Wallahi, mes amis, la vie en Guinée, c’est comme un film de Fellini tourné par un aveugle : on ne comprend rien, mais on rit quand même. Un jour, t’es là, le ventre rond comme un ballon de foot, le frigo qui ronronne comme un gros chat. Tu te dis : « Ça y est, j’ai réussi ma vie, je suis un homme, un vrai, pas un rat d’église qui attend les miettes des pasteurs! » Et le lendemain… ah, le lendemain, tu te retrouves déglingué comme une vieille mobylette sans essence, à écumer les poubelles des quartiers, s’il en reste ! Parce qu’au temps de Fory Coco, lui au moins, on mangeait bien, et on donnait les restes aux chiens. Aujourd’hui, les chiens et leurs maîtres sont tous maigres. Les poubelles sont vides, mes amis, vides comme les promesses électorales !

C’est ça, la vie. Un jour tu cires des bottes, le lendemain t’es président de la République. Et nous, on applaudit, on chante, on danse, on agite nos mouchoirs, comme si c’était le bal masqué du siècle. On ne sait même plus pourquoi on applaudit, mais c’est pas grave, c’est le spectacle ! Et notre Premier ministre, ah, lui ! Avant, il mangeait dans les gargotes, dans la poussière et les rires. Aujourd’hui, il peut organiser des festins pantagruéliques qui feraient passer le mariage de Bacchus pour un pique-nique. Il s’en fout, il a raison ! Dieu nous jugera pour nos actes posés, pas pour nos occasions manquées. Et lui, les occasions, il ne les rate pas ! À fakoudou !

Mais laissez-moi vous raconter l’histoire de Dame Aïssatou. Deuxième épouse de notre confrère Marouane Camara, elle a accouché du côté de Fossidet. Sans bruit, sans tambour ni trompette. Le baptême, une affaire discrète, loin des caméras et des mondanités. Quelques jours plus tard, la voilà contrainte de quitter sa maison, plus de quoi payer le loyer, retour à la case départ, chez sa maman à Cosa. Le comble de l’histoire ? Elle ne sait pas ce qu’il est advenu de son mari, Marouane, porté disparu comme tant d’autres. Et lui, le pauvre, il ne sait même pas qu’il a de magnifiques nouveau-nés qui l’attendent sous son toit ! Dame Aïssatou, elle, accepte son destin avec une dignité qui me fait hérisser les poils. Alléluia ! Le destin, c’est comme le taxi à Conakry : tu ne sais jamais qui va s’asseoir sur toi.

Pendant ce temps, le monde, lui, tourne à l’envers. Guerre en Ukraine, guerre civile au Soudan, nettoyage ethnique dans les pays de l’AES, génocide en Palestine… On ne peut pas dire que le monde va pour le mieux. Mais nous, on s’inquiète du frigo qui ronronne 24h/24 sans rien dedans, des coupures de courant qui nous font voir des vents de sable à la télé, et de cette jeunesse qui préfère noyer son désespoir dans la bière frelatée et le chanvre indien. La génération des motels, ils appellent ça. Plus de motels que d’écoles en ville, wallahi ! C’est logique, pourquoi apprendre quand on peut « faire travailler les autres » ?

Les scandales financiers, ils se multiplient, toujours plus cocasses, plus audacieux. On se demande si les voleurs de la République n’ont pas un concours du « plus grand détournement de l’année ». La CRIEF, notre cour de répression des infractions économiques et financières, elle est fatiguée, épuisée. Elle n’a plus de geôles à louer, on dirait que même les prisons sont corrompues ! L’ancien président, Fory Coco (paix à son âme), disait que s’il fallait tuer tous les Guinéens corrompus, il ne resterait que les nouveau-nés. Aujourd’hui, Mamadi Doumbouya, le très gradé, doit comprendre qu’on ne peut pas éduquer un peuple corrompu avec des lois. C’est comme essayer de vider la mer avec une cuillère ! Hé Kéla !

Alors, on propose quoi ? Qu’il sorte l’argent, qu’il nous donne, et on va lire le Coran, la Bible, les psaumes de David, les écrits bouddhistes, et tout ce qui reste de sacré sur cette foutue planète, pour que cessent ces détournements. Parce qu’apparemment, les textes de lois ne suffisent pas pour décourager les voleurs de la République. On dénonce le vol, mais on applaudit le voleur. C’est ça la Guinée, mes amis. Une terre de paradoxes, où l’absurdité est une religion et la dérision, notre seule survie. À fakoudou !

Sambégou Diallo

Billet

L’économie de la soif

Je l’avoue, parfois, l’idée de la sobriété me chatouille. Un frisson froid, une pensée fugace… Et puis, la réalité me gifle : Le barman ! Ce héros de l’ombre, ce pilier de notre société, qui jongle avec les bouteilles pour nourrir sa progéniture. Et si je le lâchais ? Si je trahissais la chaîne sacrée de l’approvisionnement en mousse et en spiritueux ? Mon âme de bon citoyen se révolte. Ma conscience me crie : « Bois pour eux ! Bois pour le pays ! ». Alors je sers les dents, je sers les coudes… et je me sers un autre verre. Pour la patrie, wallahi !

Billet

Le marabout, un philosophe du quotidien

Wallahi, en Guinée, quand les problèmes s’accumulent comme les ordures au marché, le chemin mène souvent au même endroit : chez le marabout. Pas l’homme de Dieu avec son chapelet, non. Je parle du stratège, du psychologue de rue, celui qui te lit l’avenir dans le fond de ton porte-monnaie en le vidant. Hé Kéla !

SD