Le 23 avril, les débats ont été clos dans le procès en appel de l’opposant Aliou Bah, prési du MODEL (Mouvement Démocratique Libéral), poursuivi pour offense au général Doum-bouillant. Une audience sous bottes surveillance au cours de laquelle le mystère public a requis cinq ans de prison contre le prévenu.

La Cour d’appel de Cona-cris a mis, le 23 avril, l’affaire Aliou Bah en délibéré, pour décision être rendue le 28 mai. Soit un mois et cinq jours, après la faim des plaidoiries des avocats (sans vinaigrette) de la défense et des réquisitions du ministère public. Fallou Doum-bouillant a requis cinq ans de prison à l’encontre du prévenu. Soit plus du double de la peine – deux ans – dont ce dernier a écopé en première instance. Aliou Bah ne mérite pas « de circonstances atténuantes. En sortant de la salle d’audience, je le vois toujours faire ça [il brandit la main droite, le poing fermé], comme pour dire qu’il a fait exprès », s’offusque le robin.

Ce dernier s’est adossé sur une disposition de la Constitution de 2010 qui protège le président de la République contre les offenses. Un texte doublement enterré : la Constitution du troisième mandat d’Alpha Grimpeur de mars 2020, dissoute à son tour par le putsch de septembre 2021 et remplacée par la Charte de la transition. « Le parquet a voulu appliquer la peine la plus lourde, analyse Me Galissa Hady Diallo, avocat d’Aliou Bah. Le Code pénal punit l’offense jusqu’à trois ans. Une loi plus sévère a été votée en 2015 […] qui prévoit jusqu’à cinq ans de prison pour la même infraction, mais elle a été abrogée. Il aurait été mieux inspiré d’invoquer le Code pénal, or non seulement il n’arrive pas à démontrer le caractère sérieux des faits, mais il [s’appuie sur] une loi abrogée. Ce n’est pas honorable pour la justice guinéenne. »

Crime de lèse-majesté

Le boss du Model (Mouvement démocratique libéral) paie pour ses critiques contre la conduite de la transition, faites à l’occasion des assemblées générales de son parti. Des vidéos de ses interventions ont été projetées à l’audience du 22 avril par le mystère public, en guise de pièces à conviction. Aliou Bah y dénonce le silence des autorités religieuses, toutes confessions confondues, face à la recrudescence des kidnappings d’acteurs de la société civile.

Il rappelle aussi l’engagement réitéré du prési de la transition de ne pas être candidat à la prochaine élection pestilentielle. Il dénonce la corruption et l’enrichissement illicite, pointant du doigt les « pauvres qui deviennent subitement milliardaires. » « Ce sont nos impôts et taxes qui paient armes, munitions, gaz lacrymogènes et uniformes », renchérit Aliou Bah, avant de marteler qu’il n’entend pas s’exiler. « Est-ce que le fait de partir, de se taire a changé la Guinée ? Si vous partez, quelqu’un de moins compétent que vous prendra votre place. L’exil n’est pas la solution. Il faut affronter les problèmes. »

Fallou Doum-bouillant de demander au prévenu qui est le responsable des disparitions. « J’attends de le savoir », rétorque ce dernier. « Vous dites imputer les kidnappings aux dirigeants. N’est-ce pas une contradiction ? » revient à la charge le Pro-crieur général. Aliou Bah s’explque : « Ils sont les garants de la sécurité nationale. Les témoignages font état d’implication d’hommes en tenue. Ce que les dirigeants n’ont jamais démenti, preuve à l’appui. »

Une justice aux ordres ?

Me Gilbert Camara, un autre avocat (sans vinaigrette) de la défense, jure sur tous les saints que le ministère public a relevé appel sur injonctions des laveurs de chat qui gravitent autour de la Présidence. Que son client dénonce le silence des hommes de Dieu face à la recrudescence des kidnappings relève d’un discours politique. Aliou Bah n’aurait joué que son rôle d’opposant.

Dans sa plaidoirie, Me Mohamed Traoré a rendu hommage aux disparus : Oumar Sylla alias Foniké Menguè, Billo Bah, Habib Marouane Camara, Saadou Nimaga…sans oublier Ousmane Gnelloye (militant d’Alpha Grimpeur) dont on est sans nouvelles depuis des mois. « Je souhaite qu’ils [les disparus] n’aient pas le même sort que Célestin Bilivogui et Sadiba Koulibaly. » Les deux derniers ont été retrouvés morts.

L’avocat jure que Aliou Bah est coupable de l’amour qu’il éprouve pour son pays, de son refus d’opter pour la facilité. Aliou Bah s’est appuyé sur des témoignages des familles des disparus pour interpeller les autorités. « Dans un État de droit, même les terroristes sont protégés. Mais quels sont les actes posés pour retrouver les disparus ? Même si ces gens-là étaient des criminels, ils doivent être recherchés pour être arrêtés et jugés conformément à la loi », insiste Me Mohamed Traoré. Ce dernier plaide la libération de « l’honnête citoyen » Aliou Bah, « qui ne fait que son travail de sensibilisation et d’éducation des Guinéens. […] Madame la présidente, Messieurs les conseillers, ne tuez pas l’espoir, la liberté d’expression, la liberté d’opinion. Libérez Aliou Bah ! »

La colère des avocats

Les avocats ont piqué une colère noire lorsque la juge a décidé de renvoyer le délibéré au 28 mai. Me Halimatou Camara ne décolère pas : « Le fait de mettre cette affaire en délibéré le 28 mai est une persécution judiciaire. Cela prouve que l’appareil judiciaire est manipulé, que les magistrats ne sont pas au service du droit, de la légalité. Sinon, nous savons tous que tout individu poursuivi selon les règles prévues par la loi a le droit de connaitre son sort. Nous n’avons pas d’espoir dans ces conditions que notre client recouvre sa liberté ».

Sa consœur, Me Houleymatou Bah, qualifie le renvoi du délibéré à un mois de « décision inique. » L’avocate enfonce le clou : « Les juges sont devenus des avocats des individus pour trimballer, ôter la dignité à des honnêtes citoyens. Le ministère public n’a rien produit de potable, ses réquisitions sont vides de sens, sans base légale. Dans quelle Guinée vivons-nous ? Quel pays voulons-nous léguer à notre progéniture ? » Réponse, le 28 mai.

Ibn Adama et

Diawo Labboyah