Au Sénégal, le 24 mars 2024 marquait un tournant historique avec, pour la première fois, la victoire d’un candidat de l’opposition dès le premier tour, instaurant ainsi une troisième alternance démocratique. Véritable plébiscite pour le projet du Pastef, les Sénégalais ont élu Bassirou Diomaye Faye avec 54 % des voix, sur la promesse d’une rupture totale et d’un Sénégal nouveau. Un an plus tard, le pays est-il rentré dans une nouvelle ère ?
Élu sur la promesse de lutter contre la corruption et le détournement des deniers publics, les nouvelles autorités ont rapidement lancé des mesures pour réduire le train de vie de l’État, notamment en allégeant le protocole présidentiel lors des voyages. Il a également lancé une série d’audits, notamment sur les comptes publics.
Pour Moussa Diaw, professeur en sciences politiques à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, cette gouvernance traduit une « rupture » qui « se manifeste par une forme de rigueur dans la transparence dans la gestion des affaires et un exercice de vérité ». Pour exemple : l’audit des finances publiques des cinq dernières années, dont le rapport a été rendu public le mois dernier par la Cour des comptes. Moussa Diaw salue cette volonté à la tête de l’État « de dire la vérité aux Sénégalais et d’être plus proches d’eux dans les pratiques politiques ».
Une dette colossale qui freine les ambitions
Un exercice de vérité douloureux pour le Sénégal, qui révèle des comptes, hérités de l’administration précédente, dans le rouge avec une dette publique abyssale qui s’élève à près de 100 % du PIB. Alors que les analystes financiers posent la question du défaut de paiement, cette situation budgétaire a pris les autorités de court, selon l’enseignant-chercheur en sciences politiques Alassane Ndao qui parle de « choc ».
« Ils avaient misé sur une situation financière beaucoup moins catastrophique », analyse Alassane Ndao, selon qui « le calendrier et la capacité de l’État à financer des réformes structurelles va être bouleversé ». Car la nécessité de revenir à l’équilibre budgétaire va obliger l’exécutif à « faire de nouveaux arbitrages », et à « prendre des mesures de rigueur budgétaire impopulaires » affirme l’enseignant-chercheur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis.
Une population impatiente face aux promesses électorales
Pendant ce temps, les attentes de la population en terme d’emploi, de baisse du coût de la vie sont immenses, car les promesses du parti Pastef ont été nombreuses. L’impatience gagne donc doucement du terrain, avec des menaces de grève dans plusieurs secteurs, des employés de l’administration qui dénoncent une série de licenciements ces dernières semaines et des organisations de la société civile qui redonnent de la voix.
« Ils n’ont plus d’excuses ! », analyse Senghane Senghor, coordonnateur à Dakar de l’ONG de défense des droits humains Raddho. Il exhorte les autorités à adopter des réformes législatives peu coûteuses, notamment dans le secteur de la justice, sachant que le parti au pouvoir à la majorité absolue au Parlement, depuis sa victoire aux législatives anticipées de novembre dernier.
« Avant, ils disaient qu’ils n’avaient pas la majorité. Aujourd’hui, ils ont l’exécutif et le législatif, donc ils peuvent faire passer des lois urgentes », insiste-t-il, citant les articles 55 à 100 du code pénal, qualifiés de « plus répressifs », « qui ont permis d’envoyer des milliers de personnes en prison sous Macky Sall et qu’il faut réviser dans les meilleurs délais » pour éviter que de telles situations ne se reproduisent.
De leur côté, les autorités assurent travailler à un nouvel échéancier des réformes, notamment dans le domaine de la justice. Elles cherchent aussi des solutions pour financer leur programme, notamment auprès du FMI, en visite à Dakar cette semaine.
Par RFI