Le mercredi, 26 mars 2025, les autorités guinéennes ont rendu public un décret présidentiel annonçant la prise en charge intégrale de l’indemnisation des victimes du massacre du 28 septembre 2009 par le budget national de l’Etat.
Il s’agit d’une décision majeure qui devra être mise en œuvre de manière à répondre aux attentes de longue date des victimes en matière de réparation.
Cette annonce intervient alors que toutes les parties attendent d’être fixées sur la date d’ouverture du procès en appel des sept hauts responsables guinéens, condamnés pour crimes contre l’humanité il y a près de huit mois.
Paris, Conakry, 28 mars 2025. Le 31 juillet 2024, le Tribunal criminel de Dixinn (Conakry) a condamné sept des douze accusés, dont l’ex-Président guinéen Moussa Dadis Camara, pour divers crimes, notamment meurtres, assassinats, viols et autres violences basées sur le genre, coups et blessures volontaires, actes de torture, enlèvements, et séquestrations. En ce qui concerne les réparations pécuniaires à la charge des condamnés, les montants établis sont d’un milliard cinq cents millions de francs guinéens par cas de viol, un milliard pour chaque décès ou disparition, et cinq cents millions pour chaque cas de pillage. Alors que le versement de ces réparations était jusqu’ici laissé en suspens, le gouvernement guinéen vient de décider la prise en charge de l’indemnisation des victimes.
« Bien qu’historique, la décision du Tribunal criminel de Dixinn n’avait pas fait droit à la demande des parties civiles de retenir la responsabilité solidaire de l’Etat guinéen quant au paiement des dommages et intérêts alloués. Ceci a laissé les victimes dans une situation de grande incertitude et a fait planer un doute sur l’engagement de l’État guinéen à aller au bout de cette quête de justice, en garantissant les réparations pour les victimes. Par cette décision de prendre en charge l’intégralité du paiement de ces sommes, le gouvernement guinéen prend ses responsabilités pour des violations commises par des hauts responsables politiques et militaires » a indiqué Me Alpha Amadou DS Bah, président de l’OGDH et avocat coordinateur du collectif d’avocat.es des parties civiles.
« C’est une bonne nouvelle pour les victimes. Nous appelons à une mise en œuvre rapide et urgente de ce décret afin de les soulager de leurs souffrances qui durent depuis plus de 15 ans. Ces sommes permettront à de nombreuses victimes de poursuivre leurs soins médicaux, de reconstruire leurs vies et d’être restaurées dans leur dignité », a déclaré Asmaou Diallo, présidente de l’AVIPA.
Les organisations signataires se félicitent de cette avancée significative pour la lutte contre l’impunité des violations graves des droits humains en Guinée et rappellent que l’effectivité de l’engagement du gouvernement guinéen doit se traduire par des mesures administratives et budgétaires concrètes. Les organisations signataires appellent à la publication diligente du texte officiel du décret, qui a été lu à la télévision nationale, afin de garantir toute la transparence nécessaire dans la gestion de la question des réparations. Enfin, les organisations rappellent également que cette décision intervient alors que toutes les parties attendent d’être fixées sur la date d’ouverture du procès en appel ainsi que d’autres procédures en première instance, notamment celle concernant le Ministère public contre Bienvenue Lamah et Ministère public contre Jean Louis Kpoghomou, Georges Olemou et autres.
Les organisations exhortent les autorités guinéennes à donner toute sa portée à ce procès emblématique, en tirant les leçons en faveur de la justice et de l’État de droit. A ce titre, le contexte répressif actuel, marqué par la restriction de l’espace civique et démocratique et l’absence de dialogue politique est particulièrement préoccupant. Les multiples atteintes aux libertés fondamentales, les cas d’arrestations, de détentions arbitraires et de disparitions forcées, ainsi que les attaques contre les membres de l’opposition politique recensés ces derniers mois nourrissent le cycle de l’impunité pour les crimes commis par les forces de défense et de sécurité.
« Cette décision honore la mémoire des victimes. Le gouvernement guinéen doit maintenant aller au-delà, notamment en mettant en place des mesures de décrispation permettant de rétablir un dialogue politique effectif, en engageant des réformes institutionnelles et structurelles afin de garantir la non répétition des crimes dont ont souffert les victimes et en rétablissant l’État de droit. Les enseignements du procès du 28 septembre 2009 doivent servir à instaurer une société plus juste et respectueuse des droits humains en Guinée ». a déclaré Me Drissa Traoré, secrétaire général de la FIDH.
Fédération internationale pour les droits humains (FIDH)
Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du citoyen (OGDH)
Association des victimes, parents et amis du 28 septembre 2009 (AVIPA)