Dans un entretien exclusif accordé mardi 15 avril 2025 à notre rédaction, Lazare Mamadi Bauret, le procureur du Tribunal de première instance de Coyah, est revenu sur la montée inquiétante de la criminalité dans sa juridiction. Il lève un coin du voile sur l’ampleur du trafic de drogue, évoque les efforts des forces de sécurité, la lutte contre impunité, entre autres.
Le procureur a dressé un constat préoccupant : « La criminalité à Coyah connaît une recrudescence, surtout à l’approche des grandes fêtes. Ce sont des périodes propices où la délinquance, souvent motivée par des besoins économiques, se manifeste avec plus d’intensité. » a-t-il déclaré. Selon lui, le phénomène commence « fréquemment par des vols simples qui finissent parfois par dégénérer en actes plus graves, mettant en péril la sécurité des citoyens ».
Menace grandissante due à une frontière poreuse
Selon Mamadi Bauret, la montée du banditisme à Coyah est due la position géographique de la préfecture. « Située à proximité de la Sierra Leone, la ville est exposée à une circulation facile de drogue, notamment le chanvre indien. Cette situation s’explique par la porosité des frontières, permettant aux trafiquants d’agir avec une certaine aisance. Les quartiers périphériques, souvent dépourvus de commissariats ou de brigades de gendarmerie, deviennent des zones de repli pour les délinquants », précise-t-il.
Implication des services de sécurité
Selon notre interlocuteur, les agents de maintien jouent leur rôle dans la lutte contre la montée du banditisme à Coyah. Il en a pour preuve, un fait récent. « Un véhicule 4×4 immatriculé IT, impliqué dans un accident à Manéah, a été abandonné par ses occupants. À l’intérieur, les forces de l’ordre ont découvert une quantité importante de chanvre indien. L’absence de documents dans le véhicule rend l’enquête complexe, mais nous espérons pouvoir identifier les responsables à partir de la plaque, si elle n’est pas falsifiée », a précisé le procureur.

Selon lui, en 2024, 32 dossiers liés au trafic de chanvre indien ont été traités par le parquet, avec environ 400 kg de drogue saisis. « Ces chiffres ne sont pas anodins. Ils montrent que nous faisons face à un fléau. Mais les forces de sécurité ne relâchent pas la pression », a-t-il affirmé. Il souligne l’existence de 117 débarcadères dans la région, compliquant la lutte contre le trafic, car selon lui, les trafiquants ont changé de stratégie. Ils préfèrent maintenant passer par la voie fluviale, surtout la nuit. Pour faire face à la situation, Mamadi Bauret a rassuré que des descentes inopinées sont régulièrement organisées. « En collaboration avec la police, la gendarmerie, les brigades de recherche et les CMIS, nous procédons à des opérations dans les fumoirs et les repères de malfaiteurs identifiés », a-t-il indiqué.
Justice critiquée
Conscient des critiques liées à la lenteur des procédures judiciaires, Lazare Mamadi Bauret tient à clarifier : « Ce n’est pas de la négligence. Ce sont les délais légaux qui dictent le rythme de l’instruction. En matière correctionnelle, les juges d’instruction ont jusqu’à huit mois pour mener leurs enquêtes. Pour les crimes graves, comme les homicides, le délai peut s’étendre à un an. Cette durée permet de réunir les preuves nécessaires, identifier les co-auteurs et les complices et assurer un procès équitable », a-t-il souligné.
Lutte contre l’impunité
Enfin, Lazare Mamadi Bauret n’a pas manqué d’insister sur le rôle primordial de la justice. «Tous les dossiers transmis à notre parquet sont suivis, aucun n’est mis de côté. Nous sommes engagés dans une lutte rigoureuse contre l’impunité. L’objectif n’est pas de faire du chiffre, mais de rendre une justice juste et conforme aux lois de la République. Une justice précipitée n’est pas une bonne justice, elle doit être crédible, solide et respectueuse des droits de chacun », conclut-il.
Mariama Dalanda Bah