Après trois jours d’échanges intenses, le Forum sur l’avenir de la presse a pris fin mercredi 21 mai à Conakry. Organisé par la Haute Autorité de la Communication (HAC), l’événement a réuni des professionnels des médias, des juristes, des acteurs sociaux ainsi que des dirigeants d’institutions de régulation des médias venus du Maroc, du Mali, du Sénégal et de la Côte d’Ivoire.
A la fin des activités, les participants ont formulé des recommandations touchant aussi bien les médias eux-mêmes que les autorités de régulation et les pouvoirs publics. Ce sont, entre autres : « Le respect strict de l’éthique et de la déontologie journalistique, la couverture responsable des sujets sécuritaires et de tension, l’obtention obligatoire de la carte nationale de presse, la garantie du pluralisme et de l’accès équitable aux médias publics, le renforcement des capacités sur les questions de sécurité et de défense, la création d’un cadre de concertation entre médias et forces de sécurité, la régulation inclusive des nouveaux médias et plateformes numériques, la réforme des textes législatifs pour mieux protéger la liberté de la presse, l’extension du champ de compétence de la HAC aux plateformes numériques, la création d’un fonds d’aide dédié à la presse privée, l’institutionnalisation d’une autorégulation par la mise en place d’un organe indépendant, la mise en place d’une convention collective… »
Du journaliste Habib Marouane Camara
Évoquant le cas du journaliste Habib Marouane Camara, enlevé et conduit à une destination jusque-là inconnue depuis le 3 décembre dernier, les participants invitent « l’État à prendre toute mesure nécessaire, afin de poursuivre les enquêtes pour [le] retrouver. » Boubacar Yacine Diallo, président de la HAC, a ajouté : « Comme vous l’avez dit, nous aussi nous encourageons la justice à poursuivre ses efforts dans l’enquête et nous espérons qu’on le retrouvera et qu’il rejoindra sa famille. »
Dans un ton d’alerte, Boubacar Yacine Diallo, président de la HAC, a mis l’accent sur la situation du secteur. Aux icônes de la presse ayant participé et contribué au Forum malgré leur âge avancé, il les a invité à ne pas « laisser la presse aller à la dérive. Je vous confie la presse, faites-en ce qui se doit. Je vous confie les jeunes. » Ajoutant qu’il est «fier de savoir que la relève est assurée. Il y a beaucoup de jeunes talentueux qui n’ont pas de ressources, parfois, qui n’ont pas de choix, ils subissent. La convention collective devra régler cette question. Les entreprises de presse devront se constituer. Elles doivent être capables au moins de payer le salaire des journalistes. Ne faites pas des journalistes des mendiants, des exposés, et parfois, malgré eux, qui versent dans la corruption », s’est-il adressé aux patrons des médias.

De la carte professionnelle de presse
L’intervention du président de la HAC était aussi axée sur la carte professionnelle de presse. Selon lui, une réforme majeure est en cours de réalisation. « À partir du 1er juillet 2025, nous saisirons les autorités militaires, sécuritaires, les organisateurs de manifestations, pour leur dire de ne recevoir que ceux qui détiennent la carte de journaliste professionnel. Nous considérons que c’est la meilleure façon d’assainir cette profession », a-t-il déclaré.
Boubacar Yacine Diallo a critiqué le comportement de « certains individus qui se sont autoproclamés grands chroniqueurs et journalistes d’investigation ». Selon lui, ils ne font pas de l’investigation. « Je n’ai pas de gêne à leur dire que je suis de ceux qui ont commencé l’investigation dans ce pays. La manière dont ils font, ce n’est pas de l’investigation, ce n’est pas du journalisme, et eux, n’auront pas la carte de presse », leur a-t-il prévenu.
Des médias fermés ?
Parlant des médias fermés, le président de la HAC a clarifié la position de son institution. « La HAC ne s’est jamais prononcée sur ce sujet. La raison en est simple : les patrons des médias fermés ont saisi la Cour suprême. Et c’est entre eux et l’Agent judiciaire de l’État. Nul ne peut intervenir tant que la Cour suprême n’aura pas rendu son arrêt », a-t-il indiqué.
Moraliser et responsabiliser
Pour Dr Dansa Kourouma, président du Conseil national de la Transition (CNT), l’avenir de la presse guinéenne passe par une moralisation du métier et une responsabilisation des acteurs. « La presse devra rimer avec rigueur morale, esprit critique, respect de la diversité et attachement à la vérité », a-t-il souligné. Insistant sur la création d’un organe d’autorégulation pour faire face aux défis et préserver l’intégrité de la profession. « C’est par la création d’organes d’autorégulation crédibles comme des tribunaux internes de la profession que la presse pourra régler ces différends en toute dignité, tout en évitant des déboires judiciaires inutiles ».
Selon Dansa Kourouma, l’avenir de la presse guinéenne sera « brillant pour les entrepreneurs médiatiques et généreux pour les journalistes et techniciens, si un contrat social clair, sous forme de convention collective est mis en œuvre ». L’avenir nous édifiera.
Mariama Dalanda Bah