A l’audience du 9 avril, dans le procès en appel de l’opposant Aliou Bah, le pro-crieur général près la Cour d’appel de Cona-crime s’est vu refuser le huis clos par la juge Fatou Bangoura. Une semaine après, la salle d’audience était pleine à craquer d’inconnus, mais vide de militants et sympathisants du prévenu, de diplomates observateurs et d’indiscrets journaleux.
Comment faire du huis clos la salle pleine ? Il faut la bourrer à l’aube avec un public sélectif, puis fermer la porte à double tour. Dehors : militants et sympathisants du prévenu, témoins (journaleux et diplomates observateurs) font le pied de grue. La manière la plus simple d’affaiblir l’adversaire et gagner un procès, sans se casser la tête. Le 9 avril, la Cour rejetait la demande de médiatisation du procès Aliou Bah, soumise par les avocats (sans vinaigrette) de la défense. Écartée aussi, celle du ministère public qui requiert le huis clos. Excès de trans-carence oblige. La poire est ainsi coupée en deux, croit-on. Naïvement. Exit micros, caméras, appareils photos… yeux et oreilles indiscrets aussi ?
A l’audience suivante du 16 avril, un cordon sécuritaire mixte (flics-pandores) bloque l’accès à la juridiction. Le leader du Model (Mouvement démocratique libéral) a été arrêté le 26 décembre à la frontière avec la Sierra Leone. Le 7 janvier, il a été condamné à deux ans de prison ferme pour « offense et diffamation » contre Mamadi Doum-bouillant. On venait ainsi de fermer la bouche et d’écarter de la course au pouvoir l’un des rares opposants qui osaient encore critiquer le régime de transition en étant au bled. Les autres ayant pris le chemin de l’exil, de la prison ou disparu tout bonnement.
La phobie des foules ?
Aussi bien en première instance qu’en appel, le procès d’Aliou Bah n’a cessé de drainer des foules au point d’être délocalisé dans la salle, plus grande, qui avait abrité le jugement des événements du 28 septembre 2009. Outre militants et sympathisants, on a noté la présence du célèbre écrivain et chroniqueur du Félin Tierno Monénembo, des membres des chancelleries occidentales…De quoi requérir un huis clos ? Ce 16 avril, Monénembo était absent. Mais les représentants des ambassades des Etats-Unis, de France, Allemagne…ont répondu présent. Ils ont multiplié les coups de fil pour retrouver leurs places habituelles à l’audience. Sans succès.
Celles-ci étaient déjà occupées par des postérieurs plus autorisés, spécialement déplacés pour rééquilibrer les débats et permettre de requérir en toute sérénité ? « Nous avons trouvé la salle remplie de personnes bizarres. Nous ignorons si elles sont armées ou non. Il n’y aura pas de procès. Les avocats sont rentrés et nous vous prions de faire de même, sans créer de pagaille », a lancé l’oncle d’Aliou Bah à la foule.
Face à la nouvelle donne, les avocats (sans vinaigrette) de l’opposant claquent la porte. « J’ai demandé aux jeunes qui étaient dans la salle s’ils représentaient un cabinet d’avocats. Ils m’ont répondu, “C’est quoi un cabinet d’avocats ?” Ils n’ont pas été fouillés. On a estimé que cette situation était dangereuse pour la sécurité des avocats et pour celle de notre client, parce qu’on ignore s’ils sont armés et le motif de leur présence. L’objectif était de remplir la salle et de dire qu’il n’y a plus de place. […] Dès lors que l’audience est publique, on ne peut pas interdire aux proches de notre client d’y entrer », enrage Me Galissa Hady Diallo de la défense.
Payés pour jouer les figurants
Tout en admettant des infiltrés non fouillés à l’audience, Fallou Doum-bouillant s’est montré intraitable envers la défense et la presse. A ses yeux, ne pas médiatiser le procès équivaut à interdire «l’introduction de tout appareil permettant de fixer, de transmettre, de diffuser des images ou des paroles. Cette mesure s’appuie sur l’article 399 du code de procédure pénale. Il n’y a rien d’illégal et rassurez-vous, tous les droits de Monsieur Aliou Bah seront respectés.» Une interprétation erronée de la décision avant-dire droit de la Cour et de la loi. «L’article 399 alinéa 1er du code de procédure pénale interdit uniquement l’usage d’appareils [téléphones, dictaphones, appareils photo, ordinateurs, etc.] à des fins d’enregistrement, de captation ou de transmission de la parole ou de l’image pendant l’audience», dément Me Almamy Samory Traoré. «La simple possession ou l’introduction physique de ces appareils dans la salle d’audience n’est pas interdite par le texte», ajoute cet autre avocat de la défense.
Jeunes désœuvrés de Kaloum ? élèves gendarmes ? Il se raconte de tas de choses sur le profil des infiltrés. Et quelqu’un aurait mis la main à la poche pour les déplacer matin bonheur. Certains parmi eux se laissaient aller dans les bras de morphée, ou avaient la tête coiffée de chapeau ou casquette dans la salle d’audience. La preuve qu’ils étaient en terrain inconnu. A leur sortie, des indiscrets les auraient surpris en train d’émarger. Rétribués pour avoir joué les figurants ? Fallou Doum-bouillant jure, la main sur le palpitant, ne les connaître ni d’Adam ni d’Eve. «L’accès à la salle d’audience est public, se défend-il. C’est vrai que nous avons pour mission de veiller à la sécurité dans l’enceinte du palais de justice, mais si une personne vient à l’audience, sans présenter un caractère menaçant, nous n’avons pas le droit de nous y opposer.» Que celui qui n’pas eu accès au procès en tire sa conclusion.
Diawo Labboyah