« Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup. » Le débat sur la recevabilité d’une candidature ne se tranche pas dans la rue : les critères d’éligibilité, définis par les textes et lois propres à chaque pays, encadrent strictement ce processus.
Quant à la question de la légitimité, sous toutes ses coutures, que l’on voudrait tourner en dérision et qui tourmente de nombreux esprits, elle ne peut être abordée en dehors des urnes, dans l’équité et la transparence requises. Sinon, même en organisant des élections à marche forcée pour s’assurer une honorabilité ou entrer dans le cercle restreint des dirigeants adoubés par leur peuple, on ne saurait se considérer comme légitimement fréquentable.
L’élection, sésame démocratique, ouvre bien des portes, comme elle pourrait être la source de tous les dangers, selon qu’elle soit démocratique ou simplement un bluff. Elle demeure l’unique voie en démocratie pour diriger un pays, car seule elle confère légitimité et autorité.
Aucun discours n’égale le poids d’un bulletin glissé dans l’urne ; la force brute ne rivalisera jamais avec la souveraineté des électeurs. Inutile, dès lors, de s’épuiser en plaidoyers intéressés pour des causes probablement perdues. On peut comprendre que chacun prêche pour sa chapelle et tire la couverture sur soi. Mais ce n’est pas une excuse pour transgresser les valeurs communes ou briser des tabous. Vouloir se substituer à la loi pour décider qui doit être candidat, parler à la place du peuple ou désigner d’avance un président, c’est oublier que nul n’incarne à lui seul le pays. Tôt ou tard, chacun réalisera que ses vœux ne coïncident pas nécessairement avec l’expression populaire.
D’ici là, gardons la foi qui permet de tout supporter, la sérénité de ceux que l’expérience a instruits, éclairés par la lucidité et l’humilité. La patience reste un baume au cœur.
Les raisons avancées pour justifier un coup d’État sont légion, tout comme les promesses. La légitimité viendra – ou non – du respect de la souveraineté populaire et du contrat passé avec les populations.
À défaut, autant renoncer aux simulacres et assumer l’exercice forcé du pouvoir – illégitime et illégal –, jusqu’à ce que Dieu et le peuple y mettent un terme.
Il est affligeant de voir des individus renier leurs convictions, perdre leur âme dans des choix contraires à l’éthique républicaine.
Depuis l’indépendance, chaque changement de régime après la disparition d’un président ou un coup de force (comme avec le professeur Alpha Condé) a engendré des transitions tumultueuses. Les soutiens, collaborateurs, familles et proches des dignitaires disgraciés sont persécutés, humiliés, emprisonnés, exilés, voire tués. Entre lynchage public et mise à mort méthodique, l’après-pouvoir en Guinée est un purgatoire fait d’errance et de souffrances. Nul ne doit s’étonner si ceux qui dirigent aujourd’hui rendent des comptes demain, ou souffrent à leur tour le martyre du fait de leurs successeurs. Si cela advient, personne d’entre eux ne devrait alors pleurer sur son sort ou crier à la chasse aux sorcières. Les excessifs, méprisants et arrogants ne peuvent attendre qu’un retour de bâton ou la vengeance froide de l’Histoire sous le regard approbateur des dieux. Ceux qui jetaient la pierre hier, en clamant leur amour de la patrie et de l’éthique, auront plus de mal que d’autres à relever la tête s’ils trahissent les principes qu’ils prétendaient défendre.
La plupart des donneurs de leçons d’hier, gardiens autoproclamés de la morale, sont devenus de serviles agents du pouvoir. Qu’ont-ils fait de mieux que leurs prédécesseurs ? Tous ont jeté le masque, révélant leur vrai visage. Peuvent-ils encore avoir voix au chapitre, regarder leurs concitoyens en face, surtout prétendre incarner l’espoir d’un pays qu’ils sacrifient à leur ambition ?
Le temps est l’autre nom de Dieu.
Tibou Kamara