Thierno Mountaga Baldé accuse les responsables du marché d’être de mèche avec le bailleur. Il fulmine : « Nous avons enquêté, nos responsables magouillent avec la mairie de Lambanyi pour donner ce marché à un tiers. Mais qu’ils le sachent, on est prêts à tout pour contrecarrer leur plan. L’Etat n’y est pour rien dans l’affaire. On l’a compris, le complot est monté de toutes pièces par nos responsables du marché. On les attend de pied ferme. Nous passons la nuit dans nos boutiques, parce que c’est de ce moment qu’ils profitent, pour faire leur coup. Nous protégerons nos places ».

Les responsables du marché n’ont pas répondu à nos sollicitations. Les vendeurs ne comptent pas baisser les bras. Ils projettent une manifestation pour le départ du président de la Délégation spéciale de Lambanyi, Fafa M’Bira Manè.
Kadiatou Diallo