Un tribunal d’Abidjan vient d’ordonner la radiation de Tidjane Thiam, le candidat du principal parti de l’opposition, le PDCI-RDA. La raison ? Thiam s’est pourvu d’une autre nationalité en 1987. Ce que n’apprécie pas l’article 48 de la Constitution même si l’intéressé a renoncé à la seconde nationalité pour ne demeurer qu’Ivoirien. Une frénésie de radiations semble s’être saisie de la justice ivoirienne en cette période électorale. Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, Blé Goudé et maintenant Tidjane Thiam, quatre poids lourds de la politique, passent à la trappe pour diverses raisons. On observe simplement que nos voisins Y-voient-rien sont devenus aussi aveugles qu’amnésiques.
Ecarter de la présidentielle des acteurs aussi majeurs que les sus-visés, dans un pays qui a connu, dans un passé récent, un sanglant conflit post-électoral, c’est s’avancer dangereusement dans le gouffre. Encore aurait-il fallu, à la justice, trouver des argumentaires béton et non de simples arguties juridiques, parfois bien ubuesques. Tenez ! Qui peut sérieusement croire que Gbagbo Laurent, à l’époque des faits, Président de la Côte d’Ivoire, ait braqué la succursale de la BCEAO à Abidjan ? Ceux qui ont véritablement braqué des banques à Bouaké pour financer leurs activités, ce sont les rebelles qui écumaient le nord du pays et qui, pourtant, n’ont été jugés ni par les tribunaux nationaux ni par la CPI. ADO ne veut-il pas simplement savonner la planche à ses adversaires les plus redoutables ? Ça a tout l’air !
Le stratagème a de forts relents de l’Ivoirité dont ADO soi-même a souffert et qui a couvert Henri Konan Bédié d’opprobre. Qui ne se souvient du scandale de l’Ivoirité et des contorsions et autres jérémiades qu’il a soulevées dans une partie de la population. Tout le nord ivoirien islamo-dioula était vent debout. L’ivoirité n’était pas pire que le cocktail composé de la politique de rattrapage et de radiation d’opposant de premier ordre de la liste électorale. Les deux démarches sont clivantes, exclusives. Autant l’Ivoirité stigmatise les non Ivoiriens, autant la radiation de la liste électorale exclut du jeu politique les hommes et les femmes n’appartenant pas à la majorité présidentielle.
Dans les deux cas de figure, l’objectif poursuivi est de se débarrasser de ses adversaires par la ruse, la félonie, les petits calculs mesquins mais efficaces, savamment dissimulés dans une rhétorique et une logique juridique. De toute évidence, loin d’être un facteur porteur de paix et de cohésion sociale, cet objectif est plutôt une menace à l’unité nationale et à la fraternité et donc, un frein au développement socioéconomique du pays.
Le PDCI-RDA a invité ses responsables et ses militants à se soulever contre la décision qu’il considère inique et infondée. Ses députés ont annoncé les couleurs en boudant la session parlementaire du 22 avril. Et ce n’est pas fini.
Le 24 avril, ses militants étaient invités à manifester devant les tribunaux d’Abidjan qui doivent, encore une fois, juger Tidjane Thiam pour avoir été illégalement élu prési du parti. Vivement les troubles, le désordre dans la naguère « paisible et verdoyante Côte d’Ivoire » de Nana Houphouët. Tout cela est de mauvais augure pour le scrutin du mois d’octobre prochain. Il incombe à la justice de créer et de maintenir un environnement social apaisé, non de susciter des conflits mortifères.
Abraham Kayoko Doré