Cette année 2025 semble s’annoncer comme une saison blanche pour le football national. En dehors de notre équipe nationale locale, qui s’est qualifiée pour les phases finales du CHAN ; offrant ainsi une raie de lumière au sombre tableau du sport roi en Guinée. Sur cette série de contreperformances, un expert donne son point de vue.

Les auteurs sont très nombreux et variables, les uns repoussent la faute sur les autres ; cependant le football est en train de sombrer au jour le jour. Malgré de gros efforts de la part de l’Etat, du département en charge des sports, de la Fédération guinéenne de football, des présidents des clubs, les mécénats et sponsors, la lumière est toujours loin d’être aperçue au bout du tunnel.

Cette situation confuse qui règne depuis plus de 3 trois décennies interpelle tous à une réflexion en vue d’une solution heureuse pour tous les amateurs du cuir rond.

En ma qualité de pédagogue chercheur, entraîneur de football, j’ai l’intime conviction que le déclic de la chute du football a commencé en 1960, lorsque le pays a fermé la porte de l’Ecole nationale de l’éducation physique et de sport (ENEPS), où on formait les Maitres d’EPS, puis en 1976 quand l’Education physique et sportive fut éliminée dans le programme des cours dispensés dans les établissements scolaires.

Ces actions sont, selon moi, les causes indéniables du recul des performances footballistiques en Guinée. Nonobstant toutes les réformes initiées par le département des sports à savoir :

Septembre 1992 : Etat généraux sur le sport,

Avril 1994 : Conseil national extraordinaire du sport ;

Mai 1998 : Conseil national des sports ;

Novembre 2000 : Journée nationale de réflexion sur la politique de la jeunesse et le sport ;

Juin 2014 : Atelier national de planification des actions prioritaires 2014-2015 et validation des contrats d’objectifs avec les fédérations sportives nationales.

Mai 2021 : Journées nationales de réflexion sur le sport à Kindia.

A l’actif de la Fédération guinéenne de football, il y a l’implantation du Championnat intégral, la Création de la Ligue professionnelle de football, la mobilisation des recettes financières, etc. Tous ces efforts sont restés insuffisants à atteindre les objectifs fixés.

Après l’analyse comparative documentaire des pays ayant des grandes expériences en la matière, l’on constate avec regret, que les réformes n’ont pas donné les résultats escomptés. Par le fait que la méthodologie classique n’a pas été respectée, c’est-à-dire ailleurs dans ces pays-là, la formation des formateurs à la base comme les maîtres d’EPS, entraîneurs de formation, animateurs, détecteurs ou agents des jeunes joueurs, entraîneurs de haut niveau, arbitres, médecins sportifs, masseurs kinésithérapeutes et journalistes ont été préalablement formés, pour mieux encadrer et entretenir à tous les niveaux les pratiquants du football avant d’engager les réformes. Il est aisé de constater que toutes ces tentatives sont vouées à l’échec, car les résultats obtenus des concertations n’ont pas été exploitées et valorisés par les administrateurs du sport.

 A l’avènement du libéralisme en 1984 sous la deuxième République, l’Etat, de manière inefficace et irresponsable, s’est désengagé, en grande partie de la gestion des affaires sportives nationales, laissant l’initiative au secteur privé et société civile naissants.

La Guinée compte actuellement environ 12 000 000 d’habitants, dont 4 000 000 sont considérés comme jeunes. Combien de jeunes peuvent-ils pratiquer le football ? Combien de formateurs, animateurs, détecteurs, entraîneurs, arbitres, médecins et de journalistes pour entretenir et encadrer ces jeunes ? Combien d’établissements scolaires publics et privés disposent des équipements et infrastructures footballistiques ? Combien de footballeurs (minime, cadet, junior), dans les Etablissements scolaires ? Quels sont les établissements scolaires régionaux, préfectoraux, sous-préfectoraux qui ont un grand rendement dans la production des jeunes talents footballeurs (perspectif) en vue de mieux orienter l’investissement local de la fédération ?

Voilà tant de questions auxquelles devrait trouver des réponses la Direction technique nationale pour mieux orienter la politique fédérale du développement du Football des jeunes, et faire du département de football des jeunes la cheville ouvrière de la fédération, à même de se doter des réserves de joueurs toutes catégories.

Voilà pourquoi la signature d’une convention de partenariat avec le MENA (Ministère de l’éducation et de l’alphabétisation) est plus qu’une obligation. 

Nous pouvons affirmer que le recul du football guinéen a plusieurs origines, mais la cause fondamentale est et demeure le divorce entre ces deux grands départements en charge de l’Education nationale, creuset de la formation de la personnalité, et celui chargé spécifiquement de la formation des jeunes footballeurs.

Bref, le recul du football n’est pas seulement un problème de ministre des Sports, car de Koumba Diakité 2001 à Bantama Sow 2020 on a eu 14 Ministres, non plus un problème d’entraîneur, (de Muntyan en 1998 à Didier Six 2020 on a eu 14 entraîneurs), pas non plus un problème de Président de la Fédération, car de Baba Sakho 2004 à Antonio Souaré 2020, on a eu 4 présidents de la Fédération guinéenne de football, un record, mais non les résultats sportifs.

En somme, le recul du football est dû à un problème éducationnel et culturel.

De 1980 à nos jours, aucune performance sportive footballistique ne peut être justifiée ou expliquée par l’application d’une politique départementale, ou fédérale. Pourtant au niveau de la Fédération guinéenne de football, il y a eu des projets comme (Goal, Grass foot FORWARD) et d’autres qui viennent et passent sans effet. Ailleurs ces projets ont formé plusieurs jeunes footballeurs. Alors que les plans d’action sont élaborés, financés et exécutés avec des gros moyens financiers sans suite.

Il faut rappeler que la performance sportive n’est pas un don de la nature, ni magique, mais est hautement scientifique, elle dépend de la formation, du niveau des formateurs, du contenu des programmes de formation et facteurs connexes tels équipement et infrastructures, etc.

Bref, le recul du football guinéen est un réel problème structurel et éducationnel. Le football n’est pas solidement implanté dans notre système éducatif, ni dans notre société guinéenne comme facteur d’éducation, mais aussi et surtout il n’est pas un élément important des priorités de nos dirigeants politiques actuels. Dans un passé récent, les gouverneurs, préfets, sous-préfets recevaient des messages très clairs dans leur feuille de route de la part des autorités politiques.

Soucieux d’honorer les engagements et de remplir pleinement la mission sectorielle confiée à la nouvelle équipe dirigeante de la Fédération guinéenne de football, je préconise l’organisation d’une journée de réflexion sur les causes du recul des performances du football de 1977 à nos jours.

Cette journée qui devrait regrouper tous les acteurs et amateurs du cuir-rond autour d’une table, pour élaborer un programme consensuel sous l’autorité du président du bureau exécutif de la Fédération guinéenne de football et sa Direction technique nationale. Une telle démarche pourrait sortir le football guinéen de l’ornière.

Donzo Diarra

Directeur National Sport Scolaire

Diplômé de l’université d’Etat d’Education Physique et Sportive

Détenteur d’un Doctorat PH-D en Sciences d’Éducation Physique et Sportive

Kiev-Ukraine