Les avocats (sans vinaigrette) des victimes et parents de victimes de la tragédie du 1er décembre 2024 au Stade 3-Avril ont soufflé sur la braise ce 21 mars. Le collectif dénonce l’inaction du pro-crieur de la roue-publique près le tribunal de première instance de Nzérékoré, l’accuse de vouloir classer l’affaire sans suite.
La justice guinée-haine a-t-elle décidé de passer le drame de Nzérékoré sous silence ? L’on est tenté de l’affirmer. Du moins si l’on se fie aux déclarations du collectif d’avocats des victimes de la bousculade meurtrière lors du tournoi doté du trophée Mamadi Doumbouya en décembre dernier. En point-presse le vendredi 21 mars, les conseils des familles éplorées ont soutenu que le parquet du TPI de Nzérékoré aurait décidé non seulement de clore l’enquête ouverte à la suite de la tragédie, mais refuserait également de donner suite à la plainte portée, le 10 mars dernier, par 98 victimes pour homicide involontaire, meurtre, coups et blessures volontaires, mise en danger de la personne d’autrui, entrave à la saisine de la justice, trafic d’influence, entre autres.
« Le parquet de Nzérékoré ne veut absolument rien faire relativement à ces évènements. On court dans les couloirs du parquet depuis le 10 mars, on court dans les couloirs du tribunal de Nzérékoré. Le parquet refuse de donner suite à la plainte », déplore maître Paul Lazard Gbilimou.
Possible saisine des juridictions supranationales
A une rencontre avec le collectif, le pro-crieur de la roue-publique près la TPI de Dixinn, Abdoulaye Komah, aurait été on ne peut plus clair : « Il nous a verbalement dit qu’il n’entend poser aucun acte, poursuivre aucune personne. Nous assimilons cela à un classement sans suite. Pourtant, c’est au ministère public de déclencher l’action publique, mais il ne l’a pas fait, il veut rester muet. »
Face au mur Abdoulaye Komah, les avocats (sans vinaigrette) des victimes n’entendent pas courber l’échine. Ils comptent saisir le pro-crieur gênant près la Cour d’appel de Kankan. Espérant que celui-ci réussira à sortir son subordonné de sa léthargie. Mais si la procédure ne prospère pas en Guinée, elle sera portée devant les juridictions supranationales. « Pour l’instant, nous estimons que le procureur général de Kankan pourrait ordonner au parquet de Nzérékoré de déclencher les poursuites…S’il ne se bouge pas, nous allons nous tourner vers la Cour de justice de la CEDEAO ou même la Cour pénale », prévient Me Pépé David Kolié.
Les victimes à l’abandon ?
Au lendemain de la tragédie, le goubernement a annoncé l’ouverture d’une enquête pour déterminer les causes de la bousculade et éventuellement poursuivre les responsables. Il a aussi annoncé la prise en charge complète des frais d’hospitalisation des blessés. Ceux-ci ont été hospitalisés à l’hôpital de l’amitié Sino-guinéenne. Maître Paul Lazare Gbilimou alerte : « Les blessés sont dans un état critique, pitoyable. Ils ont été transférés à Conakry dans les véhicules des officiels qui étaient dans le stade. Aujourd’hui, ils sont abandonnés à eux-mêmes. Ils se sont vus obligés de quitter l’hôpital pour rentrer à Nzérékoré. Aujourd’hui, ils sont à l’indigénat. » Etienne Kolié, évacué au Maroc, aurait été ramené à Cona-cris : « Il est abandonné à l’hôpital de l’amitié Sino-guinéenne. On lui demande de prendre en charge sa nourriture. Quelqu’un qui te dit de payer ta nourriture ne prendra pas en charge ton traitement. Cette annonce n’était que de la poudre de perlimpinpin », ajoute l’avocat, amer.
Le 1er décembre 2024, une bousculade au Stade 3-Avril a fait officiellement 56 morts. Un bilan largement sous-estimé selon des ONG locales qui dénombrent au moins 140 victimes et 11 disparus. Le collectif d’avocats exige un procès contre les organisateurs du tournoi de soutien à Mamadi Doum-bouillant. Ce qui revient à trimballer à la barre autorités locales et ministres qui étaient présents.
Yacine Diallo